Entre Samuel Eto’o et Ferdinand Ngoh Ngoh, les coulisses de la guerre du sélectionneur
La désignation par le gouvernement du Belge Marc Brys comme nouvel entraîneur du Cameroun a déclenché l’ire
de la Fédération camerounaise de football. Son président, Samuel Eto’o, pourrait contre–attaquer.
Son nom est quasi inconnu des sphères du football. Et pourtant, Marc Brys, 61 ans, a bien été désigné comme
nouvel entraineur de la sélection du Cameroun. Le
technicien belge s’apprête à débarquer dans la tanière des Lions indomptables, accompagné de ses assistants, l’ancien footballeur congolais Joachim Mununga et Giannis Xilouris.
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Sur place, Marc Brys devrait être épaulé par l’ancien international camerounais François Omam–Biyick nommé entraineur adjoint numéro 1, Ashu Cyprian Besong entraineur–adjoint n°2, Alioum Boukar entraineur des gardiens de but, et Christophe Manouvrier, préparateur physique.
Samuel Eto’o pas consulté avant le choix
L’équipe, annoncée par un décret du ministre des Sports Narcisse Mouelle Kombilu à la télévision nationale ce 2 avril, comprend également comme chargé des relations presse le journaliste Germaine Noel Essengue, et comme coordonnateur des équipes nationales l’ancien secrétaire général de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), Benjamin Banlock.
La désignation de la nouvelle équipe dirigeante des Lions indomptables, bien qu’attendue après le limogeage de
Rigobert Song, a surpris jusqu’aux responsables de la Fecafoot, y compris son président Samuel Eto’o. Dans un communiqué rendu public quelques heures après la lecture du texte ministériel, l’instance en charge du football au Cameroun a «marqué son grand étonnement >>.
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La fédération a aussi dénoncé une « décision prise de manière unilatérale » et qui s’oppose aux termes du décret portant organisation et fonctionnement des sélections nationales de football. Selon ce texte signé par Paul Biya en 2014 à la suite d’un mondial raté cette année–là au Brésil, « la gestion administrative, sportive et technique des sélections relève de la compétence de la Fecafoot>>.
Mais un mémorandum complétant le texte présidentiel,
signé entre la Fecafoot et son ministère de tutelle, ajoute que «<les membres des structures d’encadrement >> peuvent être recrutés « sur la base d’une mise à disposition par l’État <<. C’est cette disposition qui est
présenté par une source de Jeune Afrique proche du ministère des Sports comme le texte sur lequel s’appuie le recrutement de Marc Brys.
La Fecafoot avait proposé Hervé Renard
De tradition, la Fecafoot soumet ses propositions d’entraîneur à la présidence de la République, qui, in fine, est l’instance qui communique le choix final du sélectionneur. Selon nos informations, depuis le 12 mars, à l’issue d’un travail de présélection menée en son sein, la Fecafoot avait proposé à la présidence une shortlist de trois potentiels successeurs à Rigobert Song. En tête de celle–ci : Hervé Renard.
Le contrat de ce dernier avec l’équipe de France féminine de football s’achève après les prochains Jeux olympiques, et il aurait eu comme entraîneur des gardiens l’ancien international camerounais Thomas Nkono. Sauf que, dans le même temps, un comité logé au ministère des Sports avait lui aussi prospecté, et de ce côté, on penchait davantage pour un retour de l’ancien sélectionneur portugais Antonio Conceição.
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Selon une source proche du ministère des sports, ce dernier se serait surtout concentré sur les prétentions salariales des différents entraîneurs en lice. L’État payant les salaires, le gouvernement souhaitait choisir «< celui qui était à la hauteur de sa bourse ». Approché, Antonio Conceição aurait toutefois opposé un refus aux émissaires camerounais.
Mais la proposition de la Fecafoot, celle d’Hervé Renard, n’a pas pour autant repris le dessus. La présidence de la République n’a simplement jamais réagi à l’éventualité d’engager le technicien français, très expérimenté sur le continent et célèbre pour avoir remporté la Coupe d’Afrique des nations avec la Zambie et la Côte d’Ivoire, avant de devenir l’entraîneur du Maroc en 2016.
Le conflit entre la Fecafoot et le ministère pourrait durer
Pourquoi ce choix de Marc Brys? Quelques heures après sa désignation, et face aux multiples interrogations de l’opinion, un document signé du secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, instruisant ce recrutement a fuité. Dans la lettre en question, l’auteur indique transmettre le «haut accord de la présidence >>> aux propositions faites par le ministre des Sports. Dès lors, le choix du Belge émane–t–il de Paul Biya ou de son bras droit ?
La question a fait monter les tensions entre le gouvernement et la Fecafoot, qui a convoqué en urgence une session extraordinaire de son comité exécutif pour débattre de la question et de la posture à adopter. En plus d’avoir été écartée du choix du nouveau sélectionneur, la fédération a découvert qu’elle n’avait pas non plus été associée au choix du coordonnateur général des sélections, une de ses prérogatives, et que celui–ci n’était autre que son ancien secrétaire général Benjamin Banlock.
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Jadis proche de Samuel Eto’o, Benjamin Banlock avait été mis à l’écart de l’exécutif de la Fecafoot au sortir de la
CAN organisée au Cameroun en 2022, en raison de soupçons de malversations financières. Cité dans une
affaire de surfacturation de frais de location de bus et de trafic de tickets de stade, il avait écopé d’une mise à pied avant de démissionner de son poste. Visé par un mandat d’arrêt, Benjamin Banlock avait réussi à revenir au
Cameroun avec la bénédiction de certaines autorités.
Selon les règlements de la Fifa, le contrat du nouveau sélectionneur doit être archivé dans les classeurs de l’instance faîtière du football mondial en portant conjointement la signature du ministère des Sports
camerounais et celle du président de la Fecafoot. Auquel cas, il ne saurait être validé. Samuel Eto’o va–t–il s’aligner
sur le choix du gouvernement ou suivre sa voie ? « Il n’est pas impossible qu’il désigne son propre sélectionneur- entraîneur », a confié à Jeune Afrique un habitué de la Fecafoot. Le conflit entre la fédération et le ministère
semble reparti de plus belle.
Jean Moliere / source JA