CLIMAT La COP26, qui s’ouvrira dimanche à Glasgow, s’inscrit dans un climat de méfiance des pays du Sud à l’égard de ceux du Nord. Et qui commence avant même son ouverture par les difficultés que connaissent les représentants des pays du Sud pour pouvoir s’y rendre
- La COP26, conférence internationale organisée chaque année par les Nations unies, s’ouvrira dimanche à Glasgow et se tiendra jusqu’au 12 novembre.
- Inégal accès aux vaccins, aux tests, mais aussi incertitudes sur les durées de quarantaine… De nombreuses délégations et représentants de la société civile des pays du Sud peinent à pouvoir se rendre à Glasgow. Voire y ont renoncé.
- Des défections qui touchent à la légitimité même d’une COP et qui aggravent un peu plus la fracture entre les pays du Sud et pays du Nord. Fracture qui est déjà habituellement très forte sur les questions climatiques.
Les petits états insulaires du Pacifique, en première ligne du changement climatique, parviendront-ils à faire entendre leurs voix à la COP26 de Glasgow ? Treize d’entre eux ont confirmé qu’ils enverraient en Ecosse des membres du gouvernement ou autres responsables politiques, indiquait mercredi dernier le Guardian. Mais sept autres, soit un tiers du total, ont jeté l’éponge face aux difficultés engendrées par les restrictions de voyages liées au Covid-19. Ils se contenteront d’envoyer des membres de leurs bureaux de New York ou Bruxelles. Voire personne, comme l’assure pour son pays Ralph Regenvanu, député du Vanutu, dans les colonnes du quotidien britannique.
Ces défections confirment la crainte des ONG que cette COP26 n’offre pas des conditions équitables de participation et d’inclusivité entre les pays du Sud et du Nord. Au point que le Climate Action Network en avait demandé le report le 7 septembre dernier. Ce réseau de 1.500 ONG pointait l’accès inégal aux vaccins et aux tests pour les délégations, les incertitudes sur les conditions de quarantaine, mais aussi le coût exorbitant des logements à Glasgow *…
Même avec une liste rouge réduite à sept pays
Ce report a été refusé par la présidence britannique de la COP26, qui a tout de même annoncé dans la foulée des mesures pour favoriser la venue des représentants des pays du Sud. En promettant des vaccins gratuits aux délégués qui en feraient la demande, ou encore en réduisant progressivement la « liste rouge » de la circulation du Covid-19. Celle-ci oblige les ressortissants des pays y figurant, pour entrer en Grande-Bretagne, à s’isoler dix jours s’ils ne sont pas pleinement vaccinés et cinq jours s’ils le sont. De 67 pays début septembre – dont pléthore d’Etats africains –, cette liste n’en compte plus que sept aujourd’hui.
« Ces mesures sont arrivées trop tard pour permettre à bon nombre de délégations et observateurs de la société civile de s’organiser, regrette Aurore Mathieu, responsable politiques internationales au Réseau action climat (RAC). Et il reste ces sept pays « en rouge », tous en Amérique centrale et en Amérique du sud ** ». « Eux aussi en première ligne face au changement climatique », ajoute Myrto Tilianaki, chargée de plaidoyer CCFD-Terre Solidaire Pour qui cette liste rouge n’est de toute façon pas le seul problème. « De nombreux pays du Sud cherchent aussi à se prémunir du Covid-19 dont ils ont réussi à échapper jusque-là, et imposent à leurs délégations et ONG qui se rendent à la COP26 des quarantaines à leur retour », explique-t-elle. Jusqu’à un mois, au total, pour les ressortissants des îles Marshall, écrit le Guardian. « A ce jour, la moitié au moins des délégués africains n’ont pas la certitude de pouvoir se rendre en Ecosse », soulignait de son côté le Gabonais Tanguy Gahouma-Bekale, qui préside le groupe des négociateurs du continent, dans les colonnes du Monde le 11 octobre.
