Concurrents dans la télévision comme dans les allées du pouvoir, les hommes d‘affaires Loïc Folloroux et Fabrice Sawegnon, chacun lié au couple présidentiel, se livrent une guerre acharnée par chaînes de TNT interposées.
Les soubresauts qui ont secoué la TNT ivoirienne, ces dernières semaines, ont été largement amplifiés par l‘inimitié très vive qui oppose deux des principaux investisseurs du secteur : d‘un côté Loïc Folloroux, actionnaire de la Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI) et fils de la première dame Dominique Ouattara, et de l‘autre Fabrice Sawegnon, présent au capital de Life TV et communicant du chef de l‘Etat Alassane Ouattara.
La première manche a eu lieu début septembre, lorsqu‘un animateur de NCI, Yves de Mbella, a invité un « violeur repenti » à mimer une agression sexuelle en direct et en prime time, lundi 30 août, dans une émission de téléréalité intitulée « La Télé d‘ici vacances« . L‘animateur et son invité ont immédiatement été condamnés. Les autres chaînes, et tout particulièrement Life TV, ont cependant surenchéri en demandant, par le biais de leurs chroniqueurs sur les réseaux sociaux, la condamnation de la chaîne elle–même qui, à ce jour, n‘a écopé d‘aucune sanction. La présentatrice de Life TV Edith Brou Bleu a été particulièrement active sur ce créneau.
Deuxième manche dix jours plus tard, à l‘occasion d‘une autre émission de téléréalité en direct sur NCI, « Les Femmes d‘ici« . Durant celle–ci, une jeune Ivoirienne récemment sortie de la maison d‘arrêt d‘Abidjan a raconté qu‘elle avait partagé sa cellule avec une mineure de 8 ans arrêtée et incarcérée pour un vol de 3000 francs CFA (12 euros). Information aussitôt démentie par le procureur de la République, Richard Adou, assortie d‘une mise en garde largement relayée par la concurrence qui, là encore, demande la condamnation de NCI.
Vieilles rancours
La rivalité entre Fabrice Sawegnon et Loïc Folloroux est ancienne, mais elle s‘est encore aggravée en 2017, lorsque la chaîne française TF1, filiale du groupe Bouygues, a envisagé d‘investir dans plusieurs chaînes de la TNT ivoirienne. TF1, dont l’actionnaire, Martin Bouygues, est proche du couple présidentiel ivoirien, a d‘abord initié des pourparlers avec Life TV de Fabrice Sawegnon pour acquérir 30% du capital de la chaîne (AI du 13/09/17). Mais ces discussions ont brutalement pris fin en 2017. Une interruption attribuée à l‘époque par Fabrice Sawegnon à l‘activisme de Loïc Folloroux (AI du 06/12/17).
La ranceur de ce dernier envers Fabrice Sawegnon est liée au même épisode. Bouygues voulait entrer au capital de plusieurs chaînes, mais la volonté de Fabrice Sawegnon d‘être l‘unique interlocuteur de la chaîne française a mis fin à ces velléités. Lorsque les pourparlers entre Life TV et TF1 ont été rompus, NCI n‘a pas été en mesure de prendre le relais et d‘ouvrir à son tour des négociations avec la chaîne française.
Toujours à vif, cette vieille rivalité a été exacerbée par la concurrence très intense que se mènent les deux chaînes de la TNT. Récemment, NCI a lancé plusieurs émissions qui se sont rapidement hissées en tête des audiences, notamment « Show Buzz » en journée, et « La Télé d‘ici » en début de soirée.
DIPLOMATIE
Les annonces d‘Emmanuel Macron pour le sommet Afrique–France
Alors que débute ce 8 octobre le sommet Afrique–France, Emmanuel Macron planche en coulisses sur plusieurs projets d‘annonces. La principale d‘entre elles : la disparition dans sa forme actuelle du Conseil présidentiel pour l‘Afrique (CPA), lancé en 2017
C‘est un rendez–vous qui n‘en finit pas de faire grincer des dents dans les palais présidentiels africains. Le « nouveau” sommet Afrique–France se tiendra à Montpellier ce 8 octobre, dans un format totalement remanié et sans la moindre présence de chefs d‘Etat africains (AI du 06/09./21).
