23 avril 2025
Paris - France
EUROPE

Quand les femmes mahoraises utilisaient les chatouilles comme arme pour demander le maintien de Mayotte en France

Un documentaire diffusé sur France 5 revient sur le combat des « chatouilleuses » dans les années 1960 et 1970.

« Vous êtes contents d’être en France ! Si ce n’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde ! » Ces mots ont été lâchés par Emmanuel Macron, le 20 décembre 2024, lors de sa visite à Mayotte(Nouvelle fenêtre), six jours après le passage dévastateur du cyclone Chido sur l’archipel. Cette réponse du chef de l’Etat à des Mahorais, qui lui faisaient part de leur colère, de leur désespoir comme de leur impatience, lui a valu un déluge de critiques. En elle résonnait aussi l’histoire de ce territoire de l’océan Indien. Un passé sur lequel revient le documentaire intitulé Mayotte, le choix de rester français, réalisé par Philippe Tourancheau et écrit par Fabrice d’Almeida, diffusé dimanche 23 février à 22h40 sur France 5. Le film revient sur la volonté farouche de ses habitants de rester français. Un combat notamment mené dans les années 1960 et 1970 par un groupe de femmes militantes, surnommé « les chatouilleuses »(Nouvelle fenêtre).

Un désir d’appartenir à la France

Mayotte, qui fait partie de l’archipel des Comores, devient officiellement une colonie française en 1843(Nouvelle fenêtre), après avoir été vendue à la France par un sultan malgache en 1841. A la fin du XIXe siècle, le protectorat français s’étend également aux Comores. En 1946, l’ensemble de l’archipel accède au statut de territoire d’outre-mer avec pour chef-lieu Dzaoudzi. Mais après un référendum organisé en 1958 par le général De Gaulle, soumettant à l’ensemble des colonies la possibilité d’accéder à l’indépendance, le siège du gouvernement territorial est transférée à Moroni, capitale des Comores. Ses dirigeants obtiennent alors une autonomie interne renforcée auprès des autorités françaises.

Cette décision du gouvernement français est un choc pour Mayotte qui voit son sort scellé par le désir d’indépendance de son voisin comorien. La même année, quatre élus mahorais de l’Assemblée territoriale déposent une motion réclamant la départementalisation de leur île, une manière de se démarquer des autorités comoriennes et d’exprimer avec force leur désir d’appartenir à la France. En 1966, les femmes mahoraises s’engagