Aux Antilles et en Guyane françaises, la dissidence est le phénomène courant sur la période de juin 1940 à juillet 1943 par lequel des Antillais et Guyanais refusent de se rallier au Régime de Vichy et rejoignent la France libre. Les intéressés se nomment « dissidenciés ».
À l’occasion des célébrations commémoratives du D-Day, le sacrifice oublié des jeunes dissidents antillais venus clandestinement en France pour répondre à l’appel du général de Gaulle refait surface.
C’est une histoire célébrée en Martinique, Guadeloupe ou Guyane, mais oubliée dans le reste de la France : le départ par milliers, dès 1939, de jeunes gens originaires de ces territoires pour fuir le régime de Vichy et rejoindre la France libre.
Sylvie Meslien, autrice du livre « 1940 – 1943. Résistances et dissidences aux Antilles et en Guyane », revient dans un entretien à l’AFP sur le sacrifice longtemps ignoré de ces soldats qui participèrent lors de la Seconde guerre mondiale à la libération de la France.
La Dissidence est un mouvement peu connu dans l’Hexagone : de quoi parle-t-on exactement ?
Sylvie Meslien : C’est d’abord le maréchal Pétain qui a utilisé ce terme en apprenant le refus de nombreuses personnes, aux Antilles françaises, de l’armistice de 1940. Très concrètement, il s’agit de jeunes gens, parfois même très jeunes, les forces vives de ces territoires, qui quittèrent la Guadeloupe et la Martinique de façon clandestine pour rejoindre les Forces françaises libres après l’appel du général de Gaulle. C’est un mouvement à distinguer des actes de résistances au régime de Vichy, qui ont été nombreux sur ces territoires jusqu’à ce que les îles soient libérées en 1943.
Les destinations sont essentiellement la Dominique ou Sainte-Lucie (îles voisines de la Guadeloupe et Martinique), sous domination anglaise. Là-bas, ils sont accueillis, nourris par des représentants du général De Gaulle, notamment le colonel Massip à la Dominique. Certains partent ensuite au Canada, d’autres aux États-Unis, à Fort-Dix, un immense camp d’entraînement militaire. Nombreux sont ceux qui, de là, iront en Afrique du Nord et participeront au Débarquement de Provence en août 1944.
Que reste-t-il de ces dissidents, dont la reconnaissance nationale est venue tardivement ?
Nicolas Sarkozy a été le premier à reconnaître les dissidents, leur apport dans la guerre et à les décorer. Ensuite, François Hollande a également appuyé et continué ce travail lors du 70e anniversaire du débarquement de Provence. Quand on échange avec les quelques survivants encore là, c’est à la fois, pour eux, une très grande fierté mais aussi un peu de déception qui va avec la prise de conscience de l’arrivée tardive de cette reconnaissance. Peu de travaux existent autour de la Dissidence. Le film d’Euzhan Palcy (« Parcours de dissidents », 2005) fait date sur le sujet et quelques livres d’historiens en parlent. Cette histoire est enseignée à l’école aux Antilles, dans le cadre de l’adaptation des programmes scolaires. Mais il y a encore beaucoup à faire autour d’eux.