5 novembre 2024
Paris - France
AFRIQUE

Togo : Kpatcha Gnassingbé, demi-frère du président, transféré vers le Gabon après quatorze ans de détention

Togolese delegate Minister in charge of defence Kpatcha Gnassingbe walks infront of the army’s chief of staff Berena Gnankoude during a ceremony in memory of Sylvanus Olympio, father of the Togolese Independence 13 January 2006 in Lome. AFP PHOTO Erick Christian Ahounou (Photo by Erick Christian Ahounou / AFP)

L’éloignement de l’ancien ministre de la défense, condamné pour avoir tenté de renverser le pouvoir, pourrait contribuer à un apaisement des relations familiales.

Son départ n’est pas synonyme de réconciliation mais il laisse entrevoir une possibilité d’apaisement dans les relations tendues qu’entretiennent les deux plus célèbres fils Gnassingbé. Jeudi 23 mars, après quatorze années de détention, l’ancien ministre de la défense du Togo, Kpatcha Gnassingbé, s’est envolé de Lomé pour Libreville, la capitale du Gabon, accompagné de son épouse, afin d’y bénéficier de soins. La présidence togolaise, occupée par son demi-frère, Faure Gnassingbé, n’a donné aucun motif officiel à cette sortie du territoire.

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Kpatcha, 52 ans, avait été arrêté en avril 2009 après avoir cherché à se réfugier dans l’enceinte de l’ambassade des Etats-Unis qui lui avait refusé l’asile. Soupçonné d’avoir tenté de renverser son demi-frère, il a été condamné par la justice togolaise à vingt ans d’emprisonnement pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », en compagnie de plusieurs autres accusés, parmi lesquels l’ancien chef d’état-major, le général Assani Tidjani. Quatre autres membres du clan Gnassingbé, dont un demi-frère du chef de l’Etat, Essolizam, avaient également été condamnés à des peines de prison.

L’affaire a profondément divisé la famille qui a hérité du pouvoir après trente-huit ans de règne d’Etienne Gnassingbé Eyadéma (1967-2005). Le décès du patriarche, en février 2005, avait laissé croire, un temps, à une entente entre les deux héritiers putatifs aux profils apparemment opposés : Faure, le réformiste discret qui a suivi des études de gestion en France, à l’université Paris-Dauphine, complétées au milieu des années 1990 par un MBA à l’université Georgetown, aux Etats-Unis, et Kpatcha, le « sécurocrate » au physique imposant que son père a laissé grandir dans les rangs de l’armée, semblaient avoir choisi d’agir d’un commun intérêt.

La personne « la plus crainte du Togo »

Le cadet s’était fait un prénom comme directeur de la Société d’administration des zones franches. Un homme décrit comme « généreux » en cadeaux. Après la prise du pouvoir de son demi-frère, il a été nommé ministre de la défense avant d’être rapidement accusé d’être l’un des artisans de la terrible répression qui a suivi la présidentielle d’avril 2005 et provoqué la mort de 400 à 500 personnes, selon une commission d’enquête des Nations unies.

La rivalité entre les deux frères n’a pas tardé à se transformer en lutte d’influences au sein du parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple togolais, dont Kpatcha était l’un des caciques. En 2007, Faure Gnassingbé n’a pas hésité pas à limoger son demi-frère du gouvernement, alors que celui-ci venait de se faire élire député. L’homme fort du Togo cherchait alors, semble-t-il, à éliminer un rival en vue de la présidentielle de 2010.

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En détention depuis maintenant quatorze ans, Kpatcha Gnassingbé a vu son état se dégrader et son statut de personne « la plus crainte du Togo » évoluer vers celui de prisonnier encombrant. Depuis 2015, le groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies réclame sa libération, ainsi que celle de ses codétenus. L’affaire a aussi suscité de discrètes tentatives de médiation, comme le confie MZeus Ajavon, l’avocat de Kpatcha Gnassingbé qui souffre depuis plusieurs années de problèmes de santé.

Depuis juin 2021, il avait été admis au pavillon militaire du centre hospitalier universitaire Sylvanus-Olympio de Lomé. Selon son avocat qui réclamait son évacuation sanitaire depuis cinq ans, Kpatcha Gnassingbé serait désormais accueilli dans une structure médicale au Gabon, tout en conservant son statut de « prisonnier, comme il n’y a rien d’officiel : pas de grâce ou pas de liberté conditionnelle ».

Nouvelle page dans la saga du clan

Cependant, ce transfert « pourrait détendre l’atmosphère dans la famille et dans la région d’origine des Gnassingbé », souligne MAjavon. Le journal togolais La Nouvelle Tribune titrait ainsi son édition du 30 mars, photos des deux frères Gnassingbé à l’appui, par une interrogation simple : « Le dégel ? »

En l’absence de toute confirmation de la présidence togolaise, la question reste en suspens. Il est, en revanche, avéré que Faure Gnassingbé et le chef de l’Etat gabonais, Ali Bongo Ondimba, un autre héritier, entretiennent d’excellentes relations. « Les enfants de l’ancien président Etienne Eyadéma étaient proches d’Omar Bongo. Celui-ci les considérait presque comme ses enfants après la mort de leur père. Omar Bongo avait souvent joué la médiation entre Faure et Kpatcha Gnassingbé », raconte à ce sujet Zeus Ajavon, précisant que « les questions concernant l’héritage sont toujours restées secrètes et douloureuses ».

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Celui-ci n’est pas encore pleinement soldé, mais le départ de Kpatcha Gnassingbé pour un voyage dont la date retour n’a pas été fixée ouvre une nouvelle page dans la saga du clan au pouvoir. En vertu des vieilles et cordiales relations entre le Gabon et le Togo, Kpatcha Gnassingbé devrait être accueilli comme un hôte de marque à Libreville, protégé mais tenu éloigné de la vie politique de son pays.

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