20 mai 2024
Paris - France
POLITIQUE

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Maria Nicoletta Gaïda et Didier Castres: «Il ne faut plus envisager la recherche de solutions avec les seuls Etats, mais réfléchir avec des communautés locales, parfois même transfrontalières >> 

MALI 

Un soldat français de l’opération Barkhane apprend à un soldat des forces armées maliennes à utiliser son arme, sur une base militaire française à Gao, au Mali, le 27 avril 2019. Sipa Press 

Les faits Spécialistes des conflits. Actrice reconvertie dans la diplomatie préventive, la présidente de 

I’ONG Ara Pacis Initiatives for Peace, Maria Nicoletta Gaïda, s’investit dans les médiations au Sahel

particulièrement au profit des groupes communautaires. SaintCyrien, marsouin, le général Didier Castres 

a participé, de 2009 à 2016, à la planification et à la conduite des opérations décidées par la France au 

MoyenOrient et en Afrique. Il a fondé le cabinet de consulting DC Tarha Conseil

Sans paranoïa excessive ni excès de pessimisme, nous assistons à un bouleversement majeur au Sahel

Ce bouleversement est politique, avec la survenue de six coups d’Etat en Afrique de l’Ouest depuis 2020

dont le dernier au Niger a renversé le président Mohamed Bazoum. Il est aussi sécuritaire, comme en 

témoigne l’affrontement NordSud au Mali, et diplomatique, avec l’expulsion de diplomates, l’inversion 

d’alliances, la détérioration des relations avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de 

l’Ouest (Cedeao) et la mise au ban des organisations internationales

Il est enfin démographique la région passera de 84 millions d’habitants à 196 millions en 2050 et 

climatique comme l’atteste l’extension du Sahara dont la superficie a progressé de 10% en un siècle à plus 

de 9,2 millions de km2

| A lire aussi: Sahel: les casques bleus pris entre deux feux dans le nord du Mali 

Héritage. Les pays de la rive nord de la Méditerranée ne pourront longtemps ignorer ces évolutions. Les 

défis à relever résultent en grande partie de l’héritage du colonialisme, du postcolonialisme, de systèmes 

politiques autoritaires, de la corruption et de la prédominance de l’attitude de supériorité du «< premier 

monde » envers les pays du Sud; toutes choses qui ont conduit à l’éloignement des gouvernements et de 

leurs peuples

De nombreuses erreurs ont été commises : du simple transfert de modèles de gouvernance inadaptés 

aux contextes locaux au manque d’écoute et à la sousestimation du besoin de dignité des populations

jusqu’à l’engagement bureaucratique et peu efficace des organisations internationales et l’acceptation que 

les vides politiques, diplomatiques et sécuritaires soient comblés par des régimes autoritaires

Les échecs en matière de sécurité prennent également racines dans la méfiance entre des communautés 

aux langues, histoires et traditions différentes; dans des conflits multiséculaires entre communautés 

sédentaires et nomades; par un mépris des besoins et des aspirations des peuples au nord du Sahel

enfin par l’exploitation sans règles des ressources naturelles et minières qui menace les modes de vie 

traditionnels

La liste ne serait pas complète si l’on omettait les préjugés de la communauté internationale à l’égard de 

certains pays par rapport aux autres pays; ce que l’on baptise justement << les doubles standards »

<<Trente ans d’échecs?» La chronique de Frédéric Charillon 

Au final, la démocratie recule et les violences sont latentes. Le modèle de valeur et de société 

occidentales est rejeté au nom d’une décolonisation non encore aboutie. Les structures créées par le 

colonialisme chevauchaient des identités locales et des traditions de gouvernance qui restent de facto 

autonomes et opposées à celles des Etats modernes

Dynamiques. Selon les pays occidentaux, les alternances répétées, soudaines et anticonstitutionnelles 

de pouvoir expriment la fragilité des systèmes politiques. Mais s’agitil vraiment de fragilités? Où 

sommesnous confrontés à des dynamiques d’alternance qui sont la modalité normale de la polarisation 

entre << ceux qui ont et ceux qui n’ont pas », ou encore l’incarnation des différences régionales

Actuellement mais pour combien de temps encore le Tchad est un verrou qui empêche la traînée de 

poudre sahélienne d’embraser l’Afrique de l’Atlantique à la mer Rouge. L’ensemble de la région du Sahara 

et du Sahel deviendrait alors l’exutoire d’une nouvelle géopolitique internationale qui déchargerait ici 

toutes les tensions résultant d’un multipolarisme désinhibé et instrumentalisé

« Les Etats autoritaires nonafricains qui sont nos compétiteurs stratégiques sauront exploiter ce chaos au mieux de leurs intérêts. Les méthodes traditionnelles de prévention des conflits ou de gestion des crises sont en échec au Sahel 

