23 avril 2024
Paris - France
AFRIQUE

Afrique-France : pas de « sentiment anti-français »  dans les affaires ? 

Bamako, Ouagadougou, Yaoun, Dakar... le sentiment antifrançais ne 

cesse de sy faire entendre. Quelques jours après la visite dEmmanuel Macron au Cameroun et au Bénin, Jeune Afrique 

a fait le point sur l’impact de ce phénomène sur les affaires. Décryptage

Non, le sentiment antifrançais qui sévit en Afrique, et surtout dans les pays francophones du continent, na pas eu de conséquences économiques manifestes. Plus étonnant encore, alors que les réactions de rejet à légard de la France n‘ont cessé de se multiplier ces derniers mois, daprès le baromètre Africaleads 2022, publié en mars de cette année par le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), limage et limpact de la France et de ses entreprises se sont améliorés aux yeux des leaders dopinion africains

Diplomatie : quand la France ne fait plus rêver 

En lespace dun an, lHexagone a gagné une place dans le classement, en passant de la 7e à la 6e position des pays les plus appréciés, par rapport à lannée dernière. Devant la France, les ÉtatsUnis, la Chine, le Japon, le Canada et lAllemagne occupent les cinq premières places du classement 

Léger rebond 

Daprès un rapport de 2021 publié par le ministère français du commerce, lAfrique représente uniquement 5,3 % du commerce extérieur de la France. Un ratio qui a presque été divisé par deux en quinze ans. Les pays francophones du continent sont dailleurs les moins enclins à travailler avec la France : ils ne rassemblent que 0,6 % des échanges mentionnées. Les pays du nord (Maroc, Algérie 

et Tunisie) sont plus actifs à cet égard que les pays subsahariens, avec la Côte dIvoire et le Sénégal comme principaux partenaires commerciaux de la France dans cette région

AfriqueFrance : « Paris se distingue par sa volonté dinvestir sur le long terme » 

Lannée 2021 a toutefois été marquée par une augmentation de 10% des échanges (4,6 milliards deuros) entre la France et lUnion économique et monétaire ouestafricaine (UEMOA) par rapport à 2020. Mais selon les données du Trésor public, les trois pays avec qui la France échange le plus sont lAfrique du Sud (2,6 milliards deuros en 2021), le Nigeria (3,35 milliards deuros) et lÉgypte

De nombreuses explications 

Pour le président de la Cian, Étienne Giros, interrogé par Jeune Afrique, il faut prendre les chiffres démontrant la baisse des interactions économiques entre la France et lAfrique avec des pincettes. Daprès ses dires, « limpact économique de la France na pas réellement été divisé par deux », car plusieurs éléments entrent en jeu, et le sentiment antifrançais nen nest pas un

LES ENTREPRISES FRANÇAISES SONT EXONÉRÉES DU SENTIMENT ANTIFRANÇAIS 

« Le sentiment anti français joue très peu dans la baisse des interactions économiques avec la France. Cest plutôt une question de débat intellectuel et politique. Or, les entreprises françaises sont exonérées de ce sentiment », expliquetil. Pour appuyer ses propos, le patron de la Cian explique que les entreprises françaises créent beaucoup de filiales en Afrique, et que ces dernières n‘entrent pas en compte dans les statistiques douanières. « Prenez TotalEnergies, Orange, et même Bolloré, ces multinationales françaises ont créé grand nombre de filiales en Afrique », indiquet il pour illustrer sa démonstration, en ajoutant qu»a contrario, les Chinois, qui créent peu dentreprises locales, travaillent surtout par le biais de l’importexport, ou de projets ponctuels. » 

ChineAfrique : le continent face à la baisse des financements de ses infrastructures par Pékin 

Le dernier Rapport 2022 sur linvestissement dans le monde de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), publié le 9 juin, vient étayer ces propos, puisque les plus gros détenteurs dactifs étrangers en Afrique sont le RoyaumeUni (65 milliards deuros) et la France (60 milliards deuros)

Rude concurrence 

Une autre raison qui expliquerait le déclin des relations économiques FranceAfrique : la mondialisation. En vingtcinq ans, lAfrique sest ouverte au monde et ninteragit plus uniquement avec les anciennes puissances coloniales, mais aussi avec de nouveaux acteurs, à l’instar des Chinois, des Turcs, des Indiens, ou plus récemment des Malais

Afrique de lOuest : le commerce régional, un potentiel sousexploité 

Comme la souligné Étienne Giros, « limpact du digital dans le milieu des affaires a lui aussi totalement bouleversé les comportements et ouvert la voie à de nouvelles opportunités. Dans ces conditions il est tout à fait normal que les acteurs qui étaient dominants voient leur position changer 

Nouvelle stratégie 

Daprès le ministère des Affaires étrangères français, lAfrique, qui perçoit environ un tiers de lAide publique au développement (APD) bilatérale française (environ 12 milliards deuros par an, et 3 % du budget de lÉtat), « est au caur de la politique de développement française »

Mais cette stratégie semble de plus en plus obsolète, à en croire les propos du président de la Cian, qui considère quil faut « donner une place plus importante aux entreprises, qui sont la première source du développement puisque ce sont elles qui créent de la richesse et de lemploi, tout en étant les premières sources dimpôts. Plutôt que de soutenir exclusivement les programmes publics (Sénégal Emergent, Plan national de développement de la Cote divoire etc.), les dispositifs daide devraient aussi se tourner largement vers les entreprises »

Cameroun Eugène Ébodé : « Emmanuel Macron sest incliné devant Paul Biya >

Un constat partagé par Franck Paris, conseiller Afrique du président Macron, qui indiquait dans une récente publication avoir constaté que « lattente se situe désormais davantage du côté de linvestissement privé. Laide publique au développement doit de plus en plus servir à dérisquer l’investissement dans le secteur privé africain, parce quaujourdhui, il y a encore une forme de timidité des investisseurs et des entreprises occidentales à venir en Afrique. » 

FranceAfrique : à lheure du new deal 

En tournée au Cameroun, au Bénin et en GuinéeBissau la semaine dernière, le président français a déclaré quil appartenait aux Français « dêtre meilleurs, plus efficaces » en Afrique. Dans cette optique, lÉlysée veut de plus en plus miser sur la jeunesse africaine et les nouvelles technologies. Le « New Deal » économique et financier EuropeAfrique annoncé en décembre dernier par Emmanuel Macon a, selon ses termes, pour objectif de « refonder en profondeur une relation un peu fatiguée »

JA

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