Si des relations communes à Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo tentent toujours d‘organiser une rencontre entre les deux hommes, les lignes de fracture entre l‘ex–président ivoirien et son successeur ne cessent de s‘élargir.
L‘ancien président ivoirien Laurent Gbagbo lors de son retour à Abidjan le 17 juin 2021.
© Macline Hien/Reuters
De retour à Abidjan après six jours passés à Kinshasa, où il était venu assister au mariage du fils de l‘homme politique congolais Jean–Pierre Bemba, Laurent Gbagbo a profité de son séjour en RDC pour s‘entretenir en privé avec le président Félix Tshisekedi, également invité au mariage du fils de l‘ancien vice–président du
pays. Une rencontre qui a suscité la méfiance du premier cercle du chef d‘Etat ivoirien Alassane Ouattara, qui scrute de près l‘activisme de son prédécesseur depuis son retour à « Babi” le 17 juin. Si plusieurs amis communs des deux hommes continuent de multiplier les initiatives pour tenter d‘organiser une rencontre « historique » entre Gbagbo et Ouattara dans le cadre de la « réconciliation nationale« , aucun des deux ne s‘est montré disposé à ce jour à répondre favorablement à ces invitations.
Plusieurs sorties de l’ex–chef de l‘Etat ont en effet crispé la présidence ivoirienne, à l‘instar de l‘interview accordée à Laurent Gbagbo à France 24 le 29 juin. Durant l‘entretien, le fondateur du Front populaire ivoirien (FPI) a commenté l‘élection présidentielle de 2010 d’un lapidaire« il fallait écarter un homme gênant”, refusant au passage de reconnaître sa défaite. Une interview qui a été interprétée comme un geste de « provocation » par plusieurs proches du chef de l‘Etat ivoirien, qui s‘inquiètent par ailleurs que Laurent Gbagbo n‘ait jusqu‘à présent eu « aucun mot” en faveur de la réconciliation nationale, ni même des victimes des violences de 2010. En guise de rappel à l‘ordre, le gouvernement planche justement sur une indemnisation accrue des victimes du conflit et une meilleure prise en charge des blessés, par le biais d‘une augmentation de l‘enveloppe budgétaire spécialement dédiée.
Le camp Gbagbo impose son rythme
La présidence s‘est également formalisée de voir que le retour de Laurent Gbagbo, dont chaque détail avait été longuement négocié, ne s‘est pas déroulé comme prévu. Malgré la demi–dizaine de rencontres entre les émissaires de l‘ancien président et les autorités ivoiriennes – les 30 avril, 18 mai, 31 mai, 3 juin et 10 juin (en présence lors de cette dernière du premier ministre Patrick Achi); complétées par une séance de travail avec le DG de la police nationale Youssouf Kouyaté, le scénario négocié pied à pied n‘a pas été respecté.
Le camp Gbagbo est passé en force pour imposer la date du 17 juin et la présidence ivoirienne, qui avait mis à disposition le pavillon présidentiel de l‘aéroport international d‘Abidjan, n‘a pas eu le discours en faveur de la réconciliation nationale qu‘elle attendait en retour. Le cortège de Gbagbo a directement rejoint le siège du FPI de Cocody. Les projets politiques de Gbagbo, tout comme du FPI, sont depuis scrutés par la majorité présidentielle.
Une arrestation le 17 juin
De son côté, Laurent Gbagbo accumule les griefs contre son successeur et rumine toujours d‘avoir dû attendre plusieurs mois pour obtenir un passeport. Un épisode jusqu‘ici resté sous silence a tout particulièrement braqué l‘ex–chef d‘Etat et son premier cercle : l‘arrestation par la police le 17 juin d‘un jeune militant du FPI qui avait été chargé de porter les bagages de Laurent Gbagbo et de son épouse, Nady Bamba, depuis l‘A330 de Brussels Airlines jusqu‘à la résidence de cette dernière, à Abidjan. L‘arrestation de cet homme, présenté à un juge le 23 juin, a été interprétée comme une tentative d‘intimidation dans le camp de l‘ancien président.
Enfin, Gbagbo suit également avec attention les demandes de passeports formulées ces dernières semaines par plusieurs cadres du FPI en exil, à l‘instar d‘Ahoua Don Mello. Conseiller de Laurent Gbagbo, Ahoua Don Mello, installé à Conakry où il est conseiller spécial en charge des « grands travaux » d‘Alpha Condé, a demandé le 20 mai un passeport régulier ivoirien. Son dossier, déposé à l‘ambassade de Côte d‘Ivoire en Guinée, est à ce jour toujours en attente.
AI