16 mai 2024
Paris - France
AFRIQUE INTERNATIONAL

A Madagascar, le fromage se démocratise

Dans l’un des pays les plus pauvres du monde, l’industrie fromagère demeure une niche. Mais bleu, raclette et autres tomes séduisent les palais de la classe moyenne.

LETTRE DE MADAGASCAR

« Plus ça pue, mieux c’est ! », plaisante Sam Mimouni, en tendant sa fourme d’Ambert artisanale. La croûte grise, la pâte blanche et humide où affleurent les moisissures, la texture fondante : voici la copie parfaite de la spécialité auvergnate, l’appellation d’origine protégée (AOP) en moins. Sauf que Sam n’habite pas dans le centre de la France mais à Madagascar, dans la ville d’Antsirabe, à 172 km au sud de la capitale, Antananarivo.

Au comptoir des Hautes Terres, sa boutique-fromagerie située dans l’une des artères principales de la ville, le Français confectionne avec passion vingt-cinq variétés différentes de fromage depuis près de vingt ans. « Ici, on fait les fromages classiques, poursuit-il, et j’en crée aussi avec des ingrédients typiquement malgaches. » Croûte lavée à la bière locale, cœur de caviar séché – local lui aussi –, baies roses et poivre sauvage : de quoi réinventer la spécialité laitière.

Culture fromagère

Ce n’est pas un hasard si l’une des anciennes plus grandes colonies françaises détient un tel savoir-faire, entre mimétisme et affranchissement. Dans la région du Vakinankaratra, où se trouve Antsirabe, bastion laitier situé au centre de la Grande Ile, l’industrie fromagère date de l’époque coloniale, lorsque les missions norvégiennes, catholiques et protestantes ont importé les premières vaches laitières, ainsi que leur maîtrise technique, de la pasteurisation à l’affinage.

Désormais, si les fromageries qui ont pignon sur rue et fabriquent les variétés occidentales classiques sont généralement françaises, celles qui sont installées dans les campagnes – soit la majorité – sont tenues par des Malgaches. Le pays produit 120 millions de litres de lait à l’année. Une quantité infinitésimale comparée à la Bretagne et ses 5 milliards de litres par an. Mais assez pour qu’une culture fromagère existe et se transmette, aussi paradoxal que cela puisse sembler.

Car Madagascar fait partie des cinq nations les plus pauvres au monde et 75 % de ses habitants vivent avec moins de 2 dollars (1,70 euro) par jour. A quelque 2 000 kilomètres d’Antsirabe, à l’extrême sud du pays, la population se meurt du manque d’eau et connaît l’une des pires famines de son histoire.

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Dans ce contexte, se délecter d’un bleu ou d’un camembert bien fait ne figure pas dans les priorités alimentaires nationales. D’autant qu’un kilo de fromage sorti d’une laiterie artisanale est vendu en moyenne 10 euros, selon des chiffres datant de 2017. Qui peut donc rêver d’une fondue locale lorsque les premiers frimas tombent sur les hauts plateaux ?

 Le Monde AFP 

 

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