5 décembre 2024
Paris - France
HIGH-TECH SOCIETE

Technologie: L’IA pourrait-elle mettre fin aux centres d’appels en Afrique ? 

Cette année, environ quatre milliards de personnes se rendront aux urnes dans plus de 60 pays. Cette situation fait craindre l’utilisation grandissante de l’intelligence artificielle qui pourrait nuire au processus politique avec des images manipulées ou des campagnes de désinformation de masse. Lors d’une conférence organisée par l’AFD le mois dernier, des experts de l’IA ont discuté des risques qu’elle soulève pour les droits humains, des solutions possibles et des efforts qu’il reste à fournir.

Grand pourvoyeur d’emplois dans plusieurs pays du continent, le secteur des services externalisés doit s’adapter à l’intelligence artificielle et aux nouvelles évolutions technologiques

Le 27 février, le monde de la relation client a tremblé

Officialisant la mise en place de son assistant IA (intelligence artificielle), la fintech suédoise Klarna annonçait ce jourque son outil gérait << 2,3 millions de conversations, soit les deux tiers des discussions du service client >> l’équivalent du travail de «< 700 agents à plein temps >>. << Une avancée majeure dans l’application pratique de l’IA!» s’est félicité, sur X (anciennement Twitter), le PDG du géant du paiement fractionnéSebastian Siemiatkowski

 Outsourcing: Intelcia regarde outreAtlantique 

Le lendemain, Teleperformance, numéro mondial de la relation client et des services externalisés (offshoring), voyait son cours plonger de 14 %. « Le titre Teleperformance est aujourd’hui fortement affecté à la suite d’une action de communication d’un acteur du secteur financier annonçant une automatisation élevée de ses processus dans le domaine de la relation client par chat«<, réagissait le 28 février le géant tricolore présent dans six pays d’Afrique (Égypte, Nigeria, Madagascar, Afrique du Sud, Maroc, Tunisie). Et assurait que «la direction de Teleperformance indique que l’activité actuelle du groupe ne reflète en aucun cas les conclusions. négatives qui pourraient être tirées des évolutions technologiques évoquées» dans le communiqué de 

Klarna

300 millions d’emplois menacés 

Audelà du cas du leader mondial, l’essor de l’intelligence artificielle promet de bouleverser le secteur, y compris en Afrique, des groupes comme Teleperformance et Concentrix Webhelp (Algérie, Ghana, Bénin, Égypte, Maroc, Maurice, Madagascar, Côte d’Ivoire, Sénégal, Afrique du Sud, Tunisie) fournissent beaucoup d’emplois dans de nombreux pays

Selon le Global Services Location Index (GSLI) du cabinet américain de conseil en stratégie Kearney, «<les progrès technologiques, en particulier dans le domaine de l’IA générative, devraient avoir un impact considérable sur les entreprises au cours des prochaines années, à mesure que l’industrie 4.0 s’accélère». Et de prévenir que <<< cette nouvelle vague d’IA a le potentiel de remplacer ou de supprimer jusqu’à 300 millions d’emplois dans le monde au cours de la prochaine décennie tout en favorisant l’innovation, l’efficacité, la personnalisation et la créativité »

Maroc : Outsourcia s’implante en Tunisie et veut poursuivre son expansion à l’international 

Au cœur du financement de l’excellence africaine 4X 

Deuxième pays africain par l’attractivité (derrière l’Égypte) et 28° dans le monde, le Maroc, l’activité emploie 130 000 personnes, pourraitil en faire les frais? Non, estime Youssef Chraibi, président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services, qui juge que <«<le secteur des centres d’appels et celui de l’outsourcing de façon plus large resteront dans le top trois des créateurs d’emploi dans le royaume pour de nombreuses années encore avec un rythme minimum de 10 000 emplois nets créés par an»

<<< Si vous posez cette question, c’est que vous partez du principe que nos clients recherchent avant tout à réduire. leurs coûts, car l’IA est basiquement présentée comme la solution la plus économique. Or, cela fait déjà dix ans que les salaires à Madagascar sont quatre fois inférieurs à ceux du Maroc, pourquoi le métier n’atil toujours pas disparu au Maroc depuis ?», interroge le fondateur du groupe Outsourcia, présent au Maroc, au Niger, à Madagascar et en Tunisie. Selon lui, les marques 

recherchent plutôt des << partenaires à même de créer le maximum de valeur auprès de leur client, en mettant à profit tout leur savoirfaire, tout en y injectant la bonne 

dose d’IA»

ChatGPT déjà implanté depuis plus d’un an 

Toujours estil qu’il s’agit d’un sujet de préoccupation dans d’autres pays du continent, comme à Maurice, au 

Kenya, au Ghana, en Afrique du Sud ou encore en Algérie, qui figurent tous dans le classement du GSLI. Car si la révolution de l’IA »pourrait permettre aux travailleurs de se concentrer sur des tâches plus stratégiques et d’améliorer leur productivité », il n’en reste pas moins que, << dans d’autres cas, cela pourrait 

déplacer entièrement des travailleurs, les obligeant à développer de nouvelles aptitudes et compétences>>

 Outsourcing: 260 millions d’euros de manque à gagner pour le Maroc en 2020

Selon Youssef Chrabi, «<les outsourceurs n’ont pas attendu 2024 pour s’adapter à l’IA». «Cela fait plusieurs années que nous intégrons et améliorons l’efficacité de différentes solutions IA, notamment de chatbots et de callbots [deux types de robots conversationnels], expliquetil. De même, ChatGPT ne date pas de 2024

nous avons pu l’implémenter depuis plus d’un an sur de nombreux processus son efficacité a pu être démontrée. Nous l’avons écarté de beaucoup d’autres, assure le PDG d’Outsourcia. >> 

L’annonce de Klarna ne devrait donc pas inquiéter le secteur ?«<Non, nos analyses sur l’attractivité d’un secteur ne reposent pas sur ce type d’annonces. Elles reposent plutôt sur les prévisions de tous les cabinets qui  réalisent des études sur le secteur et qui montrent toutes une croissance de l’outsourcing supérieure à 5 % par an pour les dix ans à venir partout dans le monde », tranche dirigeant marocain. Et de conclure: «Nous sommes des alliés de la première heure. Vouloir nous opposer n’a 

aucun sens. >>> 

Jean Moliere /source