Parmi les grandes annonces qui devraient marquer l‘événement figure une refonte profonde du Conseil présidentiel pour l‘Afrique (CPA), lancé par le président français Emmanuel Macron en 2017 pour « redynamiser » la relation entre la France et le continent africain. Parmi les fondateurs du CPA figuraient l‘actuel ambassadeur de France en Afrique du Sud, Aurélien Lechevallier – ancien no 2 de la cellule diplomatique de l‘Elysée jusqu‘en 2019 -, et le Franco–Béninois Jules Armand Aniambossou, président du CPA de 2017 à 2019 et désormais à la tête de la chancellerie française à Kampala. Macron devrait réaménager le CPA en le dédiant quasi exclusivement aux « diasporas« , un mot qui devrait même figurer dans le nom de cette nouvelle structure et qui était encore en débat le 5 octobre à l‘Elysée.
Ces derniers mois le Conseil présidentiel pour l‘Afrique a été l‘objet de vives critiques. Son organisation interne, particulièrement dénoncée par nombre des détracteurs, aurait favorisé un « entre soi » à rebours des ambitions initiales du projet. La décision de refonder le CPA devrait aller de pair avec le départ de l‘actuel patron de l‘organisation le Franco–béninois, Wilfrid Lauriano do Rego. Une « refonte » qui intervient à un peu moins de six mois de l‘élection
présidentielle de 2022 et alors que les diasporas constituent une thématique de campagne de plus en plus en vogue chez les candidats à la magistrature suprême.
Des annonces sont également attendues de la part du chef d‘Etat au niveau de l‘Agence française de développement (AFD). Ces dernières devraient notamment porter sur l‘entrepreneuriat des jeunes, des industries culturelles et créatives ainsi que le sport.
Un sommet à 7 millions d‘euros
Depuis le 4 juillet, le secrétariat général du sommet est supervisé par l‘ancien n°2 de l‘AFD en Côte d‘Ivoire, Benoît Verdeaux qui travaille en étroite collaboration avec le n°2 de la cellule Afrique de l’Elysée, Marie Audouard. Benoît Verdeaux a été nommé pour un an et assurera à ce titre le suivi du sommet Afrique–France (mobilité des étudiants, etc.) jusqu‘en septembre 2022. Le coût de l‘événement – pris en charge par huit ministères sans aucun fonds privé – avoisine les 7 millions d‘euros. C‘est deux fois moins que le coût initial (14 millions d‘euros) de la première mouture du sommet, qui devait se tenir en juin à Bordeaux et a été annulé en raison du Covid–19. L‘organisation de la rencontre avait été confiée à Richard Attias & Associates (AI du 30/04/19).
Pour l‘édition du 8 octobre, c‘est l‘agence d‘événementiel parisienne Escape qui est à la maneuvre. L‘Elysée s‘est en revanche séparé après des « défaillances » de Solicom, qui était chargé de la communication du sommet. C‘est désormais l‘agence Proches, présidée par Jonathan Bros, qui assurera la communication de la manifestation. Cette dernière qui appartient au groupe Insign avait déjà piloté la com‘ de la Saison Africa 2020.
DIPLOMATIE
De Washington à Alger, comment Paris intrigue pour retarder l‘arrivée de Wagner
Discrète mais insistante, la diplomatie française multiplie les démarches auprès de ses partenaires pour éviter le rapprochement entre la junte et le groupe paramilitaire russe Wagner. La Cedeao, mobilisée par Emmanuel Macron, planche sur la mise en place de sanctions contre des officiels maliens.
L‘assemblée générale des Nations unies (AGNU) qui s‘est tenue du 21 au 27 septembre à New York avait presque l‘allure d‘un sommet international consacré au Mali pour Jean–Yves Le Drian. L‘ensemble des tête–à–tête qu‘a eus le ministre des affaires étrangères avec ses homologues occidentaux comme africains a porté, entre autres, sur la situation à Bamako. Dans les locaux de la représentation française au 44® étage du One Dag Hammarskjöld Plaza, il a développé auprès de tous ses interlocuteurs un argumentaire bien rodé pour ralentir, voire tuer dans l‘oeuf, le rapprochement accéléré que mène actuellement la junte malienne avec la Russie.
Front commun avorté avec Alger
L‘un des premiers leviers que Paris comptait actionner sur ce dossier était l‘Algérie. En marge de l’AGNU, Le Drian s‘est ainsi longuement entretenu avec Ramtane Lamamra, le 22 septembre. Si rien n‘a filtré de la rencontre, le chef de la diplomatie française a obtenu, selon nos informations, de son homologue algérien une « condamnation de principe » à la possible arrivée de Wagner au Mali. Alger voit en effet d‘un très mauvais vil les discussions entamées par la junte malienne et le groupe paramilitaire russe, ainsi que l‘arrivée d‘un nouvel acteur extérieur – bien qu‘allié – dans sa zone d‘influence sahélienne historique. Motif d‘irritation supplémentaire : Wagner appuie déjà en Libye le général Khalifa Haftar, avec qui l‘Algérie entretient des relations très tendues.