Un déséquilibre qui touche à l’essence même des COP ?
Pas rien. Car ce déséquilibre de représentativité touche à l’essence même d’une COP. « Même si on parle du climat partout, ces COP jouent toujours un rôle capital en tant qu’instance de convocation politique de haut niveau, explique Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Elles sont la garantie qu’il y a aura dans l’année, dans l’agenda international, au moins un focus thématique sur le climat, et que la participation y sera inclusive. » Non seulement les pays les moins avancés sont autour de la table des négociations, « mais ils y ont une autorité morale particulière, parce qu’ils sont les plus impactés par le changement climatique alors qu’ils y contribuent le moins », reprend Lola Vallejo. Une inclusivité au service de l’ambition ? « A la COP21 de Paris, en 2015, les Etats insulaires du Pacifique ont joué un rôle décisif dans l’adoption de l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C », illustre en tout cas Myrto Tilianaki.
Cette présence amoindrie des pays du Sud à Glasgow est aussi de nature à aggraver un peu plus le contexte particulier dans lequel s’ouvre cette COP26. « Celui d’un grand manque de confiance des pays du Sud à l’égard de ceux du Nord sur les enjeux de solidarité, analyse Sébastien Treyer, directeur exécutif de l’Iddri. Et plus largement des pays les plus vulnérables et les plus pauvres vis-à-vis des pays industrialisés, y compris les émergents [dont la Chine]. »
La promesse non tenue des 100 milliards de dollars
L’accaparement des vaccins contre le Covid-19 par les pays riches n’a fait qu’exacerber la fracture Nord-Sud, déjà très forte sur les questions climatiques. Dans le collimateur ? Les 100 milliards de dollars que les pays du Nord s’étaient engagés, à la COP15 de Copenhague de 2009, à mobiliser chaque année pour aider ceux du Sud à faire face au changement climatique, et dont on devrait de nouveau beaucoup parler à Glasgow. « A ce jour, la promesse est non tenue, pointe Aurore Mathieu. En 2019, ces aides, toutes cumulées, atteignaient 79 milliards, et on sait qu’on ne sera pas aux 100 milliards en 2021. »
Au-delà des montants, la responsable politique internationale du RAC souligne le manque de qualité de ces aides. « Une forte proportion est distribuée sous forme de prêts [70 % selon un rapport de l’OCDE publié mi-septembre] à des pays qui font déjà face à une forte croissance de leurs dettes, commence-t-elle. Une majorité va aussi à des projets de réduction des GES et bien moins à projets d’adaptation aux impacts déjà réels du changement climatique, quand l’accord de Paris sur le climat exige un équilibre entre les deux. » Aurore Mathieu y voit une mauvaise volonté des pays riches et industrialisés à prendre leurs responsabilités et à être solidaires, « ce dont les pays du Sud ne sont pas dupes ».
Une fracture qui pèsera sur la réussite de la COP26
Ces tensions devraient rejaillir sur d’autres points déterminants de la réussite ou non de cette COP26. L’un est de finaliser enfin le manuel d’application de l’Accord de Paris, dont plusieurs volets posent toujours problème. C’est le cas de l’article 6, qui prévoit un système d’échange de droits d’émissions de gaz à effet de serre entre des Etats qui en émettent trop et ceux qui en émettent moins. En clair : cet article vise à donner un cadre réglementaire à un futur marché carbone entre Etats.
Myrto Tilianaki y voit un exemple typique de l’accaparement des pays riches de l’agenda des négociations au service de leurs intérêts. « Au départ, cet article parle de coopérations internationales et pas de marchés carbone, insiste-t-elle. Plusieurs pays du Sud, dont la Bolivie, demandent qu’on creuse d’autres mécanismes non-marchands, ce qui a été très peu fait jusque-là. » Pas sûr qu’ils soient entendus à Glasgow. Encore moins, donc s’ils se présentent en effectif réduit.
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