Après le putsch au Niger en juillet, qui suscite la colère du président de la République, le coup d’Etat survenu mercredi vient affaiblir un peu plus la position de Paris en Afrique.
Les faits – Le président du Gabon, Ali Bongo, a été placé mercredi en résidence surveillée, ont annoncé
des officiers de l’armée après l’annonce, plus tôt, de leur prise de pouvoir. Il venait d’être réélu pour un
troisième mandat dans des conditions critiquées par l’opposition. La France «< condamne le coup d’Etat
militaire qui est en cours», a déclaré Olivier Véran, porte–parole du gouvernement. Le gouvernement suit
la situation avec << la plus grande attention » a indiqué Elisabeth Borne. Total Energies a indiqué que sa
priorité principale était d‘«< assurer la sécurité de ses employés et de ses opérations ». Le groupe minier
français Eramet a mis en pause, lui, toutes ses opérations dans le pays.
Emmanuel Macron ne croyait pas si bien dire, le 2 mars dernier à Libreville : « Notre histoire, ici au Gabon,
ne nous le cachons pas, c’est aussi celle de la Françafrique. Et cet âge de la Françafrique est bien
révolu ». Un semestre plus tard, un coup d’Etat militaire a, mercredi matin, planté un clou supplémentaire
dans le cercueil de la politique africaine de la France. Le Gabon, l’un des pays les plus riches d’Afrique
grâce au pétrole, abrite toujours une base militaire française. « On a déjà perdu le Sahel, va–t–on
maintenant perdre l’Afrique centrale? », s’interroge un familier de cette zone.
C’est la théorie des dominos qui tombent les uns après les autres. Cinq semaines après le putsch au Niger
du 26 juillet, qui faisait suite au départ forcé de Centrafrique, du Mali puis du Burkina Faso au cours de
l’année écoulée, la séquence est désastreuse pour Paris. Elle met à mal l’ambition d’Emmanuel Macron de
faire de la France une « puissance partenariale de confiance ». Celui–ci se retrouve à la fois isolé sur la
scène internationale et en colère face à la tournure que prennent les crises africaines.
Cette colère, il l’avait déjà manifesté dans son discours à la conférence des ambassadeurs, lundi à
l’Elysée, à propos du Niger, suscitant alors des doutes parmi son public. Ce qui arrive à Emmanuel Macron
est peut–être ce qu’il y a de pire pour un dirigeant politique aussi désireux que lui d’imprimer sa marque
dans les affaires mondiales: il doit subir des événements que l’appareil d’Etat (services de renseignement,
diplomatie, armées) ne semble plus être en mesure d’anticiper et de prévenir. Hasard de calendrier : le
conseiller Afrique du Président, Franck Paris, est sur le départ, mais son successeur présumé, Marc Didio,
n’a pas encore pris ses fonctions.
Chaque semaine apporte désormais son lot de mauvaises nouvelles. A qui la faute? Qui sont les
responsables? Qu’est–ce qui n’a pas marché? On ne peut se satisfaire des seules réponses du chef de
l’Etat, qui tiennent plus de l’autojustification que de l’analyse lucide de la situation.
Rejet profond. Lundi, face aux ambassadeurs, Emmanuel Macron avait ainsi usé d’un langage fort peu
diplomatique à propos du sentiment anti–français en Afrique : << Si on cède aux arguments inadmissibles
de cette alliance baroque des prétendus panafricains avec les néo–impérialistes, on vit chez les fous. >> De
même, refusait–il d’admettre l’évidence de l’échec de l’opération Barkhane au Sahel : « Quand j’entends
parfois des responsables politiques français nous expliquer que Barkhane serait une défaite, je le dis, ne
prenez pas les arguments de l’ennemi; parce qu’à ce moment–là, vous desservez tout le monde. >> Dresser
un bilan critique de l’action militaire de la France relèverait–il de la haute trahison?
