Trois adeptes d’explorations urbaines sont tombés sur les vestiges d’un temple maçonnique abandonné à proximité de Lourdes (Hautes-Pyrénées). Des restes humains retrouvés sur place ont été saisis par la gendarmerie pour analyses et datation. L’hypothèse criminelle est jugée peu probable.
Un crâne et des ossements probablement d’origine humaine ont été découverts dans la nuit de vendredi à samedi dernier, dans un château abandonné situé sur la commune de Trébons (Hautes-Pyrénées), à une quinzaine de kilomètres de Lourdes. Cette funèbre trouvaille est l’œuvre d’un groupe de trois jeunes hommes spécialistes d’explorations urbaines (visites de lieux construits et abandonnés). Ce sont eux qui ont averti la gendarmerie. L’ensemble des ossements a été transféré pour analyses à l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) à Pontoise (Val-d’Oise).
Dimanche 4 décembre, le youtubeur Jo Urbex a diffusé sa vidéo sur ce temple maçonnique retrouvé dans une maison abandonnée à Trébons dans les Hautes-Pyrénées. La présence d’ossements fait planer un important mystère sur le lieu. Inspy, franc-maçon, présent également sur les réseaux sociaux débunke ces images.
Inspy a 42 ans et est franc-maçon depuis 20 ans. En 2020, il a décidé de se lancer un nouveau challenge : faire de la vulgarisation sur les réseaux. « J’ai eu cette envie, car on dit tout et n’importe quoi sur la maçonnerie. Et parfois, je trouve que les obédiences laissent un peu faire. » La découverte d’un temple maçonnique dans les sous-sols d’une maison abandonnée à Trébons dans les Hautes-Pyrénées par le youtubeur Jo Urbex a titillé sa curiosité : « Je pense qu’il peut y avoir quelques personnes partout en France qui reconstituent un temple maçonnique chez eux dans leur sous-sol. Et je ne suis pas étonné qu’en urbex, on tombe de temps en temps sur un temple. Je me suis donc dit : « tiens, c’est intéressant. Qu’est-ce qu’ils vont découvrir ? Qu’est-ce qu’il y a derrière ? » Mais après avoir visionné ces images, largement relayées par les médias, il lui a semblé important de debunker de nombreuses contre-vérités avancées.
Le temple franc-maçon
Pour Inspy, il n’y a pas de doutes. De nombreux éléments de cette maison abandonnée, depuis de nombreuses années, appartiennent bien au monde maçonnique. Il y a tout d’abord ces nombreux documents trouvés dans la maison même. « Il y a en effet beaucoup de documents maçonniques qui sont soit des archives personnelles de l’ancien propriétaire soit des archives d’une loge. » Des rapports administratifs, des documents comptables où ces textes écrits à la main, probablement ce que l’on nomme des « planches », des travaux partagés lors des tenues.
Dans la tour du bâtiment, il y a aussi des objets maçonniques. « Là aussi, c’est indéniable, explique Inspy. Il y a le cartouche avec écrit V.I.T.R.I.O.L, et celui où est inscrit « vigilance et persévérance ». C’est maçonnique. Ce sont des éléments du cabinet de réflexion. » Le cabinet de réflexion est le nom donné au lieu où se déroule une partie du processus d’initiation franc-maçon.
L’impressionnante pièce présente aussi des symboles francs-maçons. « Il y a notamment le dallage noir et blanc. Même s’il a l’air très vieux et qu’il est décoloré, il semble avoir servi. Les deux petites colonnes, elles sont incomplètes, mais elles ont peut-être servi. Et il y a aussi l’indice de la porte à deux battants. » Tout une partie de la symbolique maçonnique est bien là.
Des éléments récents n’appartenant pas à la franc-maçonnerie
Même si ces symboles de la franc-maçonnerie semblent confirmer l’existence d’un temple, d’autres ne s’y rattachent pas, comme le cercle dessiné au sol ou ce bouquet de feuilles de sauge, en partie brûlé. Inspy s’interroge : « Est-ce que cela a servi à d’autres traditions ? Est-ce que cela a servi auparavant ? Est-ce que cela a été squatté par d’autres urbex et mis en scène pour faire des photos ? Peut-être aussi. Dans tous les cas, ce que l’on repère, c’est que la sauge avec sa ficelle est beaucoup plus récente que tout le reste.«
La sauge brûlée est ainsi parfois utilisée afin de « purifier » un lieu. Une pratique employée au sein de la Wicca, ou wiccanisme. Un mouvement religieux fondé sur l' »ancienne religion païenne« et comprenant des éléments de croyances telles que le chamanisme, le druidisme. La maison aurait pu être utilisée comme temple maçonnique jusqu’au décès de son propriétaire et occupée pour d’autres « rites » au cours des dernières années.
