OPINION. Alors qu’au Cabo Delgado, la guerre entre l’armée et les rebelles est de plus en plus violente, ce chercheur préconise de ne pas céder à la facilité : invoquer “le terrorisme islamiste”. Car si le gouvernement dénonce bien une insurrection soutenue par le groupe terroriste État islamique, la réalité est plus complexe. Explications du New Frame.
En 2017, quand le soulèvement a commencé au Cabo Delgado, la province la plus au nord du Mozambique, les insurgés ont utilisé les seules armes dont ils disposaient : leurs machettes. Et ils ont décapité les notables locaux, qu’ils accusaient de s’être alliés aux dirigeants du Frelimo, le Front de libération du Mozambique [mouvement au pouvoir depuis l’indépendance], pour piller les ressources en minerais de la région.
Il y a quarante ans, une autre guerre civile ravageait le pays, et, durant ce conflit, la Résistance nationale du Mozambique [Renamo, opposée au Frelimo] avait commis des atrocités, faisant par exemple brûler vifs des civils dans des bus. Mais la Renamo avait été formée par l’armée de l’apartheid, dont bien des membres appartenaient à l’Église réformée néerlandaise, laquelle soutenait fermement le régime raciste sud-africain. Or, bien que les instructeurs militaires sud-africains aient été persuadés d’œuvrer au nom de Dieu en défendant le pouvoir blanc, et si abominables qu’aient été les atrocités perpétrées par la Renamo, jamais leurs auteurs n’ont été traités de “terroristes chrétiens”. Alors que nous nous obstinons à présenter les insurgés du Cabo Delgado comme des “terroristes islamistes”.
Le parti pris des mots
Les mots ont leur importance, ils définissent la façon que nous avons de considérer les guerres civiles. Nous cherchons à affubler l’opposition d’une appellation qui la lie à l’ennemi mondial actuel. La Renamo prétendait lutter contre le “communisme planétaire” afin de ne pas être accusée de soutenir le pouvoir blanc. Aujourd’hui, le gouvernement mozambicain dit se battre contre des “islamistes mondiaux”,tandis qu’il protège une élite qui refuse de partager avec les populations locales les richesses tirées de l’exploitation des gisements de rubis, de minerais et de gaz. Et ainsi les noms façonnent-ils l’image que l’on a de la guerre.
Le 16 mars, Save the Children Mozambique a émis un communiqué de presse au sujet d’enfants “assassinés par des hommes armés” – en veillant à ne pas attribuer d’étiquette aux insurgés. Mais la plupart des articles rédigés à partir de ce communiqué ont eux choisi de les décrire comme des islamistes et ont avancé l’existence d’un lien avec l’État islamique (EI). Toutes les guerres civiles sont le théâtre de brutalités et de cruautés. Le 2 mars, Amnesty International a accusé les insurgés d’avoir perpétré des crimes de guerre et des “violences monstrueuses”. L’organisation, comme d’autres, utilise le nom que l’on donne sur place aux insurgés, Al-Chabab, qui signifie simplement “les jeunes”, sans aucun lien avec d’autres Al-Chabab [qui est aussi un mouvement insurgé actif en Somalie].
Amnesty International a par ailleurs souligné qu’“Al-Chabab [était] principalement un groupe armé de la région qui se bat pour des questions locales, une insurrection provoquée par les maigres investissements consentis par le gouvernement dans cette province à majorité musulmane. Le groupe se sert de l’idéologie djihadiste comme d’un instrument d’organisation. Si les idées islamistes se développent depuis des décennies dans le Cabo Delgado,
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