15 mai 2024
Paris - France
SPORT

Football : le gouvernement français à la rescousse des sélections africaines

 Le ministère des sports a finalement accordé une dérogation aux joueurs hors Union européenne pour qu’ils puissent rejoindre leur sélection sur le continent.                                                                                                                         Le dénouement est finalement venu, samedi 20 mars, du ministère des sports français. Ce dernier a confirmé que « les internationaux de retour de compétition officielle hors UE avec leur équipe nationale, française ou étrangère, sont exemptés de septaine dès lors que le respect d’un strict protocole sanitaire et médical est garanti (bulle sanitaire + test PCR quotidien au retour en club). Ils pourront donc s’entraîner et jouer sans application d’un délai de sept jours ». Jusque-là, les sélections africaines pensaient être privées de leurs internationaux évoluant en Ligue 1 et Ligue 2 françaises alors que les cinquième et sixième journées de qualifications pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2022 doivent avoir lieu entre le 24 et le 30 mars.

Le 5 février, la FIFA avait, dans sa directive 1749, autorisé les clubs professionnels comptant dans leur effectif des internationaux à ne pas les libérer pour les matchs du mois de mars s’ils étaient soumis à un isolement de plus de cinq jours à leur retour, en raison de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. Or, la France impose à tout voyageur revenant d’un déplacement hors Union européenne (UE) une période d’isolement de sept jours. Cela aurait eu pour conséquence de priver de nombreux clubs de leurs internationaux, pour la 31e journée de Ligue 1 et Ligue 2 des 3 et 4 avril. Le 17 mars, les clubs français avaient adopté une position commune, visant à interdire aux joueurs non-européens de rejoindre leur sélection.

Les clubs français veulent des garanties

Ce samedi, les clubs des Ligues 1 et 2 ont pris acte de la décision du gouvernement, tout en apportant une précision qui pourrait empêcher certains footballeurs de voyager. « Si le nécessaire est fait pour que les joueurs reviennent d’Afrique dans des avions privés, que nous avons l’assurance qu’ils seront testés très souvent, ils pourront partir. Mais seulement à ces deux conditions », explique Jean-Pierre Caillot, le président du Stade de Reims (Ligue 1) et du collège de Ligue 1 au sein de la Ligue de football professionnel (LFP). Selon lui, « il aurait été préférable que cela ait été géré en amont. La FIFA a rendu sa directive début février. L’Amérique du Sud a rapidement pris une décision en reportant à juin les matchs prévus en mars, mais pas la Confédération africaine de football [CAF]. » D’après nos informations, la FIFA étudierait la possibilité d’aider les fédérations africaines les moins riches pour qu’elles aient accès à des vols privés.

Très offensive sur le sujet, la Fédération sénégalaise de football (FSF) avait, quant à elle, évoqué « une attitude discriminatoire et contraire aux règlements de la FIFA » des clubs français. « D’après ce que je sais, cela a contribué à faire réagir le gouvernement français, précise un dirigeant de club français, sous couvert d’anonymat. Des fédérations africaines avaient contacté le ministère des sports pour obtenir une réduction significative des délais d’isolement pour les joueurs concernés. Des clubs français s’étaient également renseignés. Ils n’avaient pas obtenu de réponse. Mais face au tollé provoqué en Afrique, et les interventions d’entraîneurs comme Rudi Garcia (Lyon), Bruno Génésio (Rennes) ou Christophe Galtier (Lille) ayant estimé la mesure injuste, le gouvernement français a décidé de réagir. »

Les Africains se sont sentis abandonnés par la CAF

Plusieurs équipes risquaient en effet d’être privées de leurs joueurs, mettant les sélectionneurs dans une position très inconfortable, comme le Comorien Amir Abdou. Sa formation n’a besoin que d’un point lors des deux prochaines rencontres face au Togo (25 mars) et à l’Egypte (29 mars) pour décrocher une qualification historique à la CAN 2022. « Au total, cinq joueurs étaient concernés ! Pour nous, c’est énorme, je n’ai pas un réservoir inépuisable. Je n’avais donc plus qu’à les remplacer par des joueurs qui évoluent dans des championnats amateurs. Pour aborder deux échéances aussi importantes, ce n’est pas idéal », confirme le sélectionneur.

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Ce dernier avait moins fustigé l’attitude des clubs français que celle de la FIFA, à l’origine de cette situation, et de la CAF : « Les clubs français ont défendu leurs intérêts, ils payent les salaires des joueurs, on peut les comprendre. Mais la FIFA a pondu cette directive sans en mesurer les conséquences, et la CAF n’a rien dit, laissant les fédérations se débrouiller seules. » Un sentiment partagé par Patrice Beaumelle, le sélectionneur français des Eléphants de Côte d’Ivoire. « Notre institution nous a abandonnés. Pourquoi n’a-t-elle pas décidé, comme l’a fait la Confédération sud-américaine de football [Conmebol] par exemple, de reporter au mois de juin les matchs prévus en mars ? », s’interroge-t-il.

« Le Covid-19 circule moins en Afrique qu’en France. Le ministère français des sports a pris la bonne décision, car les fédérations africaines vont faire le nécessaire pour protéger leurs joueurs », estime Mathurin de Chacus, président de la Fédération béninoise de football (FBF). Claude Le Roy, le sélectionneur des Eperviers du Togo, avait, quant à lui, anticipé cette situation. « Je savais que de nombreux joueurs évoluant à l’étranger ne pourraient pas venir et j’ai convoqué essentiellement des locaux. Le problème, c’est que le championnat togolais est à l’arrêt depuis plusieurs mois », souligne-t-il.

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