8 mai 2024
Paris - France
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UKRAINE : UN NOUVEL AN PLUTÔT DIFFICILE

500 missiles, drones explosifs : Kiev dépassée ?

Les derniers jours de l’année 2023 et les premiers de 2024 ont plutôt été difficiles pour l’Ukraine pour au moins deux raisons. Tout d’abord, à partir du 29 décembre, Moscou a procédé à 5 jours de bombardements aériens visant l’ensemble du territoire ukrainien en utilisant une combinaison d’au moins 500 drones et missiles. Il s’agit des frappes les plus intenses depuis le début de la guerre en février 2022, soulevant la question des capacités de la défense anti-aérienne ukrainienne de tenir dans la durée. Deuxièmement, le pays connaît depuis quelques semaines un débat interne douloureux au sujet de la mobilisation, face à la nécessité perçue par l’état-major de trouver 450 000 – 500 000 troupes supplémentaires à cause des pertes sur le front et l’épuisement de soldats en besoin urgent de rotation (leur l’âge moyen étant de 43 ans contre 35 du côté russe).

Si les derniers assauts russes ont fait beaucoup de victimes (tout comme une frappe ukrainienne contre la ville russe de Belgorod), les défenses anti-aériennes ont montré leur efficacité dans la plupart des cas. Kiev dit notamment avoir neutralisé, grâce au système Patriot conçu aux États-Unis, une dizaine de missiles hypersoniques Kinjal ( « poignard »), supposément « invincibles » aux dires du Kremlin. Des analystes occidentaux restent néanmoins inquiets face aux derniers développements, qui suggèrent que la Russie aurait amassé des stocks considérables de projectiles ces derniers mois afin de lancer une campagne aérienne d’envergure pendant l’hiver dans le but d’user les défenses ukrainiennes. Même si les batteries Patriot semblent avoir démontré leur supériorité face aux Kinjal dans l’immédiat, Ukraine n’en possède pour l’instant que cinq, avec des stocks de missiles limités et difficiles à remplacer, surtout à cause du blocage par certains Républicains à Washington du renouvellement de l’aide pour l’Ukraine. Les experts militaires craignent donc que protéger toutes les grandes villes ukrainiennes ne devienne bientôt impossible – des craintes renforcées par des performances anti-aériennes très modérées lors de nouvelles frappes aujourd’hui.

En analysant les dégâts infligés lors des bombardements, Kiev ainsi que le porte-parole de la Maison Blanche John Kirby ont également constaté un élément nouveau : l’utilisation probable par Moscou de missiles balistiques KN-23 produites en Corée du Nord, d’une portée d’environ 900 km. Ce matériel, comparable aux missiles russes Iskander-M, est certes moins sophistiqué au niveau technologique que les projectiles de dernière génération, mais il constitue néanmoins un ajout utile à l’arsenal russe. Son usage représente d’ailleurs une intensification de la collaboration existante entre la Russie et la Corée du Nord, qui jusqu’à récemment ne concernait pas d’équipements aussi lourds. Selon Kirby, Pyongyang n’est pas le seul fournisseur potentiel de missiles à utiliser contre l’Ukraine, le Kremlin étant aussi en train de se tourner vers Téhéran (cf. LSDJ 2072).

Quant aux opérations terrestres, un comité parlementaire ukrainien est en train d’examiner des changements éventuels au règlement concernant la mobilisation. On propose notamment de durcir les mesures contre ceux qui essaient d’éviter l’appel sous les drapeaux et d’abaisser l’âge de la conscription de 27 à 25 ans – une modification déjà proposée il y a quelques mois, mais que Zelensky n’avait pas ratifiée. Parmi les questions controversées se trouvent l’attitude du gouvernement ukrainien envers les hommes en âge de servir qui ont quitté le pays (on les estime à 650 000 dans l’UE selon BBC Ukraine/Eurostat). Si certains sont partis légalement – comme par exemple les pères de 3 enfants ou des personnes handicapées, le journal autrichien Express a cité le chiffre de 175 000 qui auraient pris la fuite, dont un grand nombre en Allemagne (ou on comptait officiellement 189 484 Ukrainiens âgés entre 18 et 60 ans le 31 août 2023). Les autorités ukrainiennes et moldaves viennent d’ailleurs de démanteler un réseau de passeurs permettant aux Ukrainiens d’éviter le service militaire en achetant un « billet d’évasion » (prix jusqu’à $5000) entre Odessa et la Moldavie en transitant par la Transnistrie. Le 21 décembre, le ministre de la défense Rustem Umerov a évoqué la possibilité de recruter des Ukrainiens à l’étranger, avec des sanctions contre ceux qui ne se présenteraient pas au bureaux de mobilisation. Si ces propos ont ensuite été modérés par l’attaché de presse du ministère Illarion Pavliuk, c’est clairement à ce groupe que s’est adressé le président Zelensky dans son discours du Nouvel An. Tout en faisant l’éloge de ceux qui ont décidé de rentrer pour rejoindre les rangs, il a mis les Ukrainiens en exil devant un choix existentiel : « un jour je devrai me demander : qui suis-je ? […] Une victime ou un gagnant ? Un réfugié ou un citoyen ? » Une dilemme peu enviable au moment où beaucoup de nouveaux soldats risquent d’être dirigés vers des tranchées glaciales pour un temps indéterminé et avec des chances de survie impossibles à évaluer.

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