TERRORISME. La petite ville de Palma, dans le Nord, est tombée aux mains des djihadistes du groupe Al-Shebab, après plusieurs jours d’affrontements avec l’armée.
Mercredi, les groupes armés ont lancé une attaque d’envergure contre Palma, simultanément sur trois fronts, le jour même où Total annonçait la reprise des travaux du site d’exploitation gazière, censé être opérationnel en 2024. La ville est tombée entre leurs mains samedi, après trois jours de combats. Le nombre de victimes parmi les civils et les combattants reste inconnu. Le gouvernement mozambicain a confirmé dimanche soir qu’au moins sept personnes ont été tuées dans une embuscade vendredi, en tentant de s’échapper d’un hôtel où elles s’étaient retranchées. Et des « dizaines » d’autres lors de l’attaque initiale mercredi. Des témoins ont raconté à l’ONG Human Rights Watch qu’ils ont tiré « tous azimuts sur les gens et les bâtiments », laissant une traînée de corps dans les rues.
Un bilan incertain, des milliers d’habitants en fuite
L’urgence est partout et ce lundi 29 mars, plusieurs agences de l’ONU se sont réunies dans la matinée pour coordonner leurs efforts et organiser le transport vers des zones sûres de milliers de civils ayant fui la ville pour se réfugier dans les forêts et plages environnantes. Mais aussi, en masse, vers le site gazier piloté par Total. Selon une source participant aux opérations d’évacuation, il y aurait entre 6 000 et 10 000 personnes réfugiées à l’intérieur du site ou demandant à l’être, une situation compliquée à gérer d’autant que les travaux de la construction du site gazier, censé être opérationnel en 2024, sont à l’arrêt depuis plusieurs mois. Donc peu de personnel présent et vraisemblablement peu de ressources pour gérer une présence aussi importante.
Terrorisme : l’Afrique australe face au défi djihadiste
Qui sont les Shebabs qui terrorisent le nord du Mozambique ?
Tout a commencé en octobre 2017. Ce jour-là, une trentaine d’hommes armés lancent un raid à l’aube contre trois postes de police à Mocimboa da Praia, ville portuaire de la province de Cabo Delgado, frontalière de la Tanzanie, et à majorité musulmane. « On a pensé qu’ils voulaient libérer leurs camarades accusés d’appartenir à une secte religieuse radicale appelant la population à désobéir aux lois », racontait fin 2020 à l’AFP un imam qui tient à son anonymat. C’est en réalité le début d’une sanglante guérilla djihadiste qui continue à ravager la province, forçant à ce jour plus de 670 000 personnes à quitter leur foyer, selon l’ONU, et faisant au moins 2 600 morts, dont plus de la moitié de civils, selon l’ONG Acled.
Le mouvement serait né vers 2007, autour d’un groupe baptisé Ansaru-Sunna, qui construit de nouvelles mosquées adoptant un islam rigoriste, selon Éric Morier-Genoud, professeur d’histoire africaine à Belfast. Les autorités locales sous-estiment alors leur capacité de nuisance, qui se nourrit aussi des déçus de l’exportation gazière offshore, qui avant même d’avoir commencé, chasse des habitants de leurs villages et de leurs zones de pêche.
Aujourd’hui, la péninsule d’Afungi, centre névralgique des installations gazières qui représentent l’un des plus gros investissements en Afrique et auquel participe notamment le groupe français Total. Les dirigeants de ces rebelles, surnommés localement « al-shebab », restent un mystère. Mais ils ont fait allégeance au groupe État islamique en 2019. Ils ont incendié de nombreux villages, après les avoir pillés, et pratiquent la décapitation à grande échelle pour terroriser la population. Ils enlèvent aussi jeunes gens et femmes pour grossir leurs rangs. Ils contrôlent une bonne partie de la zone côtière, y compris le port de Mocimboa da Praia, pris en août 2020.
Faiblement équipée et peu entraînée, l’armée a d’abord semblé dépassée, dans ce pays d’Afrique australe indépendant du Portugal depuis 1975. Le Mozambique a réussi sa transition démocratique il y a près de 30 ans, à l’issue d’une longue et sanglante guerre civile qui a duré une quinzaine d’années et fait un million de morts, jusqu’à un accord de paix en 1992. Des milliers de soldats ont toutefois été déployés, aboutissant à une accalmie ces derniers mois, attribuée par les autorités à la réplique militaire.