Lors d’un tournage réalisé vendredi 2 décembre 2022, la fille de l’ancien propriétaire des lieux a indiqué à une équipe de France 3 Occitanie que les cendres de son père avaient été dispersées dans la maison, sans préciser de quelle manière et sans évoquer à aucun moment le fameux cercle autour du dallage noir et blanc et des colonnes. C’est pourquoi, elle vit d’autant plus mal ces « visites » qu’elle qualifie de « profanations ». (Information ajouté à l’article le 6 décembre 2022).
Alchimie et crâne humain
Mais l’internaute franc-maçon pointe du doigt un certain sensationnalisme. Il y a tout d’abord ces hypothèses, des plus hâtives, de Jo Urbex et son équipe expliquant que l’ancien propriétaire, aujourd’hui décédé, aurait tenté d’intégrer à sa pratique de médecin, la pierre philosophale. Pas de magie noire, ni de magie blanche ici. « Ce n’est qu’une analogie entre l’alchimie et le travail sur soi dans la franc-maçonnerie. « C’est comme Carl Gustav Jung qui a écrit sur l’alchimie et la psychologie. Il fait des analogies entre l’alchimie et le travail psychologique. C’est la même démarche qu’on utilise. »
Concernant les restes humains, la symbolique utilise en effet un crâne, installé dans le cabinet de réflexion, évoqué plus haut. Les véritables boites crâniennes ont désormais laissé place à un modèle en plastique ou un simple dessin. Là aussi Inspy s’interroge : « ces ossements ont-ils été achetés par le propriétaire des lieux, un ancien médecin, dans le cadre médical de son travail ? Est-ce que c’est dans le cadre de la loge ? Est-ce que ces ossements étaient là avant le propriétaire des lieux ? Cela pose beaucoup beaucoup de questions. Les gendarmes doivent apporter des réponses sur ce point. » En l’absence d’os plus importants, comme des colonnes vertébrales, ou d’outils, Inspy écarte l’hypothèse d’un sacrifice.
Le côté sensationnaliste de l’urbex
« Il y a quand même un storytelling qui est construit sur ce médecin, franc-maçon, estime l’internaute. Jo Urbex et son équipe semblaient bien renseignés avant de se rendre dans ce lieu. »
Pour Inspy : « ce ne sont pas Jo urbex et ses amis qui ont découvert ce lieu. » Ce n’est d’ailleurs pas lui qui l’affirme mais la fille de l’ancien propriétaire, elle même dans un article de la Dépêche du Midi. « Si nous avions déposé plainte à chaque fois que quelqu’un s’est introduit par effraction pour voler du matériel et des objets , nous aurions passé toutes nos semaines à la gendarmerie. Ces intrusions sont une atteinte à la vie privée, ainsi qu’un préjudice moral touchant mon travail de deuil. »
« Dans le milieu urbex on a des personnes qui cherchent de nouveaux lieux et qui ensuite vendent des cartes à des personnes qui font de l’urbex plus récréative, précise l’internaute. Il n’est pas rare d’acheter des cartes avec des lieux urbex. » Comme par exemple sur ce site internet qui vend en effet des cartes et des lieux à visiter en Occitanie.
Le franc-maçon ne digère pas une partie de la vidéo. « Ce qui m’a choqué, c’est un moment où une planche parle d’euthanasie. Le propriétaire étant médecin, ce n’est pas incongru. De plus, c’est un sujet où il y a eu en effet pas mal de questions chez les francs-maçons. Dans cette partie de la vidéo, ils lisent la définition de l’euthanasie et il y a un « cut » très rapide. Ils lisent alors une autre partie de phrase pour faire changer le contexte. Ils suggèrent que l’euthanasie a été mise en place dans le but de favoriser la société. Il y a un truc malhonnête qui jette l’opprobre sur tout le reste. » Une façon, en médiatisant leur « découverte » de gagner un maximum de vues sur la chaîne YouTube.
Le Parisien