9 décembre 2024
Paris - France
AFRIQUE

Soudan du Sud : tirs nourris à la résidence de l’ex-chef des renseignements

Au Soudan du Sud, une guerre sans fin
Au Soudan du Sud, des milliards sont dépensés pour le maintien de la paix et les autorités se veulent optimistes. Mais la réalité est plus sombre : dans le plus jeune État de la planète, la loi et l’ordre s’étendent rarement au-delà de la capitale.

Les inondations ont affecté 1,4 million de personnes au total. L’ONU met en garde contre une recrudescence du paludisme dans plusieurs régionUne fusillade a eu lieu jeudi à Juba, capitale du Soudan du Sud, à la résidence du puissant ex-chef des services de renseignements récemment limogé, selon une source militaire, des médias faisant état d’une tentative d’arrestation.

Les coups de feu ont selon un journaliste de l’AFP commencé vers 19H00 (1700 GMT) et duré environ une heure près de l’aéroport de Juba, capitale de ce pays miné au niveau politique par les luttes de pouvoir, la corruption et les conflits ethniques locaux. « Il y a eu une fusillade à la résidence de l’ancien chef de l’espionnage » Kola Koror, a déclaré Nul Ruai Kong, porte-parole militaire des Forces de défense du peuple sud-soudanais (PDF), à la radio de la mission de maintien de la paix et de sécurité au Soudan du Sud de l’ONU (Minus).

« Cela impliquait nos propres forces de sécurité qui avaient été déployées là-bas pour assurer une sécurité supplémentaire« , a-t-il ajouté. « Nous ne savons pas ce qui s’est passé et ce malentendu a dégénéré en coups de feu » et « deux militaires ont été blessés par balle« , a-t-il poursuivi. « Puis nous nous sommes précipités sur les lieux (…) et avons été en mesure de contenir la situation en leur ordonnant de cesser ».

Des soldats lèvent le poing lors du 34e anniversaire de l'Armée populaire de libération du Soudan, en présence du président Salva Kiir à Juba, 18 mai 2017. AP / Samir Bol

Le Soudan du Sud reporte de deux ans les élections marquant la fin de la transition

Le président du Soudan du Sud Salva Kiir a limogé en octobre le puissant chef des services de renseignement (NSS) Akol Koor, en poste depuis l’indépendance du pays en 2011 et qu’il nommé au poste de gouverneur de l’Etat instable du Warrap. Aucune raison n’avait été donnée pour ce transfert.Cette décision était intervenue quelques semaines après l’annonce par le gouvernement d’un nouveau report de deux ans des premières élections de l’histoire du pays, prévues en décembre. Deux ans après son indépendance, le Soudan du Sud a plongé en 2013 dans une guerre civile meurtrière opposant les rivaux Salva Kiir et Riek Machar, faisant 400.000 morts et des millions de déplacés.

« Le Soudan du Sud demeure sensiblement pacifique » : ces quelques mots du gouvernement figurent sur une fiche d’information distribuée aux visiteurs et à la presse en février 2023 pour la visite historique du pape François dans le pays. Las, lors de son premier jour à Juba, la capitale sud-soudanaise, alors que le souverain pontife saluait la foule de fidèles, des fosses communes étaient creusées à seulement 100 kilomètres pour 27 civils tombés sous les coups d’armes automatiques.

Car quelques années après la fin, en 2018, d’une guerre civile qui a fait environ 380 000 victimes, les violences armées continuent d’ensanglanter ce pays riche en pétrole mais où la majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté.

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Le président Salva Kiir et son rival Riek Machar ont formé un gouvernement de transition et sont tombés d’accord pour unir leurs forces en une seule armée afin de protéger la population qui a connu ces dernières décennies la guerre et les catastrophes climatiques. Mais ces intentions sont restées lettres mortes et les violences se poursuivent, en toute impunité.

Selon des experts spécialistes des droits humains, les pires atrocités observées entre 2013 et 2018 durant la guerre civile, comme l’esclavage sexuel ou les famines orchestrées, n’ont pas cessé. « Au niveau de la violence dans le pays, nous ne constatons aucune amélioration », a déclaré aux journalistes Barney Afako, un expert des droits humains de l’ONU, après sa visite au Soudan du Sud en février. « Juba est plus sûr, mais nous sommes préoccupés par ce qu’il se passe en dehors », s’est-il inquiété.

« Ceux qui suggèrent que la guerre civile du Soudan du Sud est terminée ont tort »

En février, la mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss) a averti que des groupes armés étaient à nouveau actifs dans la région du Haut-Nil, où l’artillerie a pilonné des villages lors d’offensives majeures impliquant des milliers de soldats. À Jonglei et dans le Grand Pibor, des jeunes lourdement armés ont kidnappé des femmes et des enfants lors de raids sanglants. Des dizaines de milliers de personnes ont fui dans des bases de l’ONU, aggravant ce qui est déjà la pire crise de réfugiés en Afrique.

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« Ceux qui suggèrent que la guerre civile est terminée ont tort », a déclaré ce mois-ci à l’AFP Ken Scott, ancien commissaire aux droits humains de l’ONU sur le Soudan du Sud et consultant pour Global Rights Compliance, un cabinet d’avocats demandant à La Haye d’enquêter sur des hauts responsables pour de possibles crimes de guerre.

Durant sa visite, le pape avait aussi déploré le « manque persistant de sécurité » et les promesses de paix « non tenues » dans le pays. « Des années de guerre et de conflit semblent ne jamais finir », avait-il déclaré.

Une accalmie grâce aux accords de paix

Ce n’est pas le récit que les autorités aiment entendre. Le chef de l’État a affirmé au pape que la présence de Riek Machar comme vice-président était la preuve que l’accord de paix tenait. En février, les deux dirigeants ont personnellement assuré aux millions de personnes qui ont fui la guerre qu’ils pouvaient rentrer chez eux en toute sécurité.

Selon les experts, les combats à grande échelle entre les forces du président et du vice-président se sont toutefois calmés depuis l’accord de paix. Les affrontements sont souvent décrits comme « intercommunautaires » – des violences sur fond de griefs ethniques ou locaux, détachées de la politique nationale.

« Lancez une fléchette sur une carte du Soudan du Sud et vous trouverez un conflit qui a une dynamique politique ou des moteurs politiques », nuance un chercheur basé à Juba qui a requis l’anonymat. « L’accord de paix n’a pas mis fin à cela », poursuit-il.

Des constats contradictoires de l’ONU

Les critiques disent que la Minuss dresse un tableau parfois contradictoire de la situation. En novembre, elle s’était ainsi dite « encouragée » par la baisse du nombre de victimes civiles. Mais deux mois plus tôt, elle avait affirmé que des forces armées soutenues par le gouvernement avaient brûlé vif des personnes et violé collectivement un enfant à mort.

« J’ai du mal à comprendre qu’ils reconnaissent cela noir sur blanc, puis qu’ils se félicitent d’une réduction de la violence », note le chercheur qui a requis l’anonymat. Interrogée, la Minuss n’a pas donné suite aux sollicitations de l’AFP.

La mission de l’ONU a signalé en février que les violences avaient fortement cru fin 2022 en raison du conflit dans l’État du Haut-Nil, et a accusé les responsables locaux d’y être directement impliqués. Avec un budget d’environ 1,2 milliard de dollars par an, la Minuss est l’une des missions les plus coûteuses au monde.

« Ce que la communauté internationale veut dire quand elle affirme qu’il y a la paix, c’est qu’il n’y a pas de guerre à Juba », résume Joshua Craze, un écrivain qui travaille sur le Soudan du Sud depuis une décennie.

Avec AFP

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