Présidentielle en Russie : quels sont les objectifs de Vladimir Poutine pour son nouveau mandat ?
Il rempile pour six ans. Au moins. Vladimir Poutine a remporté, dimanche 17 mars, sa cinquième élection présidentielle, sans opposition et sans campagne. D’après la Commission électorale russe, le chef d’Etat a obtenu un score définitif de 87,28% des suffrages, selon les résultats définitifs, communiqués lundi en début d’après-midi. Une victoire sans la moindre surprise, dans une Russie en meilleure posture, mais néanmoins troublée par deux ans d’un conflit dévastateur contre l’Ukraine. Le maître du Kremlin est désormais au pouvoir jusqu’en 2030, année où il fêtera ses 77 ans. Avec un potentiel mandat supplémentaire jusqu’en 2036 grâce à une modification sur mesure de la Constitution adoptée par référendum il y a quatre ans.
Le président russe avait défini les grandes lignes stratégiques de la politique russe pour les prochaines années, lors de son discours annuel à la nation, à Moscou, le 29 février. Devant l’élite politique, militaire, économique et religieuse du pays, il avait fait une longue série d’annonces chiffrées, promettant des milliards de roubles pour moderniser les infrastructures, lutter contre la pauvreté et un déclin démographique prononcé, ou encore numériser le pays. Voici à quoi devrait ressembler la Russie des six prochaines années, s’il respecte sa feuille de route.
La poursuite de la guerre en Ukraine
Que change la reconduction de Vladimir Poutine sur le terrain ukrainien ? Le 29 février, le président russe avait assuré que ses soldats remporteraient la victoire et ne reculeraient pas, après plus de deux ans d’offensive militaire. « Les membres des forces armées ne reculeront pas, n’échoueront pas, ne trahiront pas », avait-il promis. Mais il n’a donné aucune perspective à la population russe, « qu’il s’agisse des contours de la victoire annoncée, d’une éventuelle issue négociée ou du retour dans leurs foyers des civils mobilisés en septembre 2022″, écrit Le Monde.
Néanmoins, assure Tatiana Kastouéva-Jean, spécialiste de la Russie, dans une tribune au Monde, le maintien au pouvoir de Poutine lui permet d’avoir « les mains encore plus libres qu’auparavant » sur le dossier ukrainien. « La plus grande incertitude pour les mois à venir concerne la probabilité d’une nouvelle vague de mobilisation partielle, que les autorités tentent d’éviter, tant celle de septembre 2022 s’est révélée impopulaire et source de déstabilisation, détaille-t-elle. Elle est cependant indéniablement nécessaire, car l’étendue du front et le niveau élevé des pertes humaines ne permettent pas de percée militaire à l’heure actuelle. »
L’extension du conflit, avec les déclarations d’Emmanuel Macron, qui n’a pas exclu l’envoi de troupes au sol, est désormais au cœur des discussions. Les Occidentaux ayant assuré qu’ils ne prendraient jamais l’initiative de déclencher un conflit avec la Russie, la balle est dans le camp russe. « Le mandat de Vladimir Poutine qui vient de se terminer était marqué par la volonté de s’en prendre à l’Ukraine. Le mandat qui vient montrera à quel point il va avoir la possibilité de s’en prendre à des pays de l’Otan », résume pour franceinfo Antoine Arjakovsky, historien spécialiste de l’Ukraine et de la Russie. « Il y a un risque d’accélération, d’intensification de la guerre », ajoute-t-il.
La réaffirmation des « valeurs traditionnelles » au sein de la famille
Lors de son discours annuel, Vladimir Poutine a de nouveau fait l’éloge des « valeurs traditionnelles » officiellement défendues par le Kremlin, assurant que la Russie en était l’un des « bastions ». « Une famille avec de nombreux enfants doit devenir la norme, une philosophie de vie et un point de référence pour l’ensemble de la stratégie de l’Etat », a-t-il lancé, alors que la Russie fait face depuis de longues années à de graves problèmes démographiques, renforcés par l’assaut en Ukraine et le départ à l’étranger de centaines de milliers de citoyens. « Nous voyons ce qui se passe dans certains pays, où les normes de la morale sont consciemment détruites et où des peuples entiers sont conduits à l’extinction et à la dégénérescence, a-t-il insisté. Nous choisissons la vie. »
Des propos qu’il s’agit de remettre en perspective, assure Antoine Arjakovsky. « La société russe est devenue ultraviolente, avec des niveaux de violence comparables à ceux de l’Afrique du Sud et du Mexique. » L’historien rappelle par exemple que le Kremlin a fait libérer des prisonniers de droit commun, coupables de viols ou de meurtres, « pour combattre en Ukraine, et qui reviennent ensuite dans leur village ».
Des promesses d’investissements économiques dans plusieurs secteurs
Le 29 février, Vladimir Poutine a fait de multiples promesses d’aides sociales – notamment pour les vétérans et leur famille – et annoncé des investissements dans les infrastructures, l’éducation, le numérique et les nouvelles technologies, la culture ou encore la protection de l’environnement. Il a aussi assuré que la lutte contre la pauvreté en Russie était l’une de ses priorités, s’est réjoui d’une baisse de la « consommation d’alcool » et a promis plus de financements pour rénover les écoles du pays.
Le président russe est même allé jusqu’à promettre « la remise en état des sentiers pédestres dans les parcs nationaux, la modernisation des bureaux de poste dans les villages ou la rénovation des voies sur berge dans les villes russes », rapporte Le Monde. Mais « nombre de ces promesses – qu’il s’agisse de la modernisation des hôpitaux, de l’accès à l’eau et au gaz – sont répétées année après année, mandat après mandat ».
« Ce sont des messages de propagande, appuie Antoine Arjakovsky. Le grand rêve de la bureaucratie russe, c’est l’Etat-civilisation, un Etat-île, qui soit en autarcie, mais ce n’est pas réaliste. L’économie russe n’est pas capable d’organiser une transition. Le rouble est en pleine dévaluation. La société russe n’y croit pas alors que des millions de personnes n’ont même pas le tout-à-l’égout. »
JM . Source / AFP