La major française est représentée en Libye depuis le mois de février par Pedro Ribeiro. Sous des auspices favorables, celui-ci doit notamment superviser la reprise des négociations sur les champs pétroliers de Waha.
Le président de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, à Paris, le 8 janvier 2024. © Xose Bouzas/Hans Lucas via AFP
Nouveau directeur de TotalEnergies en Libye, l’Angolais Pedro Ribeiro a posé ses valises dans le pays en février. Son arrivée à Tripoli intervient à un moment charnière pour les projets du groupe pétrolier français présidé par Patrick Pouyanné. Ex-directeur de TotalEnergies en Bolivie, Pedro Ribeiro avait ensuite fait une rapide escale au Caire, d’octobre 2023 jusqu’à sa prise de fonctions en Libye.
Il succède à Pascal Breant qui, dans un jeu de chaises musicales, le remplace à la direction du groupe français pilotant l’Égypte et Chypre. Il assurera le suivi d’un autre dossier majeur pour TotalEnergies, après la découverte du potentiel de production de gaz de Cronos-2, situé sur le Bloc 6, au large de Chypre.
Même s’il a surpris ses partenaires, le départ de Pascal Breant s’inscrit dans le protocole habituel appliqué par TotalEnergies pour ses cadres, après plus de trois années de fonction dans le pays. Mais cette rotation est également liée à l’agenda de la major en Libye.
Changement de leadership
Pedro Ribeiro prend ses fonctions au moment où la joint-venture Waha Oil Co change de « leader ». Celle-ci est composée de la compagnie nationale libyenne, National Oil Corp (NOC), actionnaire à 59 %, du français TotalEnergies, à 20,4 %, et de l’américain ConocoPhillips, à 20,4 %. Jusqu’en janvier 2024, TotalEnergies assurait le leadership au sein du consortium, puis l’a cédé à ConocoPhillips. Cette passation de pouvoir s’est faite dans le cadre du cycle instauré par Waha Oil et porte ainsi le directeur de la firme américaine en Libye, Dag Sanner, à sa tête.
C’est donc avec lui que Pedro Ribeiro doit se coordonner, alors que l’Américain pilote désormais les discussions au nom des partenaires de Waha Oil pour renégocier leur contrat. Leur requête porte sur deux points majeurs : l’augmentation des marges de leurs profits pour les faire passer de 6,5 % à 13 % de la production ; et le prolongement de leur contrat pour le porter jusqu’en 2046, alors que la fin de leur licence est prévue en 2031.
Pour TotalEnergies et ConocoPhilipps, ces demandes sont justifiées par le montant de leurs investissements dans les champs de Waha, notamment pour le dernier développement du projet de North Gialo. Son exploitation permettrait d’augmenter la production des concessions de Waha à 300 000 barils par jour.
Politique d’ouverture
Les négociations ont discrètement repris ces derniers jours, avec le concours de Pedro Ribeiro. Lancées il y a un an, elles avaient été interrompues, avant de reprendre récemment à la faveur de la nomination du nouveau ministre du pétrole et du gaz par intérim, Khalifa Rajab Abdulsadek. Cet ancien sous secrétaire du ministère du pétrole et du gaz a été nommé le 26 mars par Abdelhamid Dabaiba, le premier ministre du Gouvernement d’union nationale (GUN) de Tripoli, (AI du 01/04/24). Il remplace ainsi Mohamed Aoun, suspendu par l’Autorité de contrôle administrative dans le cadre d’une enquête pour violation de la loi.
Ce changement à la tête du ministère du pétrole est de bon augure pour TotalEnergies et ConocoPhilipps. En effet, Mohamed Aoun était ouvertement défavorable à la signature de ce contrat. L’ex-ministre du pétrole faisait jusqu’à présent rempart contre les offres des firmes étrangères pour invalider les contrats négociés avec la NOC, au titre de la préférence nationale.
Mohamed Aoun avait ainsi dénoncé les négociations pour le mégacontrat du bloc NC7, sur lequel TotalEnergies s’était positionné en consortium avec l’italien ENI, l’émirati Adnoc, et un groupe turc dont l’identité reste inconnue. Khalifa Rajab Abdulsadek est à la fois proche d’Ibrahim Ali Dabaiba, neveu et éminence grise d’Abdelhamid Dabaiba, et de Farhat Omar Bengdara, patron de la NOC. Plus enclin à une politique d’ouverture, il pourrait appuyer les offres des majors étrangères et de la NOC.
Projet solaire
Pour être validés légalement, ces contrats doivent obtenir l’approbation du conseil des ministres et du Conseil suprême de l’énergie, présidé par le premier ministre. TotalEnergies peut également compter sur ses bonnes relations avec le patron de la NOC, considéré comme un « ami de la maison ». Ce dernier avait contribué à l’amélioration des relations avec la major française alors qu’il avait assuré le rachat de 4,08 % des parts de Hess Corp dans Waha par TotalEnergies après deux ans de patience. Des représentants de la NOC avaient ainsi tenu à assister au pot de départ de Pascal Breant.
Au-delà des projets pétroliers, Pedro Ribeiro tentera aussi de faire avancer le projet solaire du groupe français. En plus de ses projets pétroliers, majoritairement onshore en Libye, TotalEnergies avait annoncé la création d’une ferme solaire de 500 MW à Zawiya. Mais après l’inauguration du terrain, en juin 2022, la construction n’a pas débuté. Et pour cause, TotalEnergies négocie encore les conditions commerciales avec son partenaire, la General Electricity Company of Libya (GECOL).
Jean Moliere source AI