23 avril 2025
Paris - France
CULTURE

Qui était Charles N’Tchoréré, ce soldat noir tombé pour la France ?

Christian Eboulé vient de recevoir le prix Afrique du roman historique pour son premier roman sur ce capitaine exécuté par les nazis : « Le Testament de Charles ».

e capitaine Charles Ntchongwè va mourir dans cette petite ville de la Somme qu’il défendait avec ses hommes en ce mois de juin 1940. Exécuté par les nazis. Dans cette attente tragique, imagine Christian Eboulé, le héros et narrateur du Testament de Charles (Les lettres Mouchetées) remonte le cours de sa vie qui commence au Gabon, marquée par son engagement au service de la France, dans la Première puis la Seconde Guerre mondiale. Qu’il s’agisse de sa relation avec la figure tutélaire du grand-père, avec l’armée, avec ses enfants, ou encore de celle qu’il aura avec une femme française, et tant d’autres thèmes abordés en finesse, le parcours de cet homme est d’une richesse impressionnante, aussi bien sur un plan historique que personnel. Et remarquablement écrit par celui que l’on connaît comme journaliste à TV5 Monde. Il nous explique comment le capitaine est arrivé jusqu’à lui, et son propre trajet jusqu’à l’aboutissement de ce livre qui vient de recevoir au salon du livre africain de Paris le prix Afrique du roman historique par l’ADELF. Entretien.

Le Point : Comment avez-vous « rencontré » Charles N’Tchoréré ?

Christian Éboulé :C’est en 2009, grâce à de jeunes Gabonais, que j’ai entendu parler pour la première fois du capitaine Charles N’Tchoréré. Dans la foulée, mon ami Éric Deroo, éminent spécialiste des troupes coloniales françaises, me confirme l’importance de ce personnage pour l’histoire franco-africaine et même mondiale. Très vite, il me confie un incunable, l’unique biographie qui existe encore aujourd’hui sur le capitaine N’Tchoréré (Charles N’Tchoréré, Louis Bigmann, Les Nouvelles Éditions africaines, 1983), puis il m’aide à faire mes premières recherches dans les archives militaires. Et c’est à Fréjus, où le capitaine est arrivé en 1921, quelques mois seulement après avoir quitté le Gabon, que j’ai trouvé un article évoquant l’existence de la Fondation capitaine Charles N’Tchoréré, présidée encore aujourd’hui par son neveu, Marcel Robert Tchoréré. L’année suivante, en 2010, je me suis rendu à Libreville, où Marcel m’a confié la mission de faire vivre la mémoire de son oncle.

Qu’est-ce qui vous a touché particulièrement dans le parcours de cet homme ? Son engagement ? L’injustice ? Son combat contre la ségrégation ? Son rapport à son grand-père ?

Pour moi qui suis né à l’hôpital protestant de Ndoungué, au fin fond du département du Moungo, sur le littoral camerounais, en découvrant la trajectoire du capitaine Charles N’Tchoréré, j’avais le sentiment de lire mon histoire. Comme lui, j’ai été percuté par la ségrégation raciale à Moscou, en 1988, dans l’ex-URSS. Comme lui, j’ai fait toutes mes études primaires dans une institution catholique. Comme lui, j’étais écartelé entre le catholicisme de mes maîtres, le protestantisme parental, l’attachement à mon socle ancestral et l’aspiration à la modernité occidentale.

Des pans entiers de la vie du capitaine Charles N’Tchoréré sont totalement méconnus.

Pourquoi la forme romanesque ? Et quelles sont les situations qui sont entièrement fictionnelles ?

Le processus qui a abouti à la publication de ce roman a été une longue chaîne dont je ne suis que le maillon le plus visible. Mon épouse Catherine Eboulé et mon ami l’écrivain et réalisateur guadeloupéen Franck Salin en constituent les premiers anneaux. Et c’est pour m’aider à toucher le plus grand nombre que mon confrère Mohammed Aissaoui m’a encouragé à passer de la biographie au roman. Ensuite, des aînés en littérature, Léonora Miano d’abord, et Eugène Ébodé ensuite, tous deux Camerounais du reste, m’ont aidé à entrer en littérature et à gravir ce mont Kilimandjaro. En réalité, tout est fiction dans ce roman inspiré de la vie du capitaine Charles N’Tchoréré. Ce dernier a en effet fait les deux guerres mondiales, la Première dans son Gabon natal, et la Seconde en France, où il a été assassiné par les nazis, le 7 juin 1940, à Airaines, dans le département de la Somme. La scène, par exemple, de ce meurtre perpétré sur un prisonnier de guerre, en violation des conventions de Genève, n’existe nulle part dans les archives, pour le moment en tout cas, sauf dans mon imagination. Les archives allemandes parleront peut-être un jour. Mais pour le moment, des pans entiers de la vie du capitaine Charles N’Tchoréré sont totalement méconnus. Il m’a donc fallu reconstituer sa vie à partir de ses archives personnelles, remises à la Fondation au début des années 2000 par la famille Brouël – qui l’avait « adopté » dès leur première rencontre en 1926, à Montauban –, et du fruit de mes propres recherches en France, au Gabon, au Sénégal, en Italie, en Allemagne…

Charles N’Tchoréré, ce héros de la Seconde Guerre mondiale venu du Gabon

Comment le livre a-t-il été accueilli au Cameroun ? Est-il publié sur place ?

C’est grâce à mon agent littéraire, Raphaël Thierry, que les droits français de ce livre ont été rachetés pour une dizaine de pays d’Afrique francophone, par les éditions Afredit, que dirige actuellement Arthur Pango et qui sont basées à Yaoundé, au Cameroun. Je viens d’y passer quinze jours absolument fantastiques. L’accueil enthousiaste du public et des médias a dépassé toutes mes attentes et même celles de mon éditeur local. La rentrée littéraire des éditions Afredit, avec comme publication phare Le Testament de Charles, a été un tel succès que je n’ai pas pu honorer toutes les invitations que j’ai reçues. D’ailleurs, la semaine prochaine, je serai à Libreville, au Gabon, où l’Institut français organise une conférence-débat le 21 mars, à 14 h 30. Le même jour, à 19 heures, les étudiants du département de l’université Omar-Bongo, sous la houlette de leur professeur, Franckline Okourou Ntsame, nous offrirons une pièce de théâtre inspirée de mon roman. Et dans les semaines qui viennent, je participerai au SIEL, à Rabat, en avril, puis au SILA, à Abidjan en mai prochain.

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