Enfin, lorsqu’il expliquait que «< les sentiments anti–français dans beaucoup de pays d’Afrique [sont] le fruit
d’une stratégie de contre–influence et de désinformation » de puissances hostiles comme la Russie, il niait
ce que les ambassadeurs français basés en Afrique confient en privé : la profondeur du rejet de la
politique française dans les opinions publiques locales, en particulier dans la jeunesse urbaine. La Russie
l’exploite, elle ne le crée pas.
| A lire aussi: Coup d’Etat au Gabon: Paris joue la carte de la realpolitik
Qui dit que << Nous avons encore trop tendance à ne parler qu’avec les gens au pouvoir. Il faut renforcer le
est peut–être ce qu’il y a de pire pour un dirigeant politique aussi désireux que lui d’imprimer sa marque
dans les affaires mondiales: il doit subir des événements que l’appareil d’Etat (services de renseignement,
diplomatie, armées) ne semble plus être en mesure d’anticiper et de prévenir. Hasard de calendrier : le
conseiller Afrique du Président, Franck Paris, est sur le départ, mais son successeur présumé, Marc Didio,
n’a pas encore pris ses fonctions.
Chaque semaine apporte désormais son lot de mauvaises nouvelles. A qui la faute? Qui sont les
responsables? Qu’est–ce qui n’a pas marché? On ne peut se satisfaire des seules réponses du chef de
l’Etat, qui tiennent plus de l’autojustification que de l’analyse lucide de la situation.
Rejet profond. Lundi, face aux ambassadeurs, Emmanuel Macron avait ainsi usé d’un langage fort peu
diplomatique à propos du sentiment anti–français en Afrique : << Si on cède aux arguments inadmissibles
de cette alliance baroque des prétendus panafricains avec les néo–impérialistes, on vit chez les fous. >> De
même, refusait–il d’admettre l’évidence de l’échec de l’opération Barkhane au Sahel : « Quand j’entends
parfois des responsables politiques français nous expliquer que Barkhane serait une défaite, je le dis, ne
prenez pas les arguments de l’ennemi; parce qu’à ce moment–là, vous desservez tout le monde. >> Dresser
un bilan critique de l’action militaire de la France relèverait–il de la haute trahison?
Enfin, lorsqu’il expliquait que «< les sentiments anti–français dans beaucoup de pays d’Afrique [sont] le fruit
d’une stratégie de contre–influence et de désinformation » de puissances hostiles comme la Russie, il niait
ce que les ambassadeurs français basés en Afrique confient en privé : la profondeur du rejet de la
politique française dans les opinions publiques locales, en particulier dans la jeunesse urbaine. La Russie
l’exploite, elle ne le crée pas.
Enjeu militaire. C’est autour de cette question qu’une partie de la crise actuelle s’est nouée, l’hiver dernier.
Le sort de ces bases était alors en discussion au sommet de l’Etat. Des voix plaidaient pour l’annonce de
fermetures – un geste symbolique visant à envoyer un message auprès des opinions africaines, qui
considèrent la présence militaire française comme un rappel douloureux de la période coloniale. << Ça ne
passe plus du tout », dit un diplomate. Las! Comme il était prévisible, la hiérarchie militaire a eu gain de
cause. Les bases sont maintenues, tout en étant rebaptisées et réduites en volume.
Au sein de l’armée française, l’Afrique est une question identitaire. L’attachement à ce continent y est
sincère, mais les cadres ont du mal à se libérer de l’héritage colonial et ne veulent surtout pas porter le
chapeau de l’échec. La France maintient 5600 hommes en Afrique, près de quatre fois le volume à l’est
de l’Europe. Ce sont des «< forces de présence » (Sénégal, Côte d’Ivoire, Gabon et Djibouti) et des
<< opérations » (Niger et Tchad). Combien de temps ce dispositif, hérité des années soixante, pourra–t–il
encore tenir? Faut–il s’accrocher à tout prix, au prétexte de ne pas céder la place aux «< néo-
impérialistes >> russes ou chinois? Faute de se retirer volontairement, la France risque désormais d’être
congédiée.
Jean Moliere source: réalpolitik