L’annonce du report de l’élection présidentielle devant mettre fin à la transition a suscité de vives réactions à Bamako. Certains partis politiques dénoncent une volonté de la junte de se maintenir au pouvoir.
Assimi Goïta au Forum économique Russie–Afrique à Saint- Pétersbourg, le 27 juillet 2023. © Stanislav Krasilnikov/TASS/Sipa
Le retour à l’ordre constitutionnel semblait enfin proche au Mali. Les réactions ne se sont donc pas fait attendre après l’annonce, lundi 25 septembre, du report de la présidentielle, initialement prévue en février 2024, et donc d’une énième prolongation de la transition. Ils sont pourtant guère nombreux à avoir été surpris quand la junte d’Assimi Goïta a annoncé un «< léger retard » dans les dates du scrutin censé marquer le retour des civils à la tête du pays.
En décembre 2021, le gouvernement avait déjà annoncé une prolongation de la transition avant de définir, après d’âpres discussions, un nouveau calendrier électoral avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. (Cedeao) s’étirant jusqu’à 2024.
Des raisons << peu convaincantes >>
<< L’objectif a toujours été de prolonger la transition »>, a déclaré sur X (anciennement Twitter) l’économiste Étienne. Fakaba Sissoko – emprisonné en 2022 pour ses positions critiques contre la junte au pouvoir, puis libéré, qui estime << guère convaincantes » les raisons avancées par le gouvernement pour justifier un tel report.
Au Mali, Assimi Goïta cherche–t–il (encore) à se maintenir au pouvoir ?
Comme lui, plusieurs acteurs politiques ont rejeté la décision prise par Assimi Goïta. Le parti Yelema de Moussal Mara, le Parena de Tiébilé Dramé, l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali, la Ligue démocratique pour le changement (LDC)… Beaucoup ont vivement réagi. La transition «< n’a que trop duré » avec de << graves conséquences sur une population déjà meurtrie », a estimé l’Appel du 20 février, réaffirmant son attachement au respect du calendrier électoral.
Attaques envers une entreprise française
Les raisons invoquées par la junte pour repousser la présidentielle ont, elles aussi, suscité des critiques. Le gouvernement a avancé des problèmes «< techniques » liés à l’adoption de la nouvelle Constitution et à la révision des
listes électorales, mais aussi un litige avec une société française, Idemia, qu’elle accuse de «< prise d’otage >> de données nécessaires à l’organisation de l’élection.
Une nouvelle attaque envers la France qui n’a pas convaincu tout le monde. Dans un communiqué, le parti Yelema a ainsi dénoncé « le manque d’anticipation » des autorités de transition, « l’incompétence de ses hommes, et leur refus d’honorer leurs engagements contractuels avec des partenaires censés produire des documents
électoraux ».
Mali : Assimi Goïta pourra se maintenir au pouvoir jusqu’en 2027
<< Le gouvernement de transition ouvre les voies à toutes les confusions et autres tumultes, et nous dirige vers de
nouvelles crises dans le pays », a de son côté affirmé
Mamadou Ismaïla Konaté, ancien ministre de la Justice, tandis que le Parena a déclaré « regretter qu’une telle décision ait été prise sans aucune concertation préalable avec les acteurs politiques et la société civile >>.
Nouvelles sanctions de la Cedeao?
Depuis plusieurs mois, la junte d’Assimi Goita pave la voie pour se maintenir au pouvoir. Après avoir fait adopter une nouvelle Constitution qui renforce les attributions du chef de l’État, le président de la transition a organisé, le 8 août, une rencontre avec certains partis politiques pour recueillir leurs avis – favorables – sur une éventuelle prolongation de
la transition.
Avec ce nouveau retard dans le calendrier électoral, la junte s’expose à de nouvelles sanctions de la Cedeao, lesquelles ont ces dernières années déjà durement éprouvé le Mali. L’organisation ouest–africaine, qui joue ce qui lui reste de crédibilité au Niger depuis le putsch du général Tiani, le 26 juillet, avait infligé de lourdes sanctions commerciales et financières à Bamako début 2022, avant de finalement les
lever au mois de juillet suivant quand les colonels avaient
consenti à quitter le pouvoir en mars 2024.
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La peur de nouvelles sanctions a récemment poussé une
figure proche de la junte, l’activiste Adama Ben Diarra, plus connu sous le surnom de « Ben le cerveau », à se prononcer
contre une prolongation de la transition. Une prise de parole publique qui lui a valu d’être récemment condamné à un an de prison ferme pour «< atteinte au crédit de l’État ».
Confrontées depuis le mois d’août à une reprise de la guerre avec l’ancienne rébellion indépendantiste dans le Nord, les autorités de transition- qui se sont félicitées, en juin, de la tenue du référendum constitutionnel sur tout le territoire – n’ont pas mentionné la dégradation de la situation sécuritaire quand elles ont annoncé le report de la
présidentielle. Celle–ci aurait pourtant été une << raison consensuelle suffisante pour un possible report des élections », regrettent certains partis.
JM source JA