10 décembre 2024
Paris - France

Adama Bictogo: << Alassane Ouattara est notre candidat naturel » 

 Présidentielle de 2025, arrivée de Tidjane Thiam à la tête du PDCI, opérations de déguerpissement à YopougonLe président de l’Assemblée nationale ivoirienne répond aux questions de Jeune Afrique

Il rentre tout juste de La Mecque. Fin mars, il était à Genève pour participer à l’Assemblée de l’Union interparlementaire (UIP), en tant que président de l’Assemblée nationale ivoirienne. Adama Bictogo est un homme très occupé. En février, il s’était illustré, dans son pays, en déplorant les opérations de déguerpissement menées, sans information préalable, dans la commune abidjanaise de Yopougon, dont il a été élu maire en septembre 2023

Loyal à l’égard d’Alassane Ouattara depuis un quart de siècle, ancien secrétaire exécutif du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti présidentiel, Adama Bictogo, 61 ans, revient sur l’actualité ivoirienne et la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire

Jeune Afrique : Vous avez été élu en septembre dernier maire de la commune abidjanaise de Yopougon, les services du district autonome d’Abidjan ont mené des opérations de déguerpissement dont vous n’aviez pas été informé 

– au préalable. Vous vous êtes ému des conditions dans lesquelles elles ont été réalisées. Quelle est la situation 

aujourd’hui ? Ces opérations vontelles se poursuivre

Adama Bictogo: Je tiens d’abord à dire que nous adhérons tous à la vision du gouvernement, qui entend renforcer la modernisation du district d’Abidjan, en prenant en compte les zones à risque afin d’éviter de nouveaux drames pendant les pluies diluviennes

Les modèles d’ecommerce à la chinoise à l’épreuve de l’Afrique 

Mais ce qui me paraît aussi essentiel, c’est la sensibilisation et l’information des populations avant toute opération de ce type. Nous avions souhaité la mise en place d’un comité bipartite avec le district afin d’élaborer en amont la cartographie des quartiers 

concernés au sein de la commune et de réaliser ce travail de sensibilisation. Cela n’a pas été le cas. Naturellement, les populations, non informées, ont été surprises, et cela a provoqué une vive émotion

Du perchoir à Yopougon, le retour en grâce d’Adama Bictogo 

Le gouvernement a aussitôt pris la mesure du désarroi des familles, sans domicile du jour au lendemain. Le président de la République a demandé au Premier ministre, Robert Beugré Mambé, de prendre des dispositions. Ainsi, 1 290 familles ont pu bénéficier 

d’indemnités pour se reloger temporairement. Pour les propriétaires, un site de recasement a été identifié. Et une << cellule d’aménagement des quartiers précaires » a été mise sur pied sous l’égide du Premier ministre afin de programmer les prochaines opérations. Rien ne se fera désormais sans concertation préalable avec les élus locaux. Cette concertation permanente entre nous s’impose, pour le bienêtre de nos populations

Il vous a été reproché au sein de votre famille politique, le RHDP, d’avoir publiquement contesté la méthode du district, désormais dirigé par Ibrahim Cissé Bacongo… 

À aucun moment on ne m’a reproché d’avoir mené une politique de proximité avec mes administrés. Il était évident et important, en tant que premier magistrat de la commune de Yopougon, que je me tienne à leurs côtés

Cela étant, le ministregouverneur et moimême sommes issus du même camp politique et il était bon que nous ayons une concertation. C’est ce que souhaitaient toutes les instances du parti. Assurément, il n’y a ni conflit de 

compétence ni guerre de leadership entre nous. Il appartient tout simplement à chacun de s’approprier les textes en ayant à l’esprit que l’humain prime avant tout, conformément à la vision du président Alassane Ouattara

 Entre Bictogo et Bacongo, les déguerpissements de la discorde 

Comment comptezvous financer tous les chantiers indispensables à la commune ? Quelles sont vos priorités

L’amélioration du cadre de vie et de l’environnement figure parmi mes priorités. Nous devons revenir aux fondamentaux pour moderniser et rééquiper la commune. Avec une superficie de plus de 160 km2 et une population de 1,6 million d’habitants, Yopougon est aujourd’hui la plus grande zone résidentielle d’Abidjan. Plus qu’une commune, c’est une ville à part entière. Malheureusement, les services urbains de base, tels que 

l’électricité et l’eau potable, n’ont pas suivi. Nous allons renforcer la cartographie sanitaire en démarrant d’ici à la fin du mois de mai les travaux de construction de six nouveaux centres de santé

Pour une meilleure mobilité, il faut aussi des routes et des voies réhabilitées. Selon notre cartographie des infrastructures routières, Yopougon a besoin de 38 km de bitume. Notre plan, chiffré à environ 25 milliards de F CFA [plus de 38 millions d’euros], sera entièrement 

financé par l’État avec lequel nous négocierons un remboursement échelonné sur sept ans. De plus, en accord avec les transporteurs et une société promotrice

nous lancerons bientôt les travaux de la première gare ultramoderne, dotée de toutes les commodités. Nous comptons également construire le futur palais de la culture de Yopougon. Ces deux grands projets d’infrastructure seront financés grâce à un partenariat public privé communal dans le cadre d’un BOT (Build, Operate, Transfer)

