L’ancienne première dame peaufine la stratégie de son nouveau parti, lancé en août 2022, pour les élections locales d’octobre et novembre prochains.
Certes, son visage et son nom sont loin – très loin d’être nouveaux dans le paysage politique ivoirien. Simone Ehivet Gbagbo, 73 ans, ancienne première dame, y fait même figure de vétérane. Mais à neuf mois des élections municipales et régionales en Côte d’Ivoire, à quoi peut prétendre électoralement son tout jeune parti, fondé en août 2022 et à la tête duquel elle a été sacrée présidente sans surprise ?
Le Mouvement des générations capables (MGC), au départ une coalition de soutiens à celle qui fut, avec l’ancien président Laurent Gbagbo (dont elle est séparée, le couple est en instance de divorce), une des fondatrices du Front populaire ivoirien (FPI), peaufine actuellement sa stratégie électorale.
Côte d’Ivoire : le jour où Simone Gbagbo est sortie de prison << Notre liste de candidats et notre stratégie seront dévoilées fin février », indique Dominique Traoré, premier vice–président et porte–parole du parti. Tout juste apprend–on que le MGC n’a pour l’heure noué aucune alliance – alliances qui lui seront sans doute indispensables – en vue de ces prochains scrutins, premier test électoral pour la nouvelle formation.
La priorité : l’implantation locale du parti
Ces derniers temps, Simone Gbagbo se montre particulièrement discrète. Depuis qu’elle a été amnistiée de sa condamnation à vingt ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’État, en 2018, elle a lissé sa réputation de «< dame de fer » et a beaucoup échangé avec des personnalités politiques de tous bords. << Nous avons rencontré tous les partis qui sont venus nous soutenir lors de notre assemblée constitutive pour les remercier, poursuit Dominique Traoré. Mais notre priorité des priorités reste, pour le moment, l’implantation de notre parti. »
La semaine prochaine, MGC doit procéder à une première évaluation de cette implantation, sur la base d’un objectif de « 2 000 militants par région ». Le pari sera–t–il tenu ? À en croire des responsables locaux interrogés dans la presse nationale, la tendance est favorable dans l’ouest du pays, en particulier dans les trois régions du district des Montagnes. Simone Gbagbo est
d’ailleurs attendue dans le Guémon à la fin de mars ou début avril dans la ville de Duékoué, théâtre de massacres sur fond de rivalités politiques et communautaires pendant la crise post–électorale de 2010-2011.
<<< Il est temps qu’on se parle >>
Ces dernières semaines, Simone Gbagbo s’est entretenue, de manière très officielle, avec Pascal Affi N’Guessan, seul maître à bord du FPI depuis le départ des pro–Gbagbo, et Henri Konan Bédié, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).
Côte d’Ivoire: Laurent Gbagbo et le désenchantement d’un camp Le 5 janvier, elle a aussi reçu Charles Blé Goudé
dans sa villa abidjanaise de Cocody Riviera Golf. << Idéologiquement, je n’ai pas changé. Parmi nous, il y a des gens qui marchent selon les événements. Les événements passent. D’autres marchent selon les hommes. Les hommes passent. D’autres encore marchent selon les valeurs. Mais les valeurs ne passent jamais. En écoutant votre porte–parole, je me suis dit que le MGC ressemblait au Cojep [Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples, le parti de Blé Goudé]. Il est temps qu’on se parle et qu’on dégage ce qui peut marcher et ce qui ne peut pas marcher, pour avancer ensemble », a déclaré l’ancien leader
des Jeunes Patriotes.
Rentré à Abidjan en novembre, Charles Blé Goudé est ouvertement en froid avec Laurent
Gbagbo, avec lequel il a longtemps partagé la cour du pénitencier de Scheveningen avant qu’ils ne soient tous deux acquittés par la Cour pénale internationale (CPI), en 2021.
Quelles alliances ?
Outre leur passé de lutte politique, Simone Gbagbo et Charles Blé Goudé ont aujourd’hui un autre point commun. Ils ont tous deux refusé de participer au lancement de la nouvelle formation de Gbagbo, le Parti des peuples africains–Côte d’Ivoire (PPA–CI), dont l’ancienne première dame a été mise au banc des instances dirigeantes. Présenteront–ils des listes communes aux prochaines élections locales ?
Côte d’Ivoire Simone Gbagbo replonge dans l’arène << Il est fort possible que Simone Gbagbo dessine
une alliance avec le Cojep dans le Centre–Ouest, dans les régions du Gôh et du Haut–Sassandra, estime Geoffroy–Julien Kouao, politologue et essayiste. Avec le FPI de Pascal Affi N’Guessan avec [qui a annoncé ce week–end son rapprochement le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix – RHDP], des accords pourraient être envisageables dans le Centre–Est, en pays agni. Quant à Henri Konan Bédié, une entente pourrait être trouvée dans certaines localités du Sud–Est. >> << Nous ne sommes fermés à aucune alliance, mais rien n’a encore été formalisé », assure pour sa part Dominique Traoré.
Dans cette gauche ivoirienne éclatée où chaque formation cherche des appuis pour s’imposer face au puissant RHDP, le parti présidentiel, le jeu des alliances offre d’innombrables combinaisons. Selon Geoffroy–Julien Kouao, malgré les tensions entre ses leaders, une large union de cette gauche, PPA–CI et MGC inclus, n’est pas à exclure dans l’immense commune de Yopougon, à Abidjan, où le RHDP aligne Adama Bictogo, le président de l’Assemblée nationale.
Assistera–t–on à cette occasion aux retrouvailles
politiques du couple Gbagbo ? Simone Gbagbo, qui a bénéficié en Côte d’Ivoire d’un regain de popularité quand son mari est rentré au bras de Nady Bamba, la femme qui partage la vie de l’ancien président depuis une vingtaine d’années, en acceptera–t–elle l’augure ? En politique ivoirienne, tout est toujours possible.
JA