En amont de la rencontre entre les deux ministres, l‘ambassadeur de France en Algérie François Gouyette s‘était très discrètement entretenu avec le nouvel envoyé spécial de l‘Algérie pour le Sahel – et fidèle de Lamamra , Boudjemaa Delmi. Ce dernier séjourne à Bamako depuis le 2 octobre pour présider une réunion du comité de suivi de l‘accord de paix et de réconciliation au Mali, issu du Processus d‘Alger (CSA), signé en 2015 sous le haut patronage de l‘Algérie par le gouvernement malien et des groupes armés actifs au nord du pays. D‘ores et déjà, le manque d‘entrain de l‘actuel premier ministre malien Choguel Kokalla Maiga sur le dossier irrite à Alger. Il s‘est, à plusieurs reprises, prononcé contre l‘application dudit accord.
Malgré les efforts déployés par les diplomates français, le rappel de l‘ambassadeur algérien à Paris le 2 octobre, à la suite de propos tenus par Emmanuel Macron devant des représentants de la diaspora algérienne, et la fermeture du ciel algérien aux avions français qui appuient l‘opération Barkhane, risquent de compromettre l’ébauche de front commun entre Alger et Paris. Quelques jours avant ce nouveau coup de froid avec Paris, une délégation militaire algérienne emmenée par un général et une poignée d‘officiels de l‘armée de l‘Air était au Cercle National des Armées (CNA) dans le gème arrondissement de la capitale français le 27 septembre.
Emmanuel Macron mobilise la Cedeao
De son côté, le président français a directement évoqué le sujet par téléphone avec une petite dizaine de ses homologues ouest–africains. Parmi eux : Mohamed Bazoum (Niger), Macky Sall (Sénégal), Nana Akufo–Addo (Ghana, également président en exercice de la Communauté économique des Etats de l‘Afrique de l‘Ouest – Cedeao) ainsi qu‘Alassane Ouattara (Côte d‘Ivoire). Le président ivoirien sera par ailleurs en France mi–octobre où il doit séjourner dans sa résidence de Mougins (Alpes–Maritimes).
Plusieurs chefs d‘Etats de l‘organisation panafricaine ont d‘ores et déjà fait savoir à la junte malienne que l‘arrivée de paramilitaires russes constituerait une « ligne rouge » à ne pas dépasser. En coulisse, la Cedeao travaille même sur la mise en place de sanctions individuelles contre les officiels maliens qui « bloqueraient » la bonne tenue de l‘élection présidentielle prévue en février 2022. Or ces opposants figurent aussi parmi les soutiens les plus enthousiastes à l‘arrivée de Wagner dans le pays. L‘une des sanctions actuellement à l‘étude est l‘interdiction de voyager pour les officiels maliens considérés comme des entraves à l‘élection, accompagnée du gel d‘avoirs financiers. Une initiative qui agite les ministères à Bamako.
De leurs côtés, Washington et Londres – avec lesquels la diplomatie française a évoqué à plusieurs reprises le dossier malien – ont fait passer aux autorités maliennes un message explicite fin septembre : l‘arrivée de combattants étrangers aura des conséquences directes auprès des principaux bailleurs du pays et sur la relation bilatérale de Bamako avec les Etats–Unis et le Royaume–Uni.
Où sont les Russes?
L‘intensité de l‘activité diplomatique déployée par Paris sur ce dossier contraste avec le flou, sur le terrain, de l‘engagement russe. A ce jour, Wagner n‘a envoyé qu‘une petite mission exploratoire au Mali, qui a transité par Benghazi en Libye et qui a principalement étudié les conditions financières d‘une éventuelle intervention. L‘unique présence militaire russe à Bamako est la petite équipe de formateurs qui entraîne les pilotes maliens au maniement des hélicoptères MI–35 achetés et réceptionnés sous la présidence d‘Ibrahim Boubacar Keïta.
Ce petit groupe, qui vit au camp de Kati et porte l‘uniforme malien, est assimilé, dans tout Bamako, à une équipe avancée de Wagner. Ils dépendent en réalité de l‘agence d‘exportation d‘armement Rosoboronexport, dont le personnel n‘a pas le droit de participer aux conflits. Une règle que l‘équipe de pilotes russes applique à la lettre puisqu‘ils refusent de se rendre dans le camp de Sévaré, où sont stationnés les deux MI–35 encore en état de vol (les deux autres sont déjà cloués au sol) et dispensent leurs formations in abstracto, dans des salles de classe.
