Nous sommes aujourd’hui le 18 février 2021, un jour qui rappelle un autre jour, historique celui- là, le 18 février 1992. Il y a donc 29 ans.
Ce jour-là, à la suite d’une marche du FPI et des démocrates ivoiriens, Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo ainsi que plusieurs cadres du FPI sont arrêtés alors qu’ils protestaient contre la décision du président Houphouët-Boigny de ne pas pas sanctionner les responsables d’une descente musclée de militaires dans une cité universitaire. Laurent Gbagbo échappe à un assassinat grâce à des gendarmes qui, en s’interposant promptement, ont permis que se poursuive la marche d’un homme qui portait les espoirs de liberté du peuple de Côte d’Ivoire. Le président Laurent Gbagbo raconte : » Des militaires sont arrivés. Ils m’ont encerclé. Il y en a un qui a sorti son pistolet automatique qu’il a pointé vers moi. Je l’ai regardé avec beaucoup de détachement et de pitié. Seigneur, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. Sur ce, est arrivé un groupe de gendarmes qui a bousculé les militaires, m’a encerclé et m’a protégé. Ils m’ont extrait du sous-sol pour me conduire au commandement supérieur de la gendarmerie qui n’était pas loin. Les militaires aboyaient, hurlaient ‘’ tuez le ! Tuez-le ! On veut le tuer !. Quand je les regardais hurler, je me disais : » c’est comme cela que sont morts Lumumba et Ben Barka. » C’était ma seule pensée ». Hommage donc à ces gendarmes.
Michel Gbagbo, le fils de Laurent Gbagbo, qui était allé voir ses parents au camp de gendarmerie d’Agban où ils étaient détenus, sera lui aussi arrêté.
En ce jour du souvenir, nous voudrions rendre hommage à tous ces combattants de la liberté qui avaient risqué leurs vies pour protester contre l’impunité, une prime à la violence donnée par le président Houphouët-Boigny au responsable de la FIRPAC, cette unité d’élite de la gendarmerie, le colonel Faisan Bi, mais surtout au Chef d’Etat-Major le Général Robert Guéï qui avait autorisé cette descente musclée à la Cité Universitaire de Yopougon où des étudiants avaient été sérieusement rudoyés, des filles violées, et même certains d’entre eux, défenestrés.
Mais notre hommage ne s’arrêtera pas à ceux qui ont été arrêtés ce jour-là et qui seront jetés en prison. Nous voudrions aussi rendre hommage à ceux qui avaient échappé aux arrestations et à la prison, au professeur Abou Drahamane Sangaré, à Emile Boga Doudou, et à d’autres encore.
Après ces arrestations et ces condamnations, des démarches furent discrètement entreprises pour demander aux dirigeants du FPI dont Sangaré Abou Drahamane assurait l’intérim de Laurent Gbagbo, de solliciter la clémence du président Houphouët-Boigny. Ce fut un non catégorique.
La clémence, c’était le mot consacré quand on voulait bénéficier du pardon du président Houphouet-Boigny. On assistait alors à un défilé de tous les corps politiques et socio-professionnels. Le pays profond , avec les chefs traditionnels, n’était pas en reste. Son image de chef tolérant et son autorité étaient ainsi reconnues et célébrées. Cela lui permettait aussi dans certains cas de se tirer politiquement d’affaire sans trop de dégâts, et ici, la pression commençait à être forte.
Mais pourquoi le FPI avait-il donc refusé de demander la clémence du président Houphouët-Boigny ?
D’abord, parce que la raison de la manifestation était largement fondée.
Ensuite, parce que cette manifestation n’était pas interdite. Elle était même autorisée.
Enfin, le FPI avait refusé de demander une quelconque clémence pour ne pas décevoir tous ces ivoiriens qui avaient pris des risques en répondant à son appel à manifester, et dont certains avaient été blessés.
Quand on a mobilisé des gens pour mener un combat juste, pour protester contre la barbarie et réclamer la justice, même si l’adversaire a usé de la force brutale pour disperser la manifestation, ce n’est pas une raison pour prendre définitivement acte de la situation imposée par cet adversaire, et encore moins une raison pour inviter ceux qui nous ont fait confiance à coopérer désormais avec lui parce qu’il serait trop fort.
Sangaré Aboudrahmane, Emile Boga Doudou, et tous ceux qui travaillaient avec eux, sont restés fermes jusqu’à la libération de tous les prisonniers politiques en août 1992, soit cinq mois seulement après leur condamnation en mars 1992, alors qu’ils avaient été condamnés pour certains à deux ans de prison. Cette fermeté a donc permis au Front Populaire Ivoirien de garder et de renforcer la confiance que les démocrates ivoiriens avaient en lui.
Le 18 février 1992, et ce qu’il s’est passé après, nous enseigne donc que la victoire de la force n’est pas définitive, si on ne baisse pas les bras.
Avec
Alexis Bayoro Gnagno
Excellence Zadi Vacka
Traoré Mamadou
Marie Dutheuil
Joseph Titi
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