29 mars 2024
Paris - France
AFRIQUE INTERNATIONAL

En Guinée, le chef de la junte a prêté serment comme président de transition

Le colonel Mamady Doumbouya a également promis de respecter les engagements nationaux et internationaux de la Guinée, pays producteur de minerais.

En Guinée, le colonel Mamady Doumbouya, chef de la junte qui a renversé le président Alpha Condé le 5 septembre, a prêté serment vendredi 1er octobre comme président pour une période de transition à la durée encore indéterminée. En uniforme d’apparat beige, béret rouge et lunettes noires, il a juré devant la Cour suprême de « préserver en toute loyauté la souveraineté nationale », de « consolider les acquis démocratiques, de garantir l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national ».

La cérémonie, qui se tenait au palais Mohammed-V de Conakry, s’est déroulée à la veille de la fête nationale célébrant la déclaration d’indépendance du pays vis-à-vis de la France, en 1958. Ce vendredi a été déclaré férié.

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Avant de lui faire prêter serment, le président de la Cour suprême, Mamadou Sylla, a comparé la tâche du colonel Doumbouya au pilotage d’un navire « chargé de beaucoup d’événements douloureux, d’exigences nombreuses et d’attentes immenses et urgentes ». Il l’a aussi appelé à ne pas se laisser dérouter « par la force des vagues de la démagogie et la tempête du culte de la personnalité ».

Respect des engagements internationaux

Dans une allocution, le colonel a ensuite affirmé que son pays, important producteur de minerais, honorerait tous ses engagements internationaux.

« Je réaffirme ici l’engagement du Comité national du rassemblement pour le développement, au nom du peuple de Guinée, à respecter tous les engagements nationaux et internationaux auxquels le pays a souscrit. »

« Je voudrais ici réitérer mon engagement que ni moi, ni aucun membre du Comité national du rassemblement pour le développement et des organes de la transition ne sera candidat aux élections à venir », a-t-il aussi ajouté.

Après leur coup d’Etat, les militaires ont en effet dit avoir l’intention de rendre le pouvoir aux civils après des élections « libres » et démocratiques « à la fin d’une période de transition ». La junte entend ainsi élaborer une nouvelle Constitution et la soumettre à référendum. Elle veut aussi mener des réformes politiques et économiques « majeures », et restaurer la bonne gouvernance. Mais elle n’a toutefois jamais précisé combien de temps durerait cette transition.

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Cette durée sera fixée d’un « commun accord » entre la junte et les forces vives du pays, se contente d’indiquer la « charte » de la transition, sorte d’acte fondamental publié lundi. Le colonel Doumbouya n’en a rien dit de plus lors de sa prestation de serment, mais a encore précisé la mission de cette transition : « refondation de l’Etat », lutte contre la corruption, réforme du système électoral, refonte du fichier électoral et « réconciliation nationale ».

Gel des avoirs financiers des membres de la junte

Le colonel Doumbouya a conduit le troisième putsch en un an en Afrique de l’Ouest, après deux coups de force au Mali voisin. Cette prise de pouvoir s’est faite au prix d’un nombre indéterminé de vies humaines, les médias faisant, eux, état d’une dizaine ou d’une vingtaine de morts. La junte détient toujours, dans un lieu secret, l’ancien président guinéen Alpha Condé, âgé de 83 ans. Ce coup d’Etat s’inscrit dans l’histoire tourmentée d’un pays éprouvé, pauvre malgré de considérables richesses naturelles, dirigé pendant des décennies depuis l’indépendance par des régimes autoritaires ou dictatoriaux.

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Le coup de force a été largement condamné par la communauté internationale mais salué par des scènes de liesse parmi une population exaspérée par la pauvreté, la corruption et la répression des dernières années. Et les militaires disent être passés à l’action pour mettre fin à ces maux et rassembler des Guinéens divisés.

La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, inquiète de l’instabilité et d’un effet de contagion dans une région où un certain nombre d’Etats sont malmenés, a réclamé des élections présidentielles et législatives sous six mois. Elle a décidé de geler les avoirs financiers des membres de la junte et de leurs familles et de les interdire de voyage. Dans l’assistance vendredi, figuraient les ambassadeurs de Chine et de Russie et de pays africains, ainsi que le président de l’organe législatif de transition au Mali, le colonel Malick Diaw. Mais plusieurs pays occidentaux avaient limité leur présence à des diplomates de rang moindre.

Le colonel Doumbouya, nouvel homme fort en Guinée

Depuis son avènement, celui que les communiqués officiels appelaient déjà président de la République avant même son investiture a multiplié les propos rassurants à l’adresse des investisseurs et des partenaires étrangers de ce pays doté d’importantes ressources minérales et hydrologiques et de gisements considérables de bauxite, minerai entrant dans la fabrication de l’aluminium.

Il a notamment garanti le respect des contrats miniers et fait rouvrir toutes les frontières aériennes et terrestres. Il a aussi multiplié les actes symboliques en direction des Guinéens, faisant libérer, par exemple, des dizaines de personnes emprisonnées pour avoir pris part à la contestation anti-Condé.

La « charte » de la transition confirme le colonel Doumbouya comme le nouvel homme fort de la Guinée, « chef de l’Etat et chef suprême des armées », qui « détermine la politique de la Nation » et qui « peut prendre des ordonnances ». Le président nomme par décret le premier ministre de transition et peut le révoquer. La charte dispose aussi que le président ne pourra pas être candidat aux élections organisées à la fin de la transition.

Le Monde avec AFP

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