« Mon ami et condisciple Arba DIALLO, Ministre des Affaires Etrangères du Burkina Faso était venu me voir à l’hôtel Silmandé de Ouagadougou avec son ami d’enfance Monsieur Alassane OUATTARA, Vice-Gouverneur, Administrateur de la Haute Volta à la BCEAO à Dakar.
« Alassane OUATTARA, me dit-il est mon ami d’enfance, nous avons fréquenté de la 6eme à la terminale le Lycée Kaboré Zinda et nous avions, après le BAC, bénéficié des 2 bourses octroyées par le gouvernement américain au gouvernement voltaïque pour aller poursuivre nos études dans les universités américaines. J’ai été son témoin de mariage. Nous sommes des amis de très longue date.
Il a un problème avec le Président SANKARA et chaque fois que j’aborde ce problème avec lui, il se fâche, si bien que je n’ai jamais pu lui expliquer tous les éléments de cette affaire qui affecte énormément mon ami Alassane.
SANKARA t’apprécie énormément depuis nos rencontres à mon domicile en 1970. Vous alliez souvent ensemble dans les boîtes de nuit. Tu es le seul ami en qui il a confiance en Côte d’Ivoire dans ce contexte difficile que connaissent les relations entre les deux pays.
Comme tu le rencontres demain à 8 heures, nous t’avons apporté son dossier pour que tu lui expliques tous les éléments qu’il contient.
Alassane avait bénéficié d’un prêt à la BCEAO pour construire sa maison de retraite dans son pays. Les conditions de ce prêt sont contenues dans ce dossier que voici. Les loyers de sa villa louée à une agence des Nations-Unies à Ouagadougou lui permettaient de rembourser les prêts octroyés par la BCEAO. Donc ce n’est pas de l’argent volé qui a permis de construire sa villa, mais un prêt de notre institution commune la BCEAO. Il est un très haut cadre de cette institution et doit par conséquent y être un modèle, un exemple.
Il a bénéficié, comme tous les hauts cadres de cette institution, d’un prêt pour construire leur maison dans leur pays. Demande donc au Président SANKARA au vu des éléments objectifs contenus dans ce dossier de faire débloquer les fonds des loyers de sa maison afin qu’il puisse honorer ses engagements financiers auprès de la BCEAO.
Voici l’objet de notre visite et nous comptons vraiment sur toi pour nous aider à résoudre ce problème ».
Je feuilletai rapidement le dossier qui contenait le montant du prêt ainsi que les modalités de remboursement du prêt. Ce dossier est clair en mon sens et j’en parlerai à Thomas SANKARA après le règlement du contentieux qui a assombri les relations entre nos deux pays après des échanges assez musclés sur les ondes par des responsables de nos deux pays.
Après 3 heures d’échanges, les choses rentrèrent dans l’ordre et Thomas SANKARA donna l’ordre de libérer immédiatement 35 Douaniers ivoiriens dirigés par Monsieur PAHA POKO, Douanier à la retraite, anciennement en service à la Brigade de Recherche et de Subdivision des Douanes à Bouaké (tél :04496603).
Ces Douaniers avaient été arrêtés par les Gardiens de la Révolution à la frontière de nos deux pays. Ils étaient habillés en civil et étaient à la poursuite de contrebandiers voltaïques qui prenaient des marchandises détaxées en Côte d’Ivoire, les déchargeant du train dès l’arrêt à la première station après la frontière pour les recharger sur le premier train en provenance de Ouagadougou, et revenir les revendre en Côte d’Ivoire au prix fort.
Dieu merci tous les malentendus furent levés et Thomas SANKARA m’exprima tout le respect qu’il avait pour le Président HOUPHOUET-BOIGNY dont le plus grand admirateur au Burkina Faso était son père, un actif militant du RDA en Haute Volta depuis la création de ce parti.
