En pleine crise causée par le report de la présidentielle, le président du Sénégal, Macky Sall, va présenter, mercredi, en conseil des ministres, une loi d’amnistie qui viserait les faits qui se sont déroulés au cours de différents épisodes de troubles survenus depuis 2021.
Un forum convoqué par le chef de l’État sénégalais a abouti mardi à un « large consensus » sur le fait que la présidentielle ne pouvait pas avoir lieu avant le 2 avril, date de fin de mandat de Macky Sall, et que ce dernier devait rester en poste jusqu’à l’installation de son successeur, ont indiqué de nombreux participants à l’AFP.
Le « dialogue national » convoqué au Sénégal pendant deux jours par Macky Sall a rendu ses conclusions. Ce forum a abouti mardi 27 février à un « large consensus » sur le fait que la présidentielle ne pouvait pas avoir lieu avant la fin du mandat du président en exercice – le 2 avril – et qu’il devait rester en poste jusqu’à l’installation de son successeur, ont indiqué de nombreux participants à l’AFP.
Au moins deux participants, Amar Thioune et Mamadou Lamine Mané, ont fait état d’un « large consensus » autour du fait que le scrutin ne pourrait pas avoir lieu avant le 2 juin.
Des conclusions qui vont diamétralement à l’encontre des demandes de l’opposition et d’une partie de la société civile, qui forment un large front pour réclamer que la présidentielle – qui devait initialement se tenir le 25 février – ait lieu avant le 2 avril.
Ces acteurs ont boycotté le « dialogue national » organisé lundi et mardi par le président dans la ville nouvelle de Diamniadio pour tenter de trouver un accord sur la date de l’élection et sortir le pays, réputé comme l’un des plus stables d’Afrique de l’Ouest, de l’une des plus graves crises qu’il ait traversées depuis des décennies.
Les travaux d’une commission sur la date ont débouché sur le constat quasiment partagé par tous que le scrutin ne pouvait avoir lieu avant le 2 avril, ont dit quatre participants.
Des travaux encore au stade de préconisations
Six participants à une autre commission, sur l’organisation de l’après-2 avril, ont eux aussi fait état sous le couvert de l’anonymat d’un « large consensus », cette fois sur le fait que Macky Sall – élu en 2012 et réélu en 2019 mais non candidat en 2024 – devait rester dans ses fonctions jusqu’à l’investiture de son successeur.
Des participants ont proposé que l’élection ait lieu en juillet, ont dit les mêmes sources à l’AFP. Elles rendaient compte de la teneur des discussions, non du contenu d’un document écrit dont personne n’a précisé s’il avait été mis en forme.
Les deux commissions sont censées livrer leurs conclusions au chef de l’État. Aucune indication n’a été fournie sur le moment où celui-ci se prononcerait. Il avait dit la semaine passée qu’en cas de consensus, il prendrait « immédiatement » le décret de convocation des électeurs.
Macky Sall a dit lundi souhaiter que les Sénégalais votent d’ici au début de la saison des pluies, en juin-juillet. Il a cité des facteurs compliquant une tenue rapide, selon lui, comme le ramadan début mars.
Il a dit à plusieurs reprises ces derniers jours qu’il partirait le 2 avril. Mais il a ouvert la voie à une prolongation lundi soir en déclarant être prêt « à rester encore même si ce n’est pas mon choix (…) parce que je suis pressé d’en finir et de partir ».
Si elles sont endossés par le chef de l’État, les préconisations du « dialogue national » s’annoncent comme des motifs de grande irritation pour le front qui s’est constitué depuis que Macky Sall a décrété le 3 février un report de dernière minute, provoquant une onde de choc.
Des manifestations, réprimées, ont fait quatre morts et donné lieu à des dizaines d’interpellations.
« Réouverture partielle de la liste des candidats »
Le 15 février, le Conseil constitutionnel a mis son veto au report. Une éventuelle prolongation du mandat de Macky Sall risque de soulever des questions constitutionnelles : le Conseil avait écrit le 15 février qu’il devait partir le 2 avril.
Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine
Macky Sall a justifié le report en invoquant les profondes dissensions causées par la validation des candidatures et la crainte qu’après les heurts meurtriers de 2021 et 2023, un scrutin contesté ne provoque une nouvelle poussée de fièvre.
Le front anti-report soupçonne le président de jouer la montre, soit pour avantager son camp parce que les choses se présenteraient mal pour lui à la présidentielle, soit pour s’accrocher au pouvoir au-delà du 2 avril.
Dix-sept des 19 candidats retenus en janvier par le Conseil constitutionnel ont boycotté le « dialogue national ». Ils s’inquiètent aussi que le « dialogue » serve à reprendre à zéro la validation des candidatures. Amar Thioune et Mamadou Lamine Mané, deux membres d’une des commissions, ont rapporté une large convergence sur une « réouverture partielle de la liste des candidats ».
Le collectif citoyen Aar Sunu (« Préservons notre élection ») a appelé mardi à une journée « villes mortes » et à une grève générale coïncidant avec le « dialogue ». Le mot d’ordre a paru largement ignoré dans le quartier central du Plateau et autour du marché populaire de Colobane, à Dakar, où Saer Dieng, commerçant de 37 ans, a ouvert son commerce de vêtements. « On vit au jour le jour, on ne peut pas se permettre de rester une journée sans travailler, sinon nos familles ne mangent pas ».
Jean Moliere: source AFP