Voilà un rapport dont certains se seraient bien passés. A commencer, semble-t-il, parmi ses auteurs
Sur le fond, le rapport confirme la croissance continue du nombre de clandestins sur notre territoire (ils seraient « entre 600.000 et 900.000 » selon le ministre de l’Intérieur) et l’impuissance publique à contenir ce flux : mesures d’éloignement non exécutées, administrations « saturées », centres de rétention qui « manquent de policiers pour en assurer la surveillance », contrôles « très limités » aux frontières : « La police aux frontières ne relève que l’identité déclarée des personnes interpellées, sans l’intégrer dans un système d’information national. Les empreintes des étrangers interpellés ne sont pas prises, en l’absence de cadre légal ». En outre, « leurs documents d’identité ne sont pas scannés » et « les personnes interpellées ne font pas, sauf exception, l’objet de vérifications avec les fichiers de police ». Et la Cour de recommander urgemment de « recueillir et conserver les données d’identité des étrangers interceptés ». Quant à l’agence européenne de surveillance des frontières, Frontex, « elle apporte un soutien réduit ». S’agissant des OQTF (obligations de quitter le territoire), le rapport estime que seulement 10 % sont exécutées. Explication : « Sur les cinq dernières années, le nombre d’OQTF délivrées a augmenté de 60 % alors que les effectifs préfectoraux consacrés à l’éloignement et au contentieux des étrangers ont crû de 9 % ». La comparaison avec l’Allemagne est cruelle : 4 979 « retours aidés » exécutés en France en 2022, contre 26 545 en Allemagne… Le rapport conclut en critiquant l’absence de « stratégie globale » dans les politiques de migration conduites par le gouvernement.
Mais c’est la date de publication du rapport qui a enflammé l’actualité. La Cour des comptes avait initialement décidé de le publier le 13 décembre, soit deux jours après le vote de la motion de rejet de la loi sur l’immigration qui a conduit l’Assemblée à reprendre les débats pour restaurer les amendements du Sénat (cf. LSDJ n°2069 ). Mais le premier président de la Cour des comptes, l’ancien ministre socialiste Pierre Moscovici, a jugé que la publication du rapport était inopportune à cette date… Il l’a donc reportée au 4 janvier, trois semaines plus tard, pour éviter que ce rapport soit « déformé », « caricaturé et utilisé à mauvais escient ». « Nous étions dans une crise politique, dans un moment où les arguments rationnels se faisaient peu entendre », s’est-il justifié dans un entretien sur la chaîne LCI (5 janvier), largement partagé et commenté. Loin de paraître sur la défensive, Pierre Moscovici a hautement revendiqué la responsabilité de ce report : « C’est une décision que j’ai prise personnellement et que j’assume totalement » a-t-il déclaré sans sourciller, face au journaliste de LCI Darius Rochebin, ajoutant, un rien provoquant, qu’il aurait pu tout aussi bien décider de ne rien publier… Il persiste et signe dans Libération (7 janvier) en soutenant qu’il n’a « rien cherché à dissimuler ».
Étonnantes déclarations ! Les
Philippe Oswald