Mais la plus grande zone de libre-échange du monde a besoin de mesures pour stimuler la productivité et accroître les opportunités économiques.
La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourrait limiter la contraction de la croissance due à la pandémie de COVID-19, la hausse de la pauvreté et des inégalités et stimuler une croissance durable et inclusive sur le continent si des mesures de soutien plus fortes ciblant les femmes, les jeunes commerçants et les petites entreprises sont mises en œuvre. C’est la conclusion du Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique de la CNUCED publié le 8 décembre.
Il montre qu’il est peu probable que les politiques commerciales à elles seules soutiennent une croissance économique inclusive sur le continent. D’autres mesures sont nécessaires pour accroître les gains potentiels en terme d’intégration régionale et contribuer à un développement inclusif. Il s’agit de promouvoir la coopération dans la promotion des politiques d’investissement et de concurrence, l’accélération du financement des infrastructures qui facilitent les liens ruraux-urbains et l’égalité d’accès aux opportunités socio-économiques et aux ressources productives.
La ZLECAf, en vertu de laquelle le libre-échange a officiellement été instauré en janvier 2021, est l’un des projets phares de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui comprend divers objectifs en matière de croissance durable et inclusive. La croissance économique ne peut être inclusive que si elle réduit à la fois la pauvreté et les inégalités.
« La ZLECAf a un immense potentiel pour stimuler la croissance économique et transformer les perspectives de développement du continent si des mesures supplémentaires sont prises pour réaliser et répartir équitablement ses nombreux avantages potentiels, car ces résultats ne viendront pas automatiquement » a déclaré Rebeca Grynspan, Secrétaire Générale de la CNUCED.
“La pauvreté et les inégalités ne sont pas inéluctables. Ils sont le produit de choix politiques et de politiques publiques. Ce rapport aidera les gouvernements africains et les partenaires de développement à mieux tirer parti de la ZLECAf pour lutter à la fois contre la pauvreté et les inégalités afin de garantir que les bénéfices attendus du libre-échange soient plus inclusifs.”
Une croissance inclusive hors de portée pour la plupart des pays africains
Selon le rapport, la croissance n’a été inclusive que dans 17 des 49 pays africains pour lesquels des données suffisantes sur les ménages entre 2000 et 2020 sont disponibles. Dans 18 pays africains, la croissance économique a permis de réduire la pauvreté, mais avec une hausse des inégalités. La croissance n’a pas été inclusive dans 14 pays.
Ce constat soulève la question clé de savoir comment la croissance économique grâce à l’intégration régionale peut contribuer à la réduction de la pauvreté et favoriser le développement inclusif, un objectif principal de l’Agenda 2063.
La croissance sans précédent de l’Afrique dans les années 2000 ne s’est pas traduite par une amélioration significative des moyens de subsistance de la plupart des Africains. En effet, l’écart de revenu entre les riches et les pauvres s’est creusé. Environ 34 % des ménages africains vivent en dessous du seuil de pauvreté international (1,9 $ par jour) et environ 40 % de la richesse totale appartient à environ 0,0001 % de la population du continent.
La pandémie de COVID-19 a exacerbé les inégalités et les vulnérabilités des groupes marginalisés, de sorte que 37 millions de personnes supplémentaires en Afrique subsaharienne vivent dans l’extrême pauvreté (au seuil de pauvreté de 1,9 $ par jour).
Une croissance inclusive grâce au commerce intra-africain
Le rapport indique que la libéralisation du commerce, qu’elle soit bilatérale, régionale ou multilatérale, entraîne certaines pertes de recettes tarifaires et a des effets redistributifs. Cependant, l’intensification du commerce international peut également générer des retombées interrégionales en terme de connaissances. Ceci pourrait accroître l’efficacité, permettre de diffuser la technologie et de redistribuer les richesses.
Le commerce intra-africain est actuellement faible à 14,4% du total des exportations africaines. Il est composé à 61 % de produits transformés et semi-transformés, ce qui suggère des avantages potentiels plus élevés d’un commerce régional accru pour une croissance transformatrice et inclusive.
Le rapport souligne que lorsqu’on considère le commerce transfrontalier informel, l’Afrique enregistre un commerce intra-régional plus élevé, en particulier dans l’agriculture.
Le commerce transfrontalier informel peut représenter jusqu’à 90 % des flux commerciaux officiels dans certains pays et contribuer jusqu’à 40 % du commerce total au sein des communautés économiques régionales telles que la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et le Marché commun de l’Est et de l’Afrique australe (COMESA).
Il fonctionne également comme un employeur de dernier recours pour de nombreux groupes vulnérables, ce qui en fait une importante source de revenus pour le segment le plus pauvre de la population et les groupes marginalisés comme les femmes et les jeunes.
Une opportunité inexploitée de 22 milliards de dollars
Le rapport constate que le potentiel d’exportation encore inexploité du continent s’élève à 21,9 milliards de dollars, soit 43% des exportations intra-africaines. Il indique qu’un potentiel d’exportation supplémentaire de 9,2 milliards de dollars peut être réalisé grâce à une libéralisation tarifaire partielle dans le cadre de la ZLECAf au cours des cinq prochaines années.
Pour libérer ce potentiel, diverses barrières non tarifaires intra-africaines, y compris des mesures non tarifaires coûteuses, des lacunes en matière d’infrastructure et d’informations sur le marché, doivent être levées et comblées. Cela nécessite des efforts conjoints dans le cadre de la ZLECAf.
Une coopération à long terme dans les politiques d’investissement et de concurrence sera essentielle pour surmonter la domination du marché par quelques acteurs et pour réduire les obstacles structurels et réglementaires à l’entrée sur le marché.
En raison des fermetures aux frontières induites par la pandémie de COVID-19, les groupes vulnérables tels que les commerçantes transfrontalières, les petites entreprises et les commerces informels ont vu leurs économies s’épuiser complètement et ont eu du mal à subvenir aux besoins de leurs familles.
« Des mesures complémentaires visant à aider les femmes et les jeunes qui participent au commerce, les petites entreprises et les pays les moins avancés africains doivent être prises pour rendre la Zone de libre-échange plus inclusive » a déclaré Wamkele Mene, Secrétaire Générale du Secrétariat de la ZLECAf.