Le film « Tirailleurs » va sortir en salles mercredi 4 janvier 2023. Le réalisateur français Mathieu Vadepied y raconte, par l’intime, les destins broyés de tirailleurs sénégalais. L’occasion de mettre en lumière les revendications des descendants de ces anciens combattants qui demandent plus de reconnaissance.
Un tournage divisé entre le Sénégal et les Ardennes
Tourné en partie au Sénégal mais aussi dans les Ardennes, dans l’Est de la France, le long-métrage sort au Sénégal deux jours après sa sortie dans l’Hexagone. Il avait été présenté dans la Sélection officielle — mais hors compétition — du Festival de Cannes 2022.
Dix-sept ans plus tôt, au même endroit, un film sur des tirailleurs maghrébins durant la Seconde Guerre mondiale faisait sensation à Cannes : « Indigènes », de Rachid Bouchareb qui a valu au casting un prix d’interprétation collectif.
Cette fois, Mathieu Vadepied a centré son récit sur les seuls tirailleurs sénégalais avec, dans le rôle-titre, la star française Omar Sy. »Cette histoire lie les deux pays, le Sénégal et la France. C’est complètement mon histoire. C’est complètement aussi mon identité« , a-t-il déclaré fin décembre à Dakar lors d’une conférence de presse de présentation du film.
– Créé par Napoléon III en 1857 au Sénégal, d’où son nom, le corps d’infanterie des tirailleurs s’est élargi dans son recrutement à des hommes d’autres régions d’Afrique occidentale et centrale.
– Il s’agissait alors principalement de zones conquises par la France à la fin du XIXe siècle. Les tirailleurs furent plus de 200.000 à se battre lors de la Première Guerre mondiale, 150.000 pour la Seconde, 60.000 en Indochine.
– Historiquement, l’image du tirailleur est associée au massacre de Thiaroye, où des dizaines de soldats africains qui s’étaient révoltés pour réclamer des arriérés de solde furent tués par l’armée coloniale française le 1er décembre 1944.
« Pas là pour culpabiliser »
Au-delà de l’horreur de la guerre, Vadepied met au centre de son film la relation difficile d’un père et son fils. Face à Bakary qui veut juste ramener son garçon vivant chez lui, Thierno, galvanisé par l’ambition militaire et la découverte de la France, menace de lui échapper. Si « Tirailleurs » est d’abord le combat d’un père pour sauver son fils de la guerre, la portée politique de ce film est sans équivoque.
S’il se défend d’avoir fait un film « frontalement politique« , il espère qu’il permettra de nettoyer les « caries » du récit national. Et surtout, précise-t-il, « on ne fait pas comme si ça n’existait pas, on ne bouge pas sans. Ces histoires, il faut les raconter, les transmettre. Faut que tout le monde les connaisse« . »On n’est pas là pour faire culpabiliser, mais pour reconnaître des histoires douloureuses et s’en libérer« , assure Mathieu Vadepied.
Un film “essentiel”
« C’est complètement mon histoire. C’est complètement mon identité« , dit Omar Sy, également coproducteur du film. Lors de la présentation officielle du film à Dakar au Sénégal en décembre, il a invité ses amis, sa famille et l’équipe sénégalaise du long-métrage. Ce film, « c’est juste pouvoir rappeler et reconnaître ce que ces hommes ont apporté dans cette histoire. Notre génération en avait besoin« , insiste celui qui s’exprime dans le film en peul, sa langue maternelle.
« On est très heureux de montrer ça aux spectateurs sénégalais et de rendre hommage ici à tous ces soldats qui ont participé à ces guerres. Cette histoire entre la France et le Sénégal, et les autres pays d’Afrique, c’est une histoire lointaine et commune maintenant. On est ensemble« , abonde Mathieu Vadepied.
TV5