Il me demanda d’exprimer tous ses regrets au Président
HOUPHOUET-BOIGNY pour les propos discourtois tenus sur les ondes par des responsables de la révolution. Ce sont des jeunes enthousiastes qui viennent de faire leurs entrées dans une révolution. Ils sont certes enthousiastes, parfois incontrôlables et parlent à tort et à raison sans instruction de leur hiérarchie. Ce sont des fautes à corriger au fur et à mesure que les institutions appropriées seront mises en place avec des vrais responsables rompus à la gestion de l’Etat. Nous avons trinqué avec des verres remplis de « dolo » liqueur de mil pour sceller l’amitié retrouvée.
C’est dans cette euphorie que je sortis de mon cartable, le dossier Alassane OUATTARA.
A l’évocation de ce nom, Sankara me dit « Ne me parle pas de cet individu » !
Je lui dis, « Il faut qu’on en parle car c’est un problème qui touche notre région et plus précisément la BCEAO dont les ressources sont sous la responsabilité de la Côte d’Ivoire qui doit veiller sur la saine gestion des finances de cette institution à travers le Gouverneur Ivoirien FADIGA ».
« Ton ami, notre ami commun Arba DIALLO sait que personne ne peut plus prononcer devant moi le nom d’Alassane OUATTARA !
Thomas Sankara s’emporta : « C’est un traitre ! Un traitre non seulement à l’égard de son pays le Burkina Faso mais également un traitre vis-à-vis de toute l’Afrique !
Alassane OUATTARA est le prototype d’Africain que nos anciens colonisateurs ont disséminé sur la scène internationale pour travailler en leur faveur contre les intérêts de notre continent !
Aujourd’hui, avec le tapage sur la soi-disant lutte pour les droits de l’homme et la prolifération des ONG qui travaillent pour leurs maitres, nous sommes contraints de tenir compte de cette réalité.
A mon for intérieur, j’aurais souhaité faire fusiller publiquement Alassane OUATTARA dans la cour centrale du grand marché de Ouagadougou et ceci à une heure de grand rassemblement !
Cette mise en scène pour une telle exécution devrait être un exemple pour éradiquer cette mauvaise graine du type Alassane OUATTARA qui pullule dans nos Etats Africains !
Alassane OUATTARA est un ingrat, sans scrupule, un imposteur, dénué de tout sentiment pour le peuple burkinabè !
Il n’éprouve aucun patriotisme ni à l’égard de son pays, ni à l’égard de l’Afrique !
Il est tout simplement un bon et loyal serviteur pour ses maîtres qui nous ont colonisé. Comme notre génération, Alassane avait bénéficié d’une bourse d’études de la sixième à la terminale au Lycée Kaboré Zinda. Cette bourse est le sacrifice du peuple du Burkina Faso qui, sous le soleil, la chaleur, creuse le sol sec avec un couteau pour planter le sorgho, le mil dont la commercialisation de ces produits nous sert de recette pour offrir des bourses à nos jeunes comme lui !
Quel égoïsme, quelle ingratitude !
J’ai appelé tous nos compatriotes qui occupent des hautes fonctions dans des institutions internationales afin qu’ils viennent m’apporter leur expertise pour résoudre l’épineux problème du développement qui est le défi de notre continent.
C’était un sacrifice pour nous tous d’exprimer ainsi à notre peuple, notre reconnaissance pour les sacrifices qu’il avait fait pour nous en nous accordant des bourses qui nous ont permis d’étudier dans les meilleurs établissements et acquérir des diplômes qui nous permettent d’exercer des hautes fonctions au sein de nombreuses institutions internationales. En effet nos conditions matérielles de tous les serviteurs de l’Etat ne peuvent pas être comparables à celles des autres Etats plus nantis que nous. Nous devrions tous, à commencer par moi-même, le premier à renoncer à beaucoup des avantages de mes prédécesseurs.
Les Ministres et autres grands commis de l’Etat doivent également faire des sacrifices par rapport à ceux de leurs prédécesseurs dans les régimes précédents.
