18 mai 2024
Paris - France
AFRIQUE INTERNATIONAL

Mali : ce que l’on sait sur l’enlèvement du journaliste Olivier Dubois

REPORTAGE. Quel chemin a mené à la libération de Soumaïla Cissé et des autres otages ? Comment les autorités de la transition mais aussi l’émir du GSIM ont-ils conclu cette opération inédite ? Récit.

Une enquête préliminaire pour « enlèvement en bande organisée » et « en relation avec une entreprise terroriste » a été ouverte après l’enlèvement au Mali du journaliste français Olivier Dubois, a appris mercredi soir l’Agence France-Presse auprès du Parquet national antiterroriste (Pnat), confirmant une information du Monde. Cette enquête, classique lorsqu’un Français est enlevé à l’étranger, a été ouverte après la confirmation ce 5 mai de l’enlèvement de ce journaliste par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), survenu début avril.

Que sait-on à ce stade des circonstances de son enlèvement ? Dans quelles circonstances et quel contexte ? Quelques éléments de réponses pour mieux comprendre.

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Que faisait-il à Gao ?
Olivier Dubois, journaliste indépendant de 46 ans vivant et travaillant au Mali depuis 2015, a couvert la tourmente sécuritaire traversée par le pays sahélien pour différents médias, comme le site Le Point Afrique du magazine Le Point, et, depuis un an, le quotidien français Libération.

Dans la vidéo circulant sur les réseaux sociaux, il dit avoir été enlevé le 8 avril à Gao (Nord) par des éléments du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), nébuleuse djihadiste affiliée à Al-Qaïda.

Il s’était rendu de sa propre initiative à Gao en vue d’un entretien avec un commandant du GSIM, Abdallah Ag Albakaye, selon des informations recueillies par l’AFP auprès de différents interlocuteurs militaires et diplomatiques et du « fixeur » d’Olivier Dubois, l’un de ces locaux auxquels les journalistes font couramment appel dans les zones à risques pour les aider dans leur travail.

L’interview avait été arrangée avec le concours de ce « fixeur », seulement identifié comme Souleymane pour des raisons de sécurité. Avec son aide, le journaliste avait préalablement échangé par écrit avec Abdallah Ag Albakaye, commandant d’un groupe de djihadistes dans la zone de Talataye, à environ 150 kilomètres de Gao. Souleymane est originaire de cette même région.

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L’enlèvement
Olivier Dubois a rallié Gao depuis Bamako le 8 avril au matin par avion, grâce à la réouverture récente de lignes commerciales entre la capitale et plusieurs villes du Centre et du Nord. Il a déposé des affaires, comme son passeport et son téléphone, à l’hôtel où il avait une chambre réservée.

Il avait rendez-vous dans un appartement de Gao avec Abdallah Ag Albakaye. Souleymane a indiqué avoir accompagné le journaliste dans une rue de Gao où il l’a vu embarquer dans une voiture avec plusieurs hommes.

Le journaliste n’a plus été vu en public depuis. L’alerte a été donnée discrètement deux jours après, quand il ne s’est pas présenté à son vol de retour de Gao vers Bamako. La nouvelle de sa disparition, connue d’un certain nombre, a été tenue secrète, avec l’espoir d’un simple changement de programme, qui est allé s’amenuisant de jour en jour jusqu’à la diffusion de la vidéo dans la nuit de mardi à mercredi.

Souleymane, un infirmier, a été interrogé pendant plusieurs jours par les militaires de l’opération antidjihadiste française Barkhane qui dispose à Gao de sa principale base au Sahel. Puis il a été remis aux autorités maliennes. Conduit depuis à Bamako, il y est toujours entendu par la police, selon des sources sécuritaires maliennes.

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Le contexte
Plusieurs groupes armés sont établis dans la région de Gao. Certains ont signé un accord de paix avec le gouvernement en 2015. Mais d’autres, affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation État islamique, combattent les forces maliennes et étrangères et tout ce qui représente l’État.

Gao, principale ville du Nord, au nombre de celles temporairement prises en 2012 par les djihadistes, reste elle-même en proie à l’instabilité et à la criminalité.

Plus largement, ce sont de vastes territoires ruraux sur lesquels les djihadistes conservent la mainmise au Mali et au Sahel.

Les enlèvements y sont l’un des graves dangers encourus par les journalistes, locaux comme étrangers. De nombreuses régions sont désormais hors d’atteinte, sauf à prendre des risques considérables, notamment dans le Nord et le centre du Mali, le Nord et l’est du Burkina Faso et l’ouest du Niger.

De nombreuses ambassades, dont la française, déconseillent fortement la circulation de leurs ressortissants sur la quasi-totalité des territoires de ces trois pays.

À la mi-avril, deux journalistes espagnols ont été tués alors qu’ils effectuaient un reportage dans l’est du Burkina Faso. En 2013, deux journalistes français de Radio France Internationale (RFI) ont été tués dans le nord du Mali alors qu’ils étaient également en reportage.

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Le Point

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