28 mars 2024
Paris - France
POLITIQUE

Coups d´Etat en Afrique / Babily Dembélé : « J´avais prévenu quant au réveil brutal de la jeunesse africaine »

Babily Dembélé est un homme d´affaire et un homme politique ivoirien. Président de l´Alliance pour la République(APR), il se prononce sur le vent de coups d’état en Afrique suite au dernier intervenu au Burkina Faso.

En moins d’un an, le Burkina Faso connaît un deuxième coup d’Etat après celui de janvier dernier. Ce qui rappelle ce que le Mali a vécu il n’y a pas longtemps. Que pensez-vous de ces actes de déstabilisation qui devient chronique?

J’avais prévenu que si on n’y  prend garde, on va assister à un réveil brutal de l´Afrique en général et de la jeunesse en particulier. Et ce réveil a commencé. Il est porté par une jeunesse qui aspire à la liberté dans toutes les sphères de la vie. Liberté politique, liberté économique, liberté spirituelle. Mais cette jeunesse se sent étouffée. Alors elle se révolte. Et c’est ce que nous voyons.

Ces faits sont le prolongement de la déstabilisation de toute l´Afrique. Cette déstabilisation ne date pas d’aujourd’hui. C’est depuis des siècles. L’esclavage,la colonisation sont les premiers faits de déstabilisation de ce continent.

Mais n´a-t-on pas eu les indépendances?

Ces indépendances sont de façade. Pas d’indépendance économique. Pas d’indépendance politique. Jamais de choix libre des dirigeants. Il y a toujours la main de l´ex-colonisateur. Les choix des peuples ne sont pas respectés. Et le dirigeant déclaré élu a toujours sur sa tête l’épée de Damoclès de l´Occident. Il n´a pas les mains libres. Ça aussi, c’est une forme de déstabilisation. Donc quand il n’y a pas de démocratie, quand il n´y a pas de sécurité,on est déstabilisé d’avance. Ces coups d´état sont une autre forme de déstabilisation conséquence de la déstabilisation dont souffre ce continent depuis des siècles. Alors je ris quand des gens parlent de déstabilisation sur des chaînes de télévision lorsqu’interviennent les coups de force. Ces auteurs de coups de force sont des jeunes. Ils ont entre 30 et 40 ans. C’est le réveil brutal d’une jeunesse africaine qui en a marre.

Est-ce que c’est une raison pour prendre les fusils. Est-ce que c’est avantageux pour l’Afrique ces coups d’état?C’est quoi un coup d’état? Pour moi, c’est le changement brutal d’un régime mis en place démocratiquement et donc par le peuple. Or ces coups d’état sont salués par le peuple. Les peuples ne se reconnaissent même pas dans les dirigeants qui se disent avoir été élus. Alors ils se mettent dans les rues et l´armée intervient.

Au Burkina Faso, le peuple n´était pas dans les rues Monsieur Babily?

Mais le peuple est descendu dans les rues pour soutenir. Et quand les jeunes ont eu des rumeurs selon lesquelles Damiba et ses collaborateurs étaient réfugiés à l´ambassade de France, ils y sont descendus. Soit le peuple se soulève avant, soit il se soulève pendant ou après un coup de force.

De coups d´état en coups d´état, est-ce qu’on aboutira un jour à la paix?

Est-ce la paix quand des chefs d’Etat changent les constitutions contre la volonté des peuples, quand il le font selon leurs humeurs, de façon malicieuse pour prolonger leur règne? C’est ce que vous appelez la paix? Je n´encourage pas les coups d´état. Je déplore toutes les attitudes qui mettent l´Afrique en retard. En Guinée, si Alpha Condé ne s’était pas entêté à briguer un 3ème mandat de trop, il n´y aurait pas eu de coup d’état contre lui.

Quelle est la solution pour une Afrique de paix?

La solution, c’est la démocratie vraie qui passe par des élections propres, des résultats réels sortis des urnes selon la volonté du peuple, par une liberté d’expression, par une justice impartiale, une liberté économique. Un chef d’Etat qui emprisonne à tout vent, qui n’assure pas la sécurité des citoyens, qui ne privilégie qu’un clan, un chef d’Etat qui n’a aucune politique sociale, qui se soucie peu de la cherté de la vie, un gouvernement qui a un train de vie ostentatoire pendant que les citoyens n’arrivent pas à avoir deux repas par jour, tout ça c’est une déstabilisation du peuple. Et cela est inacceptable.

L´Occident ne nous laissera pas accéder à la démocratie et au développement. Il faut que l´Afrique le comprenne et prenne son destin en main en faisant une réforme institutionnelle forte.

Et que devraient faire les Institutions comme l´UA et la CEDEAO?

Ce sont des structures à repenser. Elles doivent cesser d’être au service des intérêts extérieurs. Elles doivent comprendre que les jeunesses africaines ont des aspirations nouvelles. Elles doivent être à leur écoute.

Interview réalisée par Dan Opéli

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