On la croyait timide et réservée, mais depuis les manifestations Black Lives Matter, Thandie Newton sort de sa réserve. Dans une longue interview, accordée aux sites Hollywood Reporter et Vulture, l’actrice britannique de 47 ans de “Mission impossible 2” et “Westworld”, dénonce le racisme qu’elle a vécu dans le monde du spectacle. Elle parle également de son “livre noir” sur Hollywood, qu’elle réserve pour ses mémoires avec de nombreuses révélations, et balance sur le tournage de “Collision” et de “Charlie’s Angels”.
« Je veux que les Noirs puissent s’identifier à moi, même si je suis métisse »
Thandie Newton aborde sans détour le problème du colorisme à Hollywood. Quand l’actrice a débuté il y a une trentaine d’années, seules les actrices noires à la peau claire comme Halle Berry et elle étaient appelées pour des rôles dans leur tranche d’âge. Elle ajoute que c’est important pour elle que les Noirs puissent s’identifier à elle en tant que Noir bien qu’elle soit métisse, et c’est la raison pour laquelle sur son compte Instagram, elle postait des photos d’elle avec sa mère, noire. « Parce que je veux que les Noirs sentent qu’ils peuvent me faire confiance et se sentent en sécurité avec moi et que je ne représente pas cette industrie qui dégrade les gens de couleur », a-t-elle déclaré.
Hollywood est réticent à mettre des acteurs noirs à la peau sombre dans les rôles principaux
Thandie Newton évoque ses réticences à jouer les Afro-Américaines alors qu’elle est Britannique, et celle d’Hollywood à placer des acteurs noirs à la peau sombre dans les rôles principaux. Certaines personnes la perçoivent dit-elle comme « trop noire » ou « pas assez noire » et qui soit « mettent un spray bronzant, soit baissent d’un cran » elle ajoute : « je reconnais combien il est douloureux pour les femmes à la peau sombre, de devoir faire face au fait d’être substituées ou négligées. Par exemple, regardez Queen & Slim . Je regarde Jodie [Turner-Smith]. Ou Lupita [Nyong’o]. Voir une femme de couleur, voir cette peau foncée, cette belle peau de chocolat, la peau de ma mère, à l’écran… C’est sacré. Je comprends pourquoi il y a eu tant de déceptions profondes ».
« Collision », une expérience traumatisante
Thandie Newton revient aussi sur le film Collision (Crash) qui a remporté l’Oscar du meilleur film en 2005 et dans lequel elle joue le rôle d’une femme riche traumatisée par un accrochage avec un policier raciste à Los Angeles. Elle ne savait pas, dit-elle, que le film comportait une scène où son personnage était agressé sexuellement par le flic joué par l’acteur Matt Dillon : « Dans le scénario, il n’était pas précisé ce que sa main faisait à l’intérieur de sa jupe », a-t-elle confié à Vulture. Et dans la dernière scène, alors qu’elle criait à son mari : « Tu le laisses baiser ta femme avec ses doigts. Je pensais qu’elle était ironique ». Lorsqu’elle a compris ce que Paul Haggis le réalisateur voulait dans la scène, elle s’est souvenue : « Je suis allée dans la caravane de maquillage et j’ai éclaté en sanglots… » Elle a depuis appris que les femmes noires victimes d’abus sexuels de la police sont un “phénomène” dont elle n’avait pas conscience au moment du tournage. Elle n’a pas non plus saisi, sur le moment, le sens de l’article de Ta-Nehisi Coates qui critiquait le film, bien qu’elle soit une fane de l’écrivain. Elle poursuit « Le film était intelligent et plein d’esprit, mais il a neutralisé la rage très réelle que ressentent les Afro-Américains face à la brutalité policière ».
Altercation avec la productrice et ancienne co-présidente de Sony Pictures Entertainment
Thandie Newton révèle une altercation avec la productrice et ancienne co-présidente de Sony Pictures Entertainment, Amy Pascal, qui a été accusée de racisme. Elle relate, qu’elle envisageait un rôle dans le remake de Charlie’s Angels en 2000, et que la productrice lui avait dit que si elle était choisie, il faudrait apporter des changements au scénario pour que son personnage soit “crédible”. « Quels changements ? » avait demandé Thandie. Amy Pascal lui aurait répondu : « Eh bien, vous savez, le personnage, tel qu’il est écrit, est allé à l’université et a reçu une éducation ». Ce à quoi Thandie Newton aurait répliqué : « Je suis allée à l’université. Je suis allée à Cambridge ». Et la productrice de rétorquer : « Oui, mais tu es différente…. Peut-être qu’il pourrait y avoir une scène où vous êtes dans un bar et le personnage se lève sur une table et commence à secouer son popotin ». Ces stéréotypes sur les Noirs ont fini par la dissuader. Thandie ayant répondu : « non, je ne ferais pas ça », elle n’a donc pas fait le film. Contactée par Vulture, la productrice déclare ne pas se souvenir de cette altercation. Thandie Newton se souvient également avoir plaidé pour plus de figurants de couleur dans une scène qui devait se dérouler à Oakland, et qu’un producteur lui a rétorqué : « Mais nous vous avons choisie ». L’actrice relate avec émotion son apparition dans Westworld et le moment où son personnage a été tué dans une scène étranglée et finalement jetée dans un réservoir avec “Westworld Garbage Disposal” (Elimination des déchets) écrit sur le côté. « Je me suis retrouvée en position fœtale, en pleurs, en sanglots. J’avais mis deux ans de travail acharné pour finalement aboutir à « Westworld Garbage Disposal », dit-elle blessée.
Abusée sexuellement par le réalisateur John Duigan
Thandie Newton, confie aussi qu’elle a été soignée et abusée sexuellement par le réalisateur John Duigan, avec qui elle a travaillé à plusieurs reprises lorsqu’elle était adolescente, et explique comment cette expérience a été présentée dans la presse comme une liaison. Elle déclare : « Ce dont je suis la preuve, c’est que vous pouvez renvoyer une personne noire. Si vous êtes une jeune fille noire et que vous vous faites violer, dans le milieu du cinéma, personne ne s’en souciera. Tu peux le dire à qui tu veux, et ils appelleront ça une liaison. Tant que les gens ne prendront pas ça au sérieux, je ne pourrai pas guérir complètement ». Elle ajoute : « Vous avez des prédateurs et des agresseurs sexuels, ils peuvent le sentir à un kilomètre. C’est comme un requin qui sent le sang dans l’eau. Tout ce dont vous avez besoin est l’un de ceux qui vont vous faire mordre la poussière ».
Des regrets aussi…
Dans le film de Jefferson à Paris l’actrice avoue avec le recul :« Je ferais pression pour que le film parle davantage de Sally Hemings et Thomas Jefferson ». Sally Hemings l’esclave qui a eu des enfants avec Jefferson. « Savez-vous que Sally Hemings était la demi-sœur de l’épouse de Jefferson ? Son père était le beau-père de Jefferson. Elle était son esclave. C’était un viol » ajoute-t-elle. Elle dit aussi que les Afro-américains auraient préféré que son rôle soit interprété par l’un d’entre eux et non une anglaise pour plus de crédibilité. L’actrice dit en avoir parlé avec Spike Lee et attend qu’il l’appelle un jour pour tourner avec lui. Elle regrette aussi et surtout que le film Beloved de Jonathan Demme avec Dany Glover et Oprah Winfrey n’ait pas eu le succès mérité.
Blacknews