20 mai 2024
Paris - France
POLITIQUE

Les putschistes africains donnent de la voix à l’ONU 

Les représentants des régimes putschistes ont défilé à la tribune des Nations unies jusqu’à samedi. Les Occidentaux essayent de s’adapter à la situation .

Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères, à la tribune de l’ONU le 23 septembre 2023 Sipa press 

Les faits L’Assemblée générale des Nations Unies se poursuit cette semaine au siège de l’institution, à 

New York, avec la fin des discours des dirigeants des pays membres. En coulisse, nombre de discussions 

tournent autour de la conduite à tenir face aux nouveaux régimes issus de coup d’Etat en Afrique

Pour son premier discours à la tribune de l’ONU, Mamadi Doumbouya a voulu marquer les esprits. Vêtu 

d’un large boubou blanc floqué d’échantillons textiles des quatre régions de la République de Guinée, le 

président de la transition a rejoué la scène de l’émancipation à l’égard de l’ancienne puissance coloniale

Il est important… que l’on comprenne clairement que l’Afrique de papa, la vieille Afrique, c’est terminé »

a expliqué l’homme fort de Conakry, arrivé au pouvoir par les armes en 2021. Un message clairement 

adressé à Emmanuel Macron qui avait dénoncé en septembre l« épidémie de putschs >> au Sahel. Le 

président guinéen a rappelé que << le modèle démocratique insidieusement et savamment imposé à 

l’Afrique ne fonctionnait pas », prenant l’exemple de son pays l’ancien chef de l’Etat avait tripatouillé la 

Constitution pour rester au pouvoir

De retour au pays, samedi, Mamadi Doumbouya a été accueilli en héros par la foule qui l’a escorté 

jusqu’au centreville de Conakry. La presse nationale a qualifié son intervention onusienne d’historique

allant jusqu’à comparer celleci au discours de Sékou Touré devant le général de Gaulle en 1958: << Nous 

préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage »

Antiimpérialisme. Pour les putschistes, rien ne vaut tant qu’un bon discours antiimpérialiste pour faire 

grimper sa cote de popularité. Le capitaine burkinabè, Ibrahim Traoré, a dépêché à New York son ministre 

de la Fonction publique, Bassolma Bazié, pour vilipender Paris

Cet envoyé en service commandé a pointé avec aplomb, sans une once de preuves, la responsabilité de 

la France dans le recrutement, l’équipement et l’entrainement des terroristes au Sahel. Des propos repris 

en choeur par le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, qui en a fait son fonds de 

commerce. Le diplomate a accusé l’expuissance tutélaire de continuer, en toute impunité, << ses 

manœuvres de déstabilisation du Mali, comme en témoigne la récente libération de terroristes dans la 

région des trois frontières >>

Les représentants burkinabé et malien se sont aussi fait les portevoix de la junte nigérienne, interdite de 

parole à la grande messe annuelle de l’ONU. Le nouveau pouvoir à Niamey avait préalablement dénoncé 

les agissements perfides d’António Guterres, pour les priver de tribune

Une situation difficile à gérer pour le secrétaire général de l’institution. Mohamed Bazoum n’a toujours pas 

démissionné deux mois après le putsch. Ses proches ont aussi demandé en vain la parole à la tribune 

des Nations Unies

La transition gabonaise n’a pas eu de souci, elle, pour accéder à l’assemblée générale. Elle était 

représentée par le Premier ministre, Raymond Ndong Sima, dont la principale mission a été de vendre 

comme salutaire le coup d’Etat contre Ali Bongo. Le chef de gouvernement a dénoncé les entorses 

démocratiques en vigueur sous l’ère du président déchu dont il avait pourtant déjà dirigé le cabinet

 » << Chaque pays est un cas différent, soutient également Josep Borrell. Des situations différentes nécessitent des approches différentes >>> 

Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne 

<< Nous voulons dérouler notre plan et convaincre de la sincérité du processus engagé, assure ce dernier

Si nous y parvenons, alors nous pourrons discuter du régime de sanctions imposées. » Raymond Ndong 

Sima promet un processus de consultations nationales transpartisanes afin de fixer les prochaines règles 

électorales pour des scrutins qu’il promet libre et transparent

Cette série de putschs en Afrique amène les principaux partenaires de l’Afrique à se (re)positionner face à 

des changements soudains. En Europe, on ne sait plus trop quelle ligne tenir, entre défense des valeurs et maintien des intérêts stratégiques

| A lire aussi: Le renseignement français «n’est pas à la fête» en Afrique 

<< Nous avons convenu de la nécessité de réévaluer notre stratégie, notre approche, nos politiques et nos 

attentes sur cette région »>, a expliqué le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, à l’issue d’une 

réunion des ministres des Affaires étrangères des VingtSept, en marge de l’assemblée générale de 

I’ONU

Les Européens sont à la recherche d’une nouvelle approche en fonction des contextes. Les officiels 

français confient, en privé, « que chaque dossier a ses propres mérites » ou encore que «< la politique étrangère n’est pas un jardin (NDLR: ordonné) à la française ». « Chaque pays est un cas différent

soutient également Josep Borrell. Des situations différentes nécessitent des approches différentes. >> 

Tâtonnements. L’UE va poursuivre les discussions dans les prochaines semaines pour tenter de trouver 

une ligne de crête cohérente. L’idée est d’harmoniser les positions et de se prononcer en fonction des 

intérêts sécuritaires et migratoires de la communauté tout en respectant le principe de subsidiarité

Celuici donne aux organisations régionales le leadership en matière de conduite à adopter face aux 

putschistes

Les EtatsUnis, toujours prêts à ériger les principes démocratiques en vertu internationale, semblent 

aussi enclins à la realpolitik afin de maintenir leur présence militaire et barrer la route à l’arrivée de la 

Russie. Vendredi, Antony Blinken, le secrétaire d’Etat, a tenté de convaincre les pays de la Communauté 

économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) d’assouplir leur position à l’égard de la junte au 

Niger. Mais les responsables ouestafricains sont restés fermes en exigeant le retour à l’ordre 

constitutionnel et le rétablissement du président Bazoum

Le coup d’Etat intervenu le 26 juillet à Niamey est devenu un vrai cassetête. « Le cas du Niger est 

emblématique de nos divisions et nos tâtonnements sur la bonne conduite à tenir, confie un diplomate 

africain. Nous allons essayer d’organiser un sommet extraordinaire de l’Union africaine en novembre afin 

de redéfinir certaines lignes d’action »>

Jean Moliere

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