15 mai 2024
Paris - France
AMERIQUE INTERNATIONAL

Poursuivre Donald Trump ou pas ? Le dilemme de Joe Biden

Si l’incitation à la violence et à la sédition était mercredi 6 janvier explicite de la part de Donald Trump, Joe Bien ne veut pas renoncer à son ambition d’apaiser le pays. Un choix, lui aussi, risqué.

Treize jours. Treize interminables jours, comme lors de la crise des missiles à Cuba en 1962. C’est le laps de temps qui nous sépare de l’investiture de Joe Biden. Et durant ces treize jours, après l’assaut porté contre le Capitole, la présence même de Donald Trump à la Maison-Blanche est une offense pour des millions d’Américains.

Procédure d’impeachment ?

Dès mercredi soir, ils étaient nombreux chez les démocrates à demander que soit immédiatement déclenchée la procédure d’impeachment. À commencer par le leader du groupe au Sénat, Chuck Schumer, et la brillante icône de l’aile gauche du parti, Alexandria Ocasio-Cortez. Car après avoir samedi dernier tenté d’intimider un officiel de Géorgie pour qu’il lui trouve les 11 000 électeurs manquants le 3 novembre, Trump a tout bonnement incité mercredi 6 janvier ses partisans à la sédition. Encourageant ses troupes à  marcher sur le Capitole ​, à  combattre ​.

Trump peut-il être poursuivi ? La matière ne manque pas. Mais une procédure d’impeachment, à laquelle il a déjà échappé durant son mandat, est quasiment impossible. Parce que le temps manque, et parce que les Républicains disposent encore de la majorité au Sénat. Peut-il est destitué, comme le prévoit le 25e amendement de la Constitution ? Pas davantage. Il faudrait pour cela que le vice-président le veuille et qu’une majorité du cabinet le soutienne dans cette voie. Les rumeurs, hier, disaient bien que le sujet aurait été évoqué par certains membres du cabinet, mais sans suite pour l’instant.

Le piège de la polarisation

Et après le 20 janvier ? On touche là au dilemme qui se pose à Joe Biden, qui a construit toute sa campagne sur la réconciliation de l’Amérique. La grande presse de la côte Est demandait hier une action contre Trump.  Le Président doit être tenu pour responsable – au travers de la procédure d’impeachment ou d’une enquête pénale – tout comme ses supporters qui ont déclenché les violences​, tonnait hier le New York Times dans son éditorial. Ce n’est pas seulement une attaque contre le résultat de l’élection, c’est un précédent. Un permis de répéter la contestation de futurs résultats électoraux ​. Le risque est d’autant plus grand que les groupes d’extrême droite à la manœuvre mercredi sont particulièrement actifs dans de nombreux États.

Un autre risque existe, cependant. Celui de creuser un peu plus les divisions déjà exacerbées de la société américaine. Joe Biden a fait de la réconciliation, de l’apaisement, la marque de toute sa campagne. Conscient du fait que face à un animal politique comme Trump, qui ne vit que du conflit, le ton rassembleur est la meilleure arme. Depuis le 3 novembre, Biden a conservé ce cap, ne haussant le ton que mercredi, et encore, de façon très modérée.
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Marge de manœuvre très étroite

Biden pourrait être tenté de garder sa ligne de modération. D’autant que, comme le souligne Nate Silver, un des meilleurs analystes de la scène américaine, « l’assaut de mercredi affaiblit le mouvement de contestation du résultat, et à plus long terme, le trumpisme ». Mais la marge pour unir le pays sans paraître faible est en réalité très étroite. Et les pressions pour empêcher que Trump puisse se représenter un jour augmentaient hier soir à la Chambre et au Sénat.

Reuters
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