Le cartel continue d’ignorer les appels des pays consommateurs de pétrole à augmenter largement sa production. L’envolée des cours devrait se poursuivre avec la mise en oeuvre de l’embargo européen sur le pétrole russe.
C’est un « non » ferme de la part du cartel des pays exportateurs de pétrole. Ce jeudi, l’Opep, allié à la Russie, a de nouveau ignoré les appels du pied des pays consommateurs d’or noir, fortement pénalisés par la hausse du cours du baril, à ouvrir plus largement les robinets.
Au mois de juin, l’Opep se limitera à une hausse de production de quelque 432.000 barils par jour. Un niveau conforme au programme annoncé par le cartel pour relancer sa production, au sortir du Covid-19, mais qui s’avère très insuffisant pour limiter l’inflation du cours du baril, alors que l’Europe s’apprête à mettre en oeuvre un embargo sur les importations de pétrole russe.
La tension monte avec les Etats-Unis
« Les fondamentaux du marché et les perspectives indiquent que le marché est équilibré. Par ailleurs, il subit toujours des effets liés à la pandémie en cours », font valoir les 23 pays membres de l’alliance dans un communiqué succinct.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, le cartel montre une solidarité sans faille avec Moscou, pilier essentiel de l’alliance et gage de son influence. Nouée en 2016 pour contrer l’essor du pétrole de schiste américain, l’association entre le Kremlin et l’Opep a fait passer la part de marché de ce dernier à l’échelle mondiale de 35 % à 55 %.
Dans ce contexte, les Etats-Unis, qui ont déjà puisé dans leurs réserves stratégiques afin de limiter la hausse des prix, pourraient à nouveau se mobiliser. Selon CNN, l’administration Biden pourrait annoncer un plan d’achat à long terme pour renflouer progressivement ses réserves stratégiques de brut.
Par ailleurs, ce jeudi, une étape décisive a été franchie par le Sénat américain pour approuver un texte baptisé « Nopec » (pour « No Oil Producing and Exporting Cartel ») qui autoriserait Washington à poursuivre en justice le cartel pour manipulation des marchés de l’énergie.
De fait, le statu quo annoncé par l’Opep devrait continuer de faire grimper les cours. A la suite de la réunion, le prix du baril de brent a quasiment atteint les 115 euros, et le WTI, la référence aux Etats-Unis, environ 110 dollars. « Une fois l’embargo européen sur le pétrole russe mis en oeuvre, les cours devraient revenir structurellement à un niveau proche de 120 dollars le baril», estime Homayoun Falakshahi, analyste chez Kpler.
Une production russe qui recule
Le marché doute de la capacité des pays de l’Opep à tenir leurs objectifs en termes de nouveaux barils, alors que plusieurs pays de l’alliance ont des difficultés à augmenter leur capacité de production. Selon les données compilées par Bloomberg, l’alliance n’a pas mis sur le marché les volumes annoncés le mois dernier. L’Angola et le Nigeria en particulier échouent régulièrement à augmenter leurs volumes.
Dans le même temps, les effets de la guerre en Ukraine sont déjà visibles sur le marché. La production de pétrole russe, qui fait l’objet d’un boycott de certaines compagnies pétrolières, commence à baisser. Selon les données du cabinet de recherche OilX, elle était d’environ 11 millions de barils par jour en mars, contre 10,1 millions de barils par jour début avril.
Et le phénomène va s’amplifier. « Dans six mois, l’embargo européen devrait entraîner une perte significative de production de brut russe, de l’ordre de 2 millions de barils par jour par rapport aux niveaux de mars 2022 », estiment les analystes de Rystad Energy.
D’abord parce que toutes les infrastructures existantes limitent les capacités d’export de la Russie vers l’Asie. Il n’existe que deux oléoducs passant par le Kazakhstan et la Sibérie Orientale et les navires pétroliers ne seront pas forcément disponibles, ce qui devrait limiter la capacité de l’Inde et la Chine à absorber les flux destinés à l’Europe. Ensuite parce que les capacités de stockage de la Russie sont pratiquement toutes utilisées. « La production de brut russe va se réduire compte tenu de la baisse de la demande », estiment les analystes de Rystad Energy.
VIDEO – Qu’est-ce que le « GNL », appelé à remplacer le gaz russe en Europe ?
Sharon Wajsbrot