26 avril 2024
Paris - France
POLITIQUE

Côte d’Ivoire : Henri Konan Bédié peut-il encore  rassembler le PDCI? 

Après le bureau politique qui sest tenu à Daoukro, cest lheure des comptes au sein de lancien parti unique, dont des poids lourds nhésitent plus à tenir leur président pour responsable des divisions internes

Cela fait maintenant plus dune semaine que Henri Konan Bédié a réuni les membres du bureau politique du Parti démocratique de Côte dIvoire (PDCI) dans son fief de Daoukro. Mais la confusion et les tensions qui ont marqué cette rencontre ne se sont toujours pas dissipées. Le 29 septembre, les divisions internes ont une fois de plus été exposées au grand jour. Le petit coup de théâtre qui sest joué ce jourpermet de l’illustrer

Pour préparer ce bureau politique, un comité de pilotage avait été mis en place. Bédié en est le président mais il en avait confié l’organisation à des proches : Niamien NGoran et Robert Niamkey Koffi, tous deux viceprésidents; Simon Doho, son conseiller spécial; JeanChrysostome Blessy, lavocat du parti; ou encore Georges Philipe Ezaley, secrétaire exécutif adjoint. Ensemble, tous ont préparé le discours que Bédié devra prononcer le jour dit. Dans la matinée du 29 septembre encore, des 

amendements y sont apportés. Mais lorsque le Sphinx prend la parole devant les participants réunis à lhôtel de la Paix, cest un autre texte quil se met à lire. La stupéfaction se lit sur les visages

Côte dIvoire : qui a loreille et lentière confiance dHenri Konan Bédié

Confusion 

Au pupitre, lancien président na pas son aisance habituelle. Il semble découvrir le texte en même temps que son auditoire. Celuici na pas été imprimé par sa secrétaire, Bédié a du mal à déchiffrer la police et la taille de caractères. La salle nest pas non plus assez éclairée, lun de ses proches tend une lampe pardessus son épaule pour lui permettre de déchiffrer le texte quil tient entre les mains. La séquence est pénible et renvoie limage dun homme dépassé

Côte dIvoire : au PDCI, un congrès pour resserrer les rangs 

Certes, Bédié a pris soin de dénoncer les divisions internes, constaté des « dysfonctionnements » dans la prise de décision et promis des sanctions. Il a aussi annoncé la tenue dun nouveau bureau politique « au plus tard le 15 décembre » afin de mieux préparer le prochain congrès. Mais cest à peu près tout. Rien sur la situation économique du pays ni sur le quotidien des Ivoiriens. Tout juste atil pointé la responsabilité de la commission électorale, qui aurait manqué dimpartialité lors des derniers scrutins, et souligné la nécessité de réévaluer les alliances du PDCI d‘ici aux locales de 2023 et à la présidentielle en 2025. Au temps pour ceux qui ont fait le voyage depuis Abidjan, avides de savoir quelles seraient désormais les grandes orientations du parti

<< MONSIEUR LE PRÉSIDENT, VOUS ÊTES DANS PAIN ! », LÂCHE UN MEMBRE DU BUREAU POLITIQUE 

Lors du huis clos, la confusion continue. Jean Chrysostome Blessy est sommé de lire les résolutions finales, mais le document a été rédigé sur la base du premier discours. Il est plus critique du bilan dAlassane Ouattara et aborde la question de la réconciliation, en déphasage avec lallocution lue par Bédié quelques instants plus tôt. Les participants au huis clos ne sont pas dupes. « Monsieur le président, vous êtes dans pain ! » lâche un membre du bureau politique, résumant la position délicate dans laquelle se trouve Bédié

« Un président manipulé » 

« Je suis resté sur ma faim. On nous a annoncé un bureau politique de préparation du congrès. Je me suis dit quau sortir de cela, il y aurait une date pour que nous puissions nous préparer. Au lieu de cela, nous sommes repartis avec lannonce dun autre bureau politique, mais toujours sans date de congrès », regrette Franck Médard Kouassi, secrétaire général du mouvement Marée verte, qui dit vouloir redynamiser le PDCI. « Il est important daplanir les tensions, ajoute-til. Mais de quoi naissent elles ? Du manque dune vision claire. » 

