9 mai 2024
Paris - France
CULTURE

Se souvenir de la tragédie rwandaise

« Il aura fallu quinze ans de cheminement incertain, une enquête menée aux confins de mémoires étiolées, pour retrouver une image sur laquelle j’espérais figurer, puis pour chercher mes compagnons de fuite. Quinze ans pour m’autoriser enfin à écrire cette histoire. La mienne et à travers elle, car il s’agit bien de me réinscrire dans un collectif, la nôtre, l’histoire des enfants des convois. » Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse. Treize ans après les faits, elle entre en contact avec l’équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l’Italie et l’Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes. Le génocide des Tutsi, comme d’autres faits historiques africains, a été principalement raconté au monde à travers des images et des interprétations occidentales, faisant parfois des victimes les figurants de leur propre histoire. Nourri de réflexions sur l’acte de témoigner et la valeur des traces, entre recherche d’archives et écriture de soi, Le convoi est un livre sobre et bouleversant : il offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.

Dans quelques jours, on commémorera les 30 ans d’une des plus sanglantes tragédies de l’histoire, le génocide du Rwanda. Cette année, une survivante et une grande reporter se souviennent du génocide rwandais.

Le 6 avril 1994, le Président rwandais est assassiné par des extrémistes hutus, déclenchant un génocide de l’ethnie rivale. Pendant trois mois, les Tutsis sont traqués et massacrés à travers le pays sans que les instances internationales n’interviennent pour mettre fin à l’horreur. La commission indépendante d’enquête mandatée par l’ONU estimera qu’environ 800 000 Rwandais, dans l’immense majorité des Tutsis, ont perdu la vie pendant ce printemps sanglant.

Les œuvres mémorables qui racontent cet épisode sont légion : le film Hôtel Rwanda (2004), réalisé par Terry George, l’enquête Une saison de machettes (2003) de Jean Hatzfeld ou encore les romans teintés d’autobiographie de Gaël Faye et Scholastique Mukasonga, Petit Pays (2016) et La Femme aux pieds nus (2008). Cette année, deux livres bouleversants viennent apporter un nouvel éclairage sur ce drame à jamais dans les mémoires. Une survivante, une grande reporter, deux écrivaines qui se souviennent de la tragédie rwandaise.

Le Convoi, de Beata Umubyeyi Mairesse

Le 18 juin 1994, Beata Umubyeyi Mairesse et sa mère réussissent à quitter le Rwanda avec des centaines de survivants, majoritairement des enfants, grâce à un convoi humanitaire suisse. Dans ce livre épuré, mais déchirant, la romancière se souvient de cette fuite loin de l’horreur. Elle raconte surtout son enquête longue de 15 ans pour tenter de retrouver les autres enfants, miraculés comme elle. Elle veut les étreindre, leur parler. Mais elle veut surtout partager avec eux un cadeau que des journalistes de la BBC présents au Rwanda pendant le génocide lui ont remis.

Jean Moliere /source: Fnac

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