27 juillet 2024
Paris - France
AFRIQUE

Réhabilitation de Khalifa Sall et Karim Wade en vue de 2024 : Une certitude et des interrogations

Un jour mémorable pour Khalifa Ababacar Sall et Karim wade. La modification du code électorale vient d’être adopté par 115 députés de la mouvance présidentielle.

Au Sénégal, une modification du code électoral ouvre les portes de la présidentielle à Karim Wade et Khalifa Sall

Après des mois de tensions politiques, le scrutin présidentiel de février 2024 s’annonce plus ouvert que jamais.

Après plus de dix heures de débat houleux à l’Assemblée nationale, l’horizon politique de Karim Wade et Khalifa Sall s’est finalement dégagé : les deux opposants sénégalais, exclus du champ politique depuis plusieurs années, pourront se présenter à l’élection présidentielle du 25 février 2024. La réforme adoptée samedi 5 août dans la soirée par 124 voix pour, une contre et zéro abstention stipule que « nul ne peut refuser l’inscription sur les listes électorales aux personnes qui, frappées d’incapacité électorale à la suite d’une condamnation, bénéficient de la réhabilitation ou font l’objet d’une mesure d’amnistie ou de grâce. 

Cette modification de l’article L28 du code électoral était l’un des principaux acquis du dialogue national initié fin mai par le président Macky Sall. Les discussions avaient également abouti à un accord sur une baisse du nombre de parrainages nécessaires aux candidats – un seuil fixé à 0,6 % du fichier électoral contre 0,8 % auparavant – et à la suppression de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, remplacée par un parquet financier.

Remous dans l’opposition

Après des mois d’un face-à-face tendu entre Macky Sall et Ousmane Sonko qui s’est soldé par le renoncement de l’un à se présenter à un troisième mandat et l’incarcération de l’autre, le scrutin présidentiel s’annonce plus indécis que jamais. Non seulement la question de l’inéligibilité d’Ousmane Sonko n’est pas tranchée, mais le retour sur le ring de deux poids lourds de la scène politique risque de créer des remous dans les rangs de l’opposition.

Karim Wade lors de son arrivée au tribunal en juillet 2014 à Dakar.

Le premier, Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade et figure du Parti démocratique sénégalais, avait été condamné à six ans de prison ferme pour enrichissement illicite en 2015, avant d’être gracié et de s’exiler au Qatar. Il s’y trouve toujours. Le second, Khalifa Sall, ancien maire de Dakar à la tête de Taxawu Sénégal, avait été écarté de l’élection présidentielle de 2019 après avoir écopé de cinq ans de prison ferme pour détournements de fonds publics en 2018. Il avait lui aussi bénéficier d’une grâce.

Saliou Sarr, coordonnateur national de Taxawu Sénégal, s’est félicité samedi 5 août que Khalifa Sall, qui a déjà annoncé sa volonté de participer au prochain scrutin présidentiel, « retrouve la plénitude de ses droits civils et politiques ». Désormais, « il ne lui reste plus qu’à aller à la rencontre des Sénégalais avec son programme qui est déjà prêt », a ajouté le responsable politique.

La situation est un peu différente pour Karim Wade, a tenu à souligner pour part Nafissatou Diallo, porte-parole du Parti démocratique sénégalais. Le fils de l’ancien président « est électeur et éligible depuis août 2020, puisque le délai d’interdiction automatique de cinq ans d’être éligible et électeur suite à une condamnation a expiré », estime-t-elle. Néanmoins, l’opposant n’est toujours pas, à ce jour, réinscrit sur le fichier électoral.

Un vote boudé par le Pastef

A l’Assemblée, les députés issus du parti Taxawu Sénégal, tout comme ceux issus du PDS, ont voté pour la modification du texte de loi. Mais la coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi s’est en partie scindée. Les parlementaires des Patriotes sénégalais pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) – le parti d’Ousmane Sonko, dissous par les autorités sénégalaises dans la foulée de l’inculpation de l’opposant – suivi n’ont pas suivi leurs collègues de Taxawu Sénégal et ont quitté l’Assemblée au moment du vote.

Auparavant, plusieurs députés Pastef avaient profité de la tribune à l’Assemblée nationale pour souligner qu’il restait encore du chemin à parcourir avant que la prochaine élection présidentielle soit réellement inclusive. En d’autres termes, pour que leur chef, Ousmane Sonko, puisse concourir.

Placé en détention, ce dernier est inculpé notamment d’appel à l’insurrection. Dans le cadre de deux autres procédures judiciaires, il a été condamné en appel à six mois de prison avec sursis pour diffamation en mai, puis à deux ans ferme par contumace pour « corruption de la jeunesse » dans l’affaire de viol qui l’oppose à la masseuse Adji Sarr. Dans une lettre manuscrite adressée au greffier le 3 août, l’opposant a notifié depuis la prison son « non-acquiescement au jugement », ce qui lui permettrait d’ « anéantir » la décision et de reprendre le procès à zéro selon lui. Mais le procureur estime que sa détention actuelle n’est pas liée à l’affaire qui l’oppose à Adji Sarr.

Lettre d’Ousmane Sonko pour signifier au tribunal son « non acquiescement au jugement ».

 

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