La course contre la montre continue pour retrouver des survivants, alors que le bilan s’alourdit d’heure en heure. Le travail acharné des secouristes a permis d’extraire une femme des décombres 52 heures après la première secousse.
Le bilan cumulé du séisme qui a frappé lundi la Turquie et la Syrie dépasse désormais les 11 700 morts, selon les bilans officiels communiqués mercredi 8 février. En Turquie, 9 057 corps ont été retirés des décombres, a annoncé le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui s’est rendu dans la ville de Kahramanmaras, épicentre du tremblement de terre. En Syrie, 2 662 victimes ont été dénombrés selon les autorités et les médecins.
Dans un froid glacial, les sauveteurs continuent de mener une course contre la montre pour tenter de porter secours aux rescapés de cette catastrophe naturelle. Le mauvais temps complique la tâche des secours et le ministre turc de l’Intérieur a averti mardi que les prochaines 48 heures seraient « cruciales » pour retrouver des survivants. À Gaziantep, ville située tout près de l’épicentre, une habitante a déjà perdu l’espoir de retrouver vivante sa tante enfouie sous les décombres. « C’est trop tard. Maintenant, nous attendons nos morts », a-t-elle confié.
L’aide internationale a commencé à arriver en Turquie où un deuil national a été décrété pour sept jours. Il s’agit d’ores et déjà du pire bilan que la Turquie ait connu depuis 1999, lorsque 17 000 personnes avaient péri, dont un millier à Istanbul. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a reconnu mercredi des « lacunes » dans la réponse apportée au séisme qui a frappé son pays. « Bien sûr, qu’il y a des lacunes, il est impossible d’être préparé à un désastre pareil », a déclaré le chef de l’État qui s’est rendu dans la province d’Hatay (sud), l’une des plus touchées, à la frontière syrienne. En Syrie, le bilan devrait « grimper considérablement, car des centaines de personnes restent piégées sous les décombres », selon les Casques blancs (volontaires de la protection civile) dans les zones rebelles.
«Où est l’État ? »
De part et d’autre de la frontière turco-syrienne, on s’active pour tenter de sauver des vies. À Jandairis, côté syrien, un nouveau-né a été sorti vivant des décombres. Cette petite fille était encore reliée par le cordon ombilical à sa mère, morte comme tous les autres membres de la famille. « Nous avons entendu un bruit alors qu’on creusait […], nous avons déblayé et avons trouvé cette petite, Dieu soit loué », a raconté mardi à l’Agence France-Presse un proche de la famille, Khalil Sawadi. Le bébé a été conduit à l’hôpital et son état est stable, selon un médecin interrogé par l’Agence France-Presse.
Mais pour Irmak, 15 ans, c’est trop tard. Son père, Mesut Hancer, serre sans rien dire la main de son enfant morte qui émerge, inerte, des décombres d’un bâtiment de Kahramanmaras. Aucune aide, aucun secours n’étaient parvenus mardi dans cette ville dévastée de plus d’un million d’habitants ensevelie sous la neige. « Où est l’État ? Où est-il ? […] Ça fait deux jours et on n’a vu personne. […] Les enfants sont morts de froid », s’insurge Ali, qui y attend aussi des renforts, espérant encore revoir son frère et son neveu, piégés dans les ruines de leur immeuble.
À Sawran, dans le nord de la Syrie, Mahmoud Brimo tombe à genoux devant un tas de ruines, les restes de sa maison. Non loin, un dôme gris témoigne qu’une mosquée s’élevait là. « Des années de guerre ne nous avaient pas dévastés comme cela », se lamente-t-il, avant d’ajouter : « Nous avons tout perdu en un instant. Nous sommes totalement détruits. » Par peur de rentrer chez eux, des survivants ont trouvé refuge à l’aéroport turc de Gaziantep. « Maintenant, nos vies sont tellement marquées par l’incertitude. Comment vais-je m’occuper de ces enfants ? » s’interroge Zahide Sutcu, qui a fui son appartement avec ses deux jeunes enfants. Vingt-trois millions de personnes sont « potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables », a mis en garde l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Une aide internationale conséquente
Les premières équipes de secouristes étrangers sont arrivées mardi. Selon le président turc qui a déclaré l’état d’urgence pour trois mois dans les 10 provinces touchées par le séisme, 45 pays ont proposé leur aide. L’Union européenne a mobilisé pour la Turquie 1 185 secouristes et 79 chiens de recherches auprès de 19 États membres, dont la France, l’Allemagne ou la Grèce. Pour la Syrie, l’UE est en contact avec ses partenaires humanitaires sur place et finance des opérations d’aide.
Séismes en Turquie et Syrie : comment s’organise l’aide internationale
Le président américain Joe Biden a promis à Recep Tayyip Erdogan « toute l’aide nécessaire, quelle qu’elle soit ». Deux équipes de secouristes devaient arriver mercredi matin en Turquie. La Chine a annoncé mardi l’envoi d’une aide de 5,9 millions de dollars ainsi que des secouristes spécialisés en milieu urbain, des équipes médicales et du matériel d’urgence. Même l’Ukraine, malgré l’invasion russe, a annoncé l’envoi en Turquie de 87 secouristes.
Les Émirats arabes unis ont promis 100 millions de dollars d’aide et l’Arabie saoudite, qui n’entretient pas de liens avec le régime de Damas depuis 2012, a annoncé la mise en place d’un pont aérien pour venir en aide aux populations affectées dans les deux pays. En Syrie, l’appel lancé par les autorités de Damas a cependant surtout été entendu par son allié russe. Selon l’armée, plus de 300 militaires russes sont déjà sur les lieux pour aider les secours.
Washington a indiqué mardi travailler avec des ONG locales en Syrie, insistant sur ses « fonds [qui] iront bien sûr au peuple syrien, pas au régime » de Damas. Le séisme a touché le point de passage de Bab al-Hawa, le seul pour la quasi-totalité de l’aide humanitaire aux zones rebelles en Syrie acheminée depuis la Turquie, selon l’ONU. Le Croissant-Rouge syrien, qui opère dans les zones gouvernementales, a appelé l’UE à lever les sanctions contre Damas.
AFP