Plusieurs scénarios se profilent

Scénario 1: au mieux, la constitution d’une zone de 3 millions de km2 (10 fois l’Italie) abandonnée à un 

chaos violent institutionnalisé au sein de laquelle les Etats, les chefs de groupes armés, les jihadistes et 

les trafiquants en tous genres (drogue, migrants, or, etc.), se partageront ou se disputeront les espaces

les routes commerciales et les péages dans un affrontement de basse intensité

Scénario 2: l’émergence d’une longue bande bordant le nord du Sahel, courant du Mali jusqu’au Tchad

dans laquelle les rebelles et les communautés négligées et exclus de la vie et des dialogues politiques 

affirmeront leur autorité et leur solidarité tout en menaçant les populations du Sud

Scénario 3 profitant de la situation de chaos, l’avènement un califat qui n’en porterait pas le nom et 

s’installerait au Nord Sahel avant de entamer une progression vers le Sud

A lire aussi: Le Tchad mène le pas de deux avec la France 

« 

En toute hypothèse, les Etats autoritaires nonafricains qui sont nos compétiteurs stratégiques sauront 

exploiter ce chaos au mieux de leurs intérêts. Les méthodes traditionnelles de prévention des conflits ou 

de gestion des crises sont en échec au Sahel. Les habituelles puissances << tutélaires » se désengagent 

progressivement faute d’arriver à faire entendre leurs voix et à produire des effets. Les tentatives d’autres 

acteurs bilatéraux, notamment dans le domaine du contrôle des flux migratoires, confinent à l’idée de 

vouloir vider la Méditerranée à «< la petite cuillère >>

Accusations. Les organisations internationales sont également confrontées à l’inefficacité de leurs 

politiques retrait, recul et mise en accusation de l’organisation des Nations Unies, limites des politiques 

d’aide au développement, difficultés résiduelles de coordination des principaux bailleurs. La 

méconnaissance des réalités locales, de leur diversité et de leur spécificité est l’obstacle le plus dirimant à 

l’établissement de relations constructives avec les populations du nord Sahel

(

Les promesses de justice, de démocratie et de développement des Etats occidentaux n’ont pas abouti à des avantages tangibles pour les 

populations 

L’approche sectorielle des problèmes du Sahel s’est révélée inefficace, que ce soit en concentrant les 

efforts prioritairement sur la dimension sécuritaire, en tentant d’influencer les flux migratoires, en se 

limitant aux opérations militaires dans le cadre des interventions internationales, ou encore en se 

focalisant uniquement sur l’humanitaire

«  » 

Se concentrer sur l’approche militaire sans établir un cadre politique qui favorise le développement socio- 

économique et, idéalement, la décentralisation, ne sert qu’à renforcer les forces de sécurité et l’armée des pays concernés au détriment des populations civiles. Bien que cette approche puisse contribuer à 

remporter des batailles tactiques dans la lutte contre le terrorisme, elle ne peut garantir une victoire 

complète si elle n’a pas gagné la confiance des populations

| A lire aussi: Comment Emmanuel Macron a perdu la bataille du Niger 

L’idée selon laquelle un homme fort << providentiel >> serait la seule garantie contre la «< somalisation >> des 

pays de la région s’est avérée trompeuse. Compter sur les autocrates et les militaires pour résoudre des 

problèmes sociaux complexes tout en fermant les yeux sur le nonrespect des principes fondamentaux 

des sociétés occidentales n’a pas donné de résultats concrets

Promesses. Les promesses de justice, de démocratie et de développement des Etats occidentaux n’ont 

pas abouti à des avantages tangibles pour les populations. N’ont pas été suffisamment pris en compte : le 

besoin de dignité des populations et de leurs gouvernants; la frustration des différents peuples devant le 

manque de modernisation des pays et le contraste entre les investissements réalisés dans les 

infrastructures et le manque d’eau, d’électricité, d’écoles et de service de santé de base… 

Traiter ces facteurs est crucial pour établir la confiance et forger des relations avec les communautés qui 

sont la clé de la résolution des crises. Ceci est évidemment plus difficile que les habituelles interactions 

transactionnelles conclues avec des milices ou les exécutifs autoritaires

Jusqu’à présent, les stratégies qui se voulaient les plus globales cherchaient à conjuguer et coordonner 

les dimensions de défense, de développement et de diplomatie (3D). Force est de constater que ces 

bonnes intentions n’ont pas été couronnées de succès, notamment parce qu’il manque une dimension 

essentielle à cette stratégie : la médiation avec les communautés

Aujourd’hui, il n’y a pas d’autres options que d’envisager 

de nouveaux modes actions pour réguler les tensions au 

Sahel. Il ne faut plus envisager la recherche de solutions 

avec les seuls Etats concernés, mais réfléchir avec des 

communautés locales, parfois même transfrontalières qui 

sont le plus souvent livrées à ellesmêmes

terrorisme Sahel 

 

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JM. source: Sipa press

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