I. L’attente d’un souffle nouveau
Le peuple sénégalais attendait une parole forte, un cap clair, une orientation politique à la hauteur des espoirs portés par la nouvelle ère du changement.
La déclaration du Premier ministre Ousmane Sonko devait être un moment de vérité, un acte de gouvernance lucide et courageux.
Mais hélas, cette prise de parole, tant espérée, s’est révélée creuse, sans relief, sans ambition apparente pour répondre aux urgences qui étouffent le quotidien des Sénégalais.
L’histoire retiendra non pas les mots prononcés, mais le vide qu’ils ont laissé.
II. Une parole attendue sur des urgences multiples
Car les urgences sont là, pressantes, brûlantes.
L’urgence sociale, d’abord : celle des familles qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts, des jeunes qui errent sans emploi, des mères de famille qui affrontent la vie avec dignité malgré la précarité.
L’urgence économique, ensuite : celle d’une économie qui peine à redémarrer, d’entreprises asphyxiées par la fiscalité et le manque de visibilité, de producteurs laissés sans appui dans un contexte mondial incertain.
Et enfin, l’urgence sanitaire, toujours criante : des hôpitaux qui manquent de moyens, des structures de santé dépassées, un système de couverture médicale universelle qui ne couvre plus vraiment.
Sur tous ces fronts, le pays attendait un signal fort, un engagement concret, un plan d’action audacieux.
Mais au lieu de cela, la parole gouvernementale s’est perdue dans le verbe, sans substance, sans vision.
III. Une déconnexion inquiétante
La parole politique n’est pas un exercice de communication, c’est un acte de responsabilité.
Elle doit inspirer, rassurer et orienter.
Mais quand elle devient évasive, elle traduit une déconnexion inquiétante entre les dirigeants et les réalités du peuple.
Le Premier ministre, censé incarner la rigueur de l’action publique, semble avoir manqué cette occasion de redonner confiance.
Les Sénégalais ne veulent plus de promesses, ils veulent des résultats : des emplois pour les jeunes, des prix accessibles pour les denrées, un système éducatif réformé, un accès équitable à la santé.
Le changement ne se décrète pas, il se construit chaque jour, dans la cohérence et la proximité.
IV. Le risque d’une désillusion précoce
Lorsque le verbe se vide de sens, la déception grandit.
Et la désillusion devient politique.
Ce gouvernement, porté par une promesse de rupture, risque de perdre rapidement sa crédibilité s’il ne replace pas les urgences nationales au cœur de son action.
La jeunesse, moteur du projet de transformation, ne se nourrit pas de discours.
Elle veut voir, toucher, sentir le changement dans sa vie quotidienne.
Et chaque silence sur les questions essentielles — emploi, santé, éducation, pouvoir d’achat — creuse le fossé entre la parole et la réalité.
V. Pour une gouvernance de proximité et de vérité
Loin de toute polémique, il faut le dire avec franchise : gouverner, ce n’est pas occuper l’espace médiatique, c’est occuper le terrain social.
Les Sénégalais ne demandent pas l’impossible.
Ils demandent des dirigeants qui parlent vrai, qui assument, qui écoutent, qui agissent.
Il est temps que la parole politique redevienne un outil de construction et non de diversion.
Il est temps que la vision du Premier ministre se traduise en politiques concrètes, mesurables et inclusives.
Le peuple n’attend pas des slogans : il attend des solutions.
Le courage d’affronter le réel
Ousmane Sonko avait su incarner l’espoir, la résistance et la fierté.
Mais aujourd’hui, l’histoire exige de lui autre chose : le courage de la gouvernance, la lucidité de l’action et la proximité avec les citoyens.
Face à la gravité des enjeux sociaux, économiques et sanitaires, les discours sans cap deviennent des fautes politiques.
Le Sénégal mérite mieux qu’un monologue sans vision.
Il mérite un leadership d’action, ancré dans la réalité, fidèle à la promesse de transformation.
Car comme le disait Frantz Fanon : « Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. »
ce tournant, le Premier ministre a encore le choix : remplir la mission du changement ou trahir l’espérance du peuple.
Expert en développement international,
Écrivain et acteur de l’économie sociale et solidaire
