Chronique. A l’orée d’un nouveau confinement qui touche une grande partie de l’Europe, l’inquiétude monte du financement de son coût et du risque d’inflation que pourrait créer l’achat massif de dettes publiques par les banques centrales.

Comme le suggère le chef de l’Etat, c’est avec une guerre que le parallèle doit être fait. En France, la première guerre mondiale est le point de comparaison le plus pertinent. A la veille de la guerre, en 1914, le bilan de la Banque de France est d’environ 7 milliards de francs, soit environ 15 % du produit national brut (PNB). L’essentiel de l’actif est représenté par d’énormes réserves d’or et d’argent (presque 4 milliards) ; les crédits à l’Etat sont négligeables et les crédits à l’économie prennent la forme d’escompte et d’avances à court terme, comme le recommandent les théoriciens de la monnaie.

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A la fin de la guerre, la donne est totalement transformée : le bilan atteint 35 milliards, soit désormais près de 40 % du PNB (qui a augmenté en valeur nominale car les prix ont doublé, mais a reculé en valeur réelle), les crédits à l’Etat atteignent 22,5 milliards, les réserves métalliques ont paradoxalement augmenté, tandis que les crédits à l’économie ont peu augmenté, voire ont régressé en valeur réelle.

Effets inflationnistes

Dans les années suivantes, le maintien de déficits budgétaires conduit à une poursuite de l’accroissement du bilan et des crédits à l’Etat, malgré les inquiétudes de nombreux économistes et politiciens conservateurs sur leurs effets inflationnistes. L’inflation, en effet, porte peu à peu le niveau des prix à cinq fois celui d’avant-guerre, bouleversant une société habituée à leur stabilité. Le débat porte alors sur la source de l’inflation : déficits publics monétisés pour les adeptes d’une théorie quantitative de la monnaie (comme Charles Rist ou Jacques Rueff), ou au contraire déficit du compte courant et chute du taux de change qui accroît le coût des importations (comme le soulignent Albert Aftalion et John Maynard Keynes).

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Si les deux explications se cumulent sans doute, privilégier la première a des conséquences politiques considérables. La Banque de France fait pression sur le gouvernement pour la réduction du déficit budgétaire et le remboursement de ses avances : c’est la politique déflationniste que mène alors l’Angleterre sous l’influence de Montagu Norman, gouverneur et promoteur de l’indépendance de la Banque d’Angleterre. Quand la Banque de France est sollicitée par le Cartel des gauches, arrivé au pouvoir en 1924, pour soutenir son crédit, les réticences de certains de ses régents attisent la crise de change, d’autant qu’ils torpillent les projets d’impôt sur le capital.

 Le Monde