L’Humanité – Dans le sud du Tchad, citoyens, éleveurs et paysans se battent contre les méthodes de cette multinationale présente dans onze pays africains. Après le coton, c’est la richesse de la production de viande locale que l’entreprise convoite. Mais les habitants tentent de résister. Enquête.
Nous sommes à 400 kilomètres au sud de N’Djamena, la capitale du Tchad. Bienvenue dans le Logone-Occidental, au sud du pays, dans la région de Moundou.
Une commune de plus de 120 000 habitants, poumon économique et seconde ville du pays, fondée en 1924 par l’administration coloniale française, cœur d’une province densément peuplée et riche d’une production agricole diversifiée : coton, huilerie et élevage.
Une richesse qui attise les convoitises. Et notamment celle d’un des plus grands groupes de négoce alimentaire mondiaux : Olam. Une boîte singapourienne, dont le DG indien, Gagan Gupta, possède des réseaux sur tout le continent africain, et qui figure dans le scandale d’évasion fiscale des Paradise Papers, révélé en 2017 par le Consortium international des journalistes d’investigation.
Un accord avec le gouvernement tchadien pour 763 millions d’euros
L’entreprise a également créé une autre structure, nommée Arise. C’est elle qui a signé, le 5 novembre 2022, un accord avec l’État tchadien, d’un montant colossal de 500 milliards de francs CFA (près de 763 millions d’euros), pour créer une société ad hoc, Laham Tchad.
Mais, sur place, plusieurs témoins contactés par l’Humanité décrivent un « accaparement des terres », un « faisceau de présomption de corruption » et des « pots-de-vin aux autorités administratives ». Nombreux sont ceux à voir dans cette affaire un scandale emblématique de la prédation capitaliste sur le continent africain, dans lequel se mêlent paysans spoliés, citoyens en lutte, ministres intéressés, PDG tout-puissant, personnalités françaises, et même… un évêque incorruptible.
Au début du scandale, il y a donc Olam. Une multinationale basée à Singapour, présente dans 70 pays et qui, en 2021, a battu tous ses records avec un chiffre d’affaires de 43,5 milliards d’euros, pour un bénéfice de 636 millions, selon les données publiées par l’entreprise.
« Ils ont tué le coton, ils veulent maintenant attaquer l’élevage »
En Afrique, Olam est présente dans onze pays, dont le Tchad, où elle a fait main basse sur le secteur du coton. C’est maintenant la filière viande que le groupe lorgne. « Ils ont tué le coton, ils veulent maintenant attaquer l’élevage », témoigne Dominique Madidengarti, le secrétaire général des organisations et coopératives de Moundou.
En Afrique, Olam agit principalement via sa filiale Arise, créée en 2018 par Gagan Gupta avec African Finance Corporation, une institution financière multilatérale.
SUR SON SITE, ARISE IIP, DÉCRIT SON ACTIVITÉ COMME VISANT À « FOURNIR DES ÉCOSYSTÈMES DE CLASSE MONDIALE À TRAVERS L’AFRIQUE, CONTRIBUANT À L’INDUSTRIALISATION DU CONTINENT ET AMÉLIORANT LA COMPÉTITIVITÉ ÉCONOMIQUE DES PAYS ».
Benjamin König