Dette, PME, agriculture... Retour sur cinq idées développées par le financier franco ivoirien lors d‘une conférence le 6 juillet, pour aider l’Afrique à repartir sur les chemins de la croissance.
La rencontre était organisée à l‘Institut français des relations internationales (Ifri), à Paris, le 6 juillet, devant un cercle restreint d‘auditeurs issus essentiellement du milieu de la finance panafricaine, parmi lesquels l‘ancien Premier ministre du Bénin, Lionel Zinsou, ou encore Mehdi Tazi, le directeur général de Sanlam Maroc (anciennement Saham Assurance Maroc). En invité : Tidjane Thiam, l‘ex–directeur général de la banque helvète Credit Suisse et ancien ministre ivoirien.
Face à une assistance venue l‘écouter à l‘occasion d‘une conférence sur l‘impact du contexte macroéconomique sur les marchés émergents, le financier a développé quelques conseils, alors que le monde traverse une période économique compliquée.
Réduire le recours à la dette
« L‘Afrique doit revoir son raisonnement et cesser de s‘endetter à ce point », a d‘abord expliqué Tidjane Thiam, précisant que les pays du continent pourraient davantage miser sur les fonds propres (equity) et « les réinvestir » pour générer des gains. « L‘Inde, par exemple, a fondé sa croissance sur des fonds propres. Il faut mobiliser les recettes domestiques, et pour cela, il existe plusieurs façons de créer de la valeur », renchérit–il.
Faut–il alléger la dette africaine ? Les analyses de Tidjane Thiam, Kako Nubukpo et DSK
Les principaux créanciers de l‘Afrique étant des investisseurs privés, le dirigeant du SPAC (un véhicule d‘investissement spécialisé) Freedom Acquisition I Corp ajoute qu‘un moratoire ou une annulation de la dette aura pour conséquence de jouer négativement sur l‘appréciation des agences de notation, et de réduire ainsi l‘accès des économies africaines aux marchés internationaux.
Encourager les PME
Se décrivant comme un « fanatique des PME », Tidjane Thiam a poursuivi sur ce créneau. Il considère en effet que l‘entrepreneuriat est la clé du développement et le premier pôle d‘attractivité en Afrique. « Aucune entreprise n‘investirait dans un pays si les entrepreneurs locaux n‘y ont pas eux–mêmes réussi : ils sont le miroir de l‘économie », a–t-il déclaré.
PME africaines : il y a une meilleure façon de les financer
Selon ses dires, même si le rôle des États est primordial, celui des entrepreneurs apparaît encore plus important. « Ils sont la première étape d‘un cercle vertueux. Toutes les multinationales ont d‘abord été des PME. De Microsoft, aux États–Unis, à We Chat, en Chine, et Renault en France, avec les deux frères qui ont commencé dans un petit atelier à Boulogne, il faut bien commencer quelque part. Et nous avons besoin de cela en Afrique », a–t–il dit, reprenant une idée qu‘il a précédemment développée en tant que Grand Invité de l‘économie RFI/Jeune Afrique, en décembre.
Miser sur l‘agriculture, l’éducation...
L‘un des grands avantages comparatifs de l’Afrique réside en ses nombreuses terres cultivables. D‘après la Banque mondiale (BM), le continent compte près de 600 millions d‘hectares de terres arables non cultivées, soit 60% de la surface mondiale totale. Or, selon les Nations unies, en 2050, l‘Afrique sera le continent le plus peuplé avec presque 3 milliards d‘habitants. Sur ce sujet, Tidjane Thiam avance qu‘elle « a les capacités et le devoir d‘agir ». Et d‘ajouter qu‘à ce jour, le continent ne souffre pas que d‘un problème de production, « mais aussi de stockage et de distribution ».
Agriculture africaine : produire plus... pour importer mieux ?
Un deuxième secteur de grande importance : l‘éducation. « Je n‘ai jamais vu un pays réussir économiquement sans investir dans l‘éducation. Sans éducation, la jeunesse africaine est une bombe à retardement », a tenu à souligner l‘administrateur du groupe Kering.
Accueillir la concurrence
Pour le financier, la libre–concurrence est une condition sine qua non à toute réussite économique. « Je crois avec ferveur que la compétition est nécessaire : elle crée l‘émulation et offre différents choix aux consommateurs. »
Défenseur de la loi du marché, Tidjane Thiam voit l‘implantation de multinationales étrangères en Afrique, comme une opportunité. « L‘Afrique a toujours été une terre d‘accueil pour les investisseurs étrangers. Aujourd‘hui, de plus en plus d‘acteurs s‘intéressent au continent, notamment les Chinois, qui s‘y implantent et ceuvrent à l‘industrialisation de l‘Afrique. »
Bataille de marchés : à l’assaut de l‘hinterland africain
Ne pas tomber dans le piège du protectionnisme
Pendant la pandémie de Covid–19, nombre de pays se sont repliés sur eux–mêmes, bon gré mal
gré. « Les conséquences du protectionnisme économique sont délétères », juge Tidjane Thiam, « surtout en Afrique, qui dépend fortement de l‘extérieur ». Alors qu‘il considère que l‘heure est toujours à la mondialisation, il a également manifesté son opposition à la limitation de certaines exportations, au moment où les pénuries et l‘inflation augmentent.
JA (CM)