Le train de vie de l’Etat doit s’adapter à la réalité économique présente de l’Etat. La plus belle fille ne peut donner que ce qu’elle a !
Nous devons réussir à bannir le gaspillage, vivre en conformité avec nos moyens et rompre avec les habitudes criminelles des régimes précédents !
Tous ceux que j’avais identifié et contacté pour rejoindre mon gouvernement n’ont eu aucune objection sauf Alassane OUATTARA qui devait occuper le poste de Ministre de l’Economie et des Finances. En effet les conditions de vie, les multiples avantages matériels à l’extérieur n’ont rien de comparable avec ceux de notre pays. Alassane est uniquement un matérialiste qui ne cherche qu’à vivre dans le confort et le luxe à Washington, à Dakar !
C’est un être dangereux, un valet de l’impérialisme, un pion de ses maîtres à l’extérieur pour exploiter nos pays !
Il est un danger, une vermine qui ne mérite qu’une seule chose : l’élimination en Afrique de ce type d’individu pour ne pas contaminer les jeunes qui risquent demain de vendre notre pays et même notre continent au profit des puissances extérieures à notre région.
Alassane est un danger, le prototype d’une race de personnages africains qu’il faut éradiquer de l’Afrique ! »
Le camarade Président SANKARA me fit alors le développement ci-après sur le sieur Alassane OUATTARA enregistré dans le minuscule appareil que je remis au Président à mon retour à Abidjan !
Voici intégralement recopiée l’analyse que fit le Président SANKARA sur Monsieur Alassane OUATTARA.
J’avais été informé par un membre du Cabinet qu’il avait obtenu un rendez-vous de Alassane OUATTARA et le Président Thomas Sankara il y a une semaine. Alassane était à la Présidence à l’heure convenue.
On l’avait installé dans la salle d’attente. Après des heures passées dans la salle, le Président fit dire qu’il était occupé et le verra plus tard sans aucune précision !
Après sa longue tirade faite avec une certaine rage sur Monsieur Alassane OUATTARA, je lui dis : Monsieur Alassane OUATTARA n’a pas construit sa maison louée par l’UNICEF avec de l’argent volé.
C’est de l’argent de la BCEAO.
Permettez donc qu’il puisse disposer des loyers de sa villa pour rembourser les crédits de la BCEAO.
« Je vais revoir cette situation » me répondit Sankara
Je ferai rapport de cette affaire au Président HOUPHOUET-BOIGNY qui est toujours intéressé par tous les problèmes de la BCEAO.
Après l’heureux dénouement dans les relations entre nos deux Etats et cela après 3 heures de discussion, je dis au Président SANKARA: « Tu es le petit frère du Doyen HOUPHOUET-BOIGNY, appelons-le donc pour que tu lui dises bonjour et je suis sûr qu’il appréciera cela de ta part. Il a un faible pour ton pays et très attaché à de nombreuses familles qui l’avaient soutenu pour être élu à l’époque comme Député de la Haute Côte d’Ivoire : les Ouézzin COULIBALY, Maurice YAMEOGO, Gérard OUEDRAOGO, Joseph KI ZERBO etc…
Bien sûr ce ne sont pas des révolutionnaires de ton bord mais ils sont tous des portraits dans l’histoire de ton pays ».
« Ok ! appelle-le, on va le saluer ensemble ».
J’appelai le Président HOUPHOUET-BOIGNY. Il resta 25 minutes au téléphone avec son homologue SANKARA.
Assistait à cette audience, S.E. Léandre BASSOLE, dernier Représentant Permanent de la Haute Volta aux Nations-Unies, puis Premier Représentant Permanent du Burkina Faso aux Nations-Unies, puis Ministre des Affaires Etrangères du Président Thomas SANKARA, et actuel Président du Haut Conseil pour la
Réconciliation Nationale (HCRUN) »
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