Ces formateurs doivent quitter le pays en décembre. Ils seront remplacés par une autre équipe, toujours liée à Rosoboronexport, mais intervenant cette fois sur les hélicoptères MI–17 dont la commande a été passée peu avant le coup d‘Etat d‘août et dont deux, sur les quatre commandés, ont été réceptionnés à Bamako la semaine dernière.
Ce sont les limitations de cette coopération officielle russe qui ont incité les dirigeants maliens, et en particulier le président de la transition Assimi Goita – qui a fait une partie de ses classes en Russie – et son ministre de la défense Sadio Camara, à tenter d‘entrer en contact, dès janvier 2021, avec les paramilitaires privés de Wagner. L‘objectif est de disposer d‘un appui au front, actuellement dégarni des unités les plus aguerries, qui ont été repositionnées par la junte à Bamako.
Les premiers contacts avec des représentants de Wagner ont eu lieu à Moscou, en marge de la conférence sur la sécurité qui s‘est tenue le 24 juin dans la capitale russe et à laquelle participait le ministre de la défense malien. Un contrat a été rédigé le mois suivant et Sadio Camara est retourné en Russie en août pour finaliser les détails. A l‘heure actuelle, le contrat, dont l‘existence a été révélée par Reuters le 13 septembre, n‘est toujours pas signé. Les conditions financières de l‘intervention de Wagner, notamment, restent encore à préciser.
DÉFENSE
Face à Pékin, l‘administration Biden veut charmer les garde côtes africains
Les Etats–Unis n‘entendent pas se faire devancer par la Chine en matière de coopération militaire en Afrique. Pour rester dans la course, le département de la défense travaille à un vaste programme visant à équiper les agences de sécurité maritimes d‘une quinzaine de pays.
Confrontée aux velléités expansionnistes de Pékin en Afrique, Washington s‘apprête à contre–attaquer par le biais de la coopération sécuritaire. Sous l‘impulsion de l‘administration de Joe Biden, le Département de la défense (DoD) et la Defense Security Cooperation Agency (DSCA) planchent sur un projet de Foreign Military Sales (FMS) en vue d‘équiper en moyens de surveillance côtière plusieurs agences de sécurité maritimes africaines. Le programme, qui profitera à une quinzaine de pays sur le continent, va se concentrer sur la livraison de dizaines de vedettes militaires comprises entre 12 et 15 mètres d‘envergure.
Le DoD et la DSCA ont déjà engagé des discussions avec trois chantiers navals s‘étant positionnés sur le marché, à savoir Safe Boats International, Metal Shark Boats (ex–Gravois Aluminium Boats) ainsi que la branche américaine de Fincantieri. Dirigé par Richard Schwarz, Safe Boats s‘est imposé en particulier ces dernières années comme un attributaire régulier des marchés fédéraux américains pour le compte de l‘US Coast Guard et sur la zone Afrique, que ce soit au profit de la Tunisie (AI du 01/06/17), de Djibouti ou encore du Bénin (AI du 16/09/20). Metal Shark, fondé par le couple Jimmy Gravois et Donna Gravois, dispose également de solides références du côté de l‘US Coast Guard et de l‘US Navy. Enfin, en raison des mesures de protectionnisme économique en vigueur à Washington, l‘italien Fincantieri ne pourra s‘imposer qu‘à travers sa filiale Fincantieri Services USA, basée à Miami.
Contrecarrer Pékin via l‘assistance maritime
En Afrique de l‘Ouest en particulier, du Sénégal à l‘Angola, la recrudescence d‘actes de piraterie dans les eaux du Golfe de Guinée a poussé les Etats à renforcer leurs capacités maritimes. En remettant à niveau les flottilles africaines, Washington entend surtout mener une énergique politique de rayonnement diplomatique. Si ce projet de FMS avait été mis sur la table déjà sous l‘administration Obama, il revient aujourd‘hui au goût du jour en raison de l‘activisme débordant déployé par la Chine.
Ces dernières années, Pékin a accéléré tous azimuts sa coopération avec de nombreux pays d‘Afrique en les dotant de divers moyens maritimes, à l‘instar du Gabon – avec un patrouilleur de 66 mètres remis cet été – de la Mauritanie, de la Tanzanie ou encore plus récemment de Djibouti. C‘est dans ce pays, où se côtoient une importante base navale chinoise et une forte présence militaire américaine, que la lutte d‘influence entre Washington et Pékin est la plus significative (AI du 22/09/21). Par ailleurs, la Direction générale des douanes et droits indirects (DGD) tunisienne avait passé commande en 2017 de vedettes rapides de fabrication chinoise (AI du 26/01/17).
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