Enfin, l’insécurité demeure une préoccupation de tout instant. Pour moi, le maintien de l’ordre et la sécurité publique sont des sujets essentiels, pour lesquels il est primordial d’établir un lien solide entre les acteurs de la sécurité. Ainsi, à Yopougon, la police municipale, que 

j’envisage de reformer avec la nomination d’un nouveau chef, collabore étroitement avec les forces de sécurité nationales, à savoir la police, la gendarmerie, les sapeurs- pompiers, la sécurité civile. Je vous donne rendezvous en septembre 2024 pour un premier bilan de mon action à 

Yopougon

Dans dixhuit mois, c’est la présidentielle. Alassane Ouattara n’a pas encore fait part de ses intentions. Souhaitezvous qu’il se présente

Je considère que le bilan du président de la République plaide en sa faveur au regard du travail accompli, du niveau de développement atteint par la Côte d’Ivoire. Quand on regarde le budget de l’État depuis sa prise de fonctions, en 2011, il a presque triplé

 En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara et l’hypothèse du quatrième mandat 

D’un point de vue constitutionnel, il a le droit d’être candidat en 2025 et, en tant que président en exercice, il 

demeure le candidat naturel du parti. Mais, comme vous le savez, l’acte de candidature obéit à une décision

personnelle. C’est donc à lui de la prendre. Mais pour le président de l’Assemblée nationale et membre du RHDP que je suis, en l’état, il est notre candidat naturel

S’il ne devait pas y aller, pourriezvous faire acte de candidature

La question n’est pas à l’ordre du jour. Nous ne pouvons pas nous projeter tant que le chef de l’État ne s’est pas prononcé. Je continue à mener à bien ma mission en tant que président de l’Assemblée, conformément à ma feuille de route

Je suis à l’écoute du président. J’ai toujours répondu 

présent à son appel et à toutes les missions qu’il m’a confiées. Il lui reviendra d’indiquer le cap. Je ne doute pas qu’il désignera le candidat du RHDP en tenant compte des attentes des populations et des réalités sur le terrain. Quoi qu’il en soit, nous devrons être unis afin d’éviter de tomber dans le piège de la division systématique, qui ferait le jeu de nos adversaires

Laurent Gbagbo est inéligible en raison de sa condamnation en 2018. Selon vous, doitil pouvoir être candidat et obtenir sa réinscription sur les listes électorales

Il ne m’appartient pas de décerner un brevet d’éligibilité à l’ancien président Laurent Gbagbo. Vous évoquez une condamnation, cette question relève de la justice

Début avril, Alassane Ouattara et Guillaume Soro se sont parlé au téléphone. Une première depuis plus de cinq ans. Êtesvous favorable au retour en Côte d’Ivoire de l’exprésident de l’Assemblée nationale

Si le chef de l’État et l’ancien président de l’Assemblée ont eu à échanger au téléphone, cela ne peut que bénéficier au renforcement de la cohésion sociale. Naturellement, j’y suis favorable. En homme de consensus, je crois au grand rassemblement. Le projet de société du président s’articule autour de la Côte d’Ivoire solidaire, qui prend en compte toutes les filles et tous les fils du pays, qu’ils se trouvent

Que Guillaume Soro rentre en Côte d’Ivoire, je n’y vois aucun inconvénient. Le tout est de se conformer aux règles qui régissent le fonctionnement de la République

 [Enquête] En Côte d’Ivoire, un fantôme nommé Guillaume Soro 

L’élection de Tidjane Thiam à la tête du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et sa probable candidature à la présidentielle sontelles une source d’inquiétude pour le RHDP

Notre parti, avec à sa tête le président de la Républiquen’a jamais été inquiété par qui que ce soit. Quel que soit l’adversaire, nous avons toujours répondu présent à toutes les compétitions. Depuis une quinzaine d’années, notre parti a remporté toutes les élections locales, législatives et présidentielles. Et nous disposons au sein de notre formation d’hommes politiques de très haut niveau

Ceci étant, je ne suis pas de ceux qui banalisent ou minimisent l’adversaire. Une compétition est une compétition. J’ai du respect pour Tidjane Thiam, que je connais, dont je connais la famille. C’est un frère. Sur le plan politique, je ne porterai pas de jugement non plus, car il appartient à un parti que je respecte, qui a plus de soixantequinze ans d’existence et au sein duquel on trouve des personnes compétentes. D’ailleurs, nous sommes tous de la même grande famille des houphouëtistes

En Côte d’Ivoire, les premiers pas compliqués de Tidjane Thiam à la tête du PDCI 

Seriezvous favorable à ce que cette famille se réunisse à nouveau au sein d’une même formation

Une alliance ne peut être possible qu’entre personnalités politiques partageant la même vision pour le pays et la même idéologie. J’estime par ailleurs qu’il est bon que les Ivoiriens aient la possibilité de choisir entre différents programmes politiques, entre ceux qui se considèrent comme de gauche et ceux, comme nous, qui se considèrent comme des libéraux. C’est ma vision. Cela étant, je pense que nous pouvons garder de bonnes 

relations

Jean Moliere . Source: JA