2 mai 2024
Paris - France
EUROPE INTERNATIONAL

La France vend 18 Rafale à la Grèce, en pleine crise avec la Turquie

Une partie de ses appareils pourraient être cédés d’occasion par l’armée de l’Air française

Les Faits | La Grèce va acquérir 18 Rafale, l’appareil de combat de Dassault aviation, a annoncé samedi le Premier ministre, sur fond de tensions avec la Turquie. Ces dernières se sont aggravées depuis le lancement en août d’une campagne turque de prospection gazière dans une zone contestée de Méditerranée orientale riche en hydrocarbures. Jugeant le moment venu de doter l’armée de moyens supplémentaires, Kyriakos Mitsotakis a également annoncé la commande de quatre nouvelles frégates, la modernisation de quatre autres, l’acquisition d’hélicoptères, de missiles et de torpilles ainsi que le recrutement de 15000 militaires supplémentaires.

La vente de 18 Rafale à la Grèce est à la fois une excellente nouvelle industrielle et un mauvais signal géopolitique. Côté positif : la France et Dassault Aviation décrochent un quatrième client à l’exportation pour leur avion de combat, après l’Egypte, l’Inde et le Qatar. Sur un marché dominé par les Etats-Unis, se faire une place au soleil n’est pas chose aisée, quelles que soient les qualités de l’appareil – en l’occurrence unanimement appréciées. Qui plus est, c’est la première fois qu’un pays européen, membre de l’Otan, achète du Rafale. On ignore le montant du contrat.

Côté négatif : ce contrat est annoncé alors que les tensions entre la Grèce – soutenue mordicus par la France – et la Turquie sont au plus haut. Il est difficile de considérer la vente d’un tel équipement militaire de premier plan comme un geste de désescalade dans une crise déjà très vive en Méditerranée orientale. D’autres Etats, dont l’Allemagne et les Etats-Unis tentent au contraire une politique d’apaisement entre Athènes et Ankara. Certes, le fait de se réarmer assez substantiellement, comme l’a annoncé samedi soir le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, peut avoir un effet de réassurance et de dissuasion, propice à la réouverture d’un dialogue politique. Mais rien, à ce jour, ne garantit cette hypothèse.

Il est difficile de considérer la vente d’un tel équipement militaire de premier plan comme un geste de désescalade dans une crise déjà très vive en Méditerranée orientale

Disponibles rapidement. Par ailleurs, selon des informations non confirmées officiellement, les 18 Rafale pour la Grèce seront en partie neufs (6) et en partie d’occasion (12). Ces derniers seront prélevés dans le parc de l’armée de l’Air. Ils ont ainsi l’avantage d’être très rapidement disponibles. Les avions neufs ne seront, eux, livrés que bien plus tard : il faut en effet près de trois ans entre la passation de la commande et la réception par le client. Donc, pas avant 2023.

La Grèce est un client historique de Dassault Aviation. En 1974, Athènes avait acheté 40 Mirage F1, puis 55 Mirage 2 000 en deux fois (1985 et 2 000). Une partie de son parc est constituée de 2000-5 Mk.2, l’une des versions les plus sophistiquées de l’avion, qui constituent déjà le fer de lance grec contre l’aviation turque. Ce sera encore le cas des Rafale.

Si la vente d’occasion se confirme, l’armée de l’Air française devra donc se séparer de douze de ses avions. Une proposition identique (12 Rafale d’occasion) a été récemment faite à la Croatie par la ministre des armées Florence Parly. Comment et quand seront-ils remplacés ? On l’ignore.

Commande de l’Etat. Le besoin de remplacer les Rafale vendus d’occasion ouvre donc une nouvelle possibilité pour l’Etat, ce qui n’évitera pas un « trou capacitaire » pour l’armée de l’Air, jusqu’à la réception d’appareils neufs (et plus sophistiqués).

La cadence de production de l’usine Dassault de Mérignac est de l’ordre de 17 avions par an et elle ne travaille plus actuellement que pour l’exportation, les livraisons françaises ayant été suspendues pour des raisons budgétaires

Fin août, la ministre a évoqué, sur Europe 1, la possibilité d’accélérer le calendrier d’une commande de l’Etat à Dassault Aviation prévue en 2023, la « tranche 5 ». Elle pourrait intervenir dès l’année prochaine et porterait sur 30 appareils, venant s’ajouter aux 180 déjà commandés, dont la plupart ont été livrés. A ce jour, il ne reste que 28 appareils à livrer à l’armée de l’Air entre 2022 et 2024. La cadence de production de l’usine Dassault de Mérignac est de l’ordre de 17 avions par an et elle ne travaille plus actuellement que pour l’exportation, les livraisons françaises ayant été suspendues pour des raisons budgétaires.

Alors que l’industrie aéronautique est très négativement impactée par la crise sanitaire, industriels et parlementaires plaident pour des commandes supplémentaires. Un récent rapport des députés Jean-Louis Thiériot (LR) et Benjamin Griveaux (LREM) jugent « ​indispensable ​» la « ​commande d’une vingtaine de Rafale ​» pour plus de deux milliards d’euros. Il s’agit essentiellement de préserver le tissu très fragilisé de PME spécialisées dans des technologies de pointe. « C’est à la Défense de prendre le relais des marchés civils ​», avancent-ils.

A l’export, l’avion de combat s’est déjà exporté à 96 exemplaires, le contrat grec portant donc ce chiffre à 114. Des commandes supplémentaires sont espérées en Egypte et en Inde, où les premières livraisons ont eu lieu durant l’été. D’autres pays sont intéressés par le Rafale ​: la Suisse, la Finlande et la Croatie. La Malaisie et l’Indonésie sont également évoquées.

Outre le Rafale, la France pourrait vendre des frégates à la Grèce. Le Premier ministre Mitsotakis a en effet annoncé la volonté de son pays d’acquérir quatre nouvelles frégates et la modernisation de quatre autres déjà en ligne. Le Français Naval Group est sur les rangs.

Source : L’Opinion.fr

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