Côte dIvoire : deux réunions le même jour et des tensions au parti de Bédié 

On a vu « un président manipulé et pris en otage par les querelles de camps », confie un poids lourd du parti, sous couvert de lanonymat. Pourquoi Bédié a-t-il changé de discours ? Pour notre interlocuteur, cela ne fait pas de doute, le président a cédé aux pressions du clan de Maurice Kakou Guikahué. Le secrétaire exécutif était en mauvaise posture ces derniers mois. Ses prérogatives ont été réduites et redistribuées. Mais ce 29 septembre, il a remporté une bataille : lorganisation du prochain bureau politique a été confiée à Narcisse NDri, un ancien directeur de cabinet de Bédié, qui compte parmi ses proches. Et puis il na pas échappé à Guikahué que Simon Doho, qui lui a été préféré pour diriger le groupe parlementaire, est confronté à la défiance de certains élus. Plusieurs auraient même demandé à Bédié quil soit remplacé

Humiliation 

Dans cette guerre de positionnement dans la perspective de 2025 et de sa succession, Bédié souffle le chaud et le froid. Certains ont vécu son revirement récent comme une trahison, et, cest presque les larmes aux yeux, quils lui ont fait part de leur confusion, dès le lendemain, alors que le Sphinx les recevait à son domicile, à Daoukro. Dans un document lu à lancien président et auquel Jeune Afrique a eu accès, ils expriment leur désarroi : « Le comité de pilotage a ressenti comme un camouflet et un désaveu le reproche calomnieux et public selon lequel il aurait laissé « lintérêt personnel primer sur lintérêt collectif« . De ce fait, il serait disqualifié pour préparer le prochain bureau politique et même le congrès que vous avez semblé confier à une autre personnalité. » 

« Nombre de membres du bureau politique ont fait lamer constat de votre humiliation du fait de lincohérence et de la faiblesse de votre intervention, qui na pas reflété limage habituelle que vous avez toujours projetée »

ajoutentils. Dans un parti de plus en plus de voix sélèvent pour réclamer un renouvèlement générationnel, la séquence porte un coup à limage du « Vieux », dont la capacité à diriger est publiquement mise en doute

Côte dIvoire : au PDCI, Henri Konan Bédié face à la grogne de jeunes militants 

Comme souvent dans ce genre de situations, les griefs saccumulent. Selon les statuts du PDCI, les membres du bureau politique doivent être au nombre de 400, mais celuici en compte aujourdhui plus dun millier aucun chiffre officiel nest disponible. Des propositions ont été formulées pour permettre au parti de revenir dans la légalité, mais le président na pas encore tranché, et certains cadres redoutes des ennuis judiciaires. « Ils ont échoué à liquider le parti politiquement, mais ils pourraient y parvenir par la voie judiciaire, salarme lun deux. Nous sommes dans lillégalité. Bédié doit agir ! » 

Un retour au sein du RHDP

Dautres poussent la défiance jusquà suspecter certains barons de vouloir rallier le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), avec la complicité de Bédié. Et en posant la question de la réévaluation des alliances, lancien président a ouvert la porte à toutes les spéculations, si bien que le porteparole du parti, Soumaila Bredoumy, a clarifier la situation, le 4 octobre, lors dun point presse. « Il na jamais été question dun retour du PDCI au RHDP », at il insisté. Selon un poidslourd du parti, sil nest pas question dun tel mouvement, des discussions auraient bien eu lieu avec Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo pour la formation dun gouvernement plus consensuel.

Côte dIvoire Henri Konan Bédié : « Le PDCI vit et vivra toujours >> 

Comment éviter que les querelles de chapelle ne conduisent à la division ? Pour Jean-Louis Billon, puet membre du secrétariat exécutif, la solution est entre les mains de Bédié luimême : « Dans létat actuel, il faut que le président tranche. Cest lui qui a mis en place un secrétariat exécutif et qui a confié des structures à des personnes antagonistes, qui agissent comme des forces centrifuges. » 

Mais en dépit des tensions, personne ne se hasarde à dire que lancien président ne devrait pas être reconduit à la tête du parti à lissue du prochain congrès. La cohésion est à ce prix, expliquent ceux à qui nous avons parlé. Mais Bédié devra trouver le moyen de mettre un terme aux rivalités et de réunir ses troupes pour les prochaines échéances électorales. Quant à l’investiture pour lélection présidentielle, cest encore une autre bataille, pour laquelle les différents clans affutent déjà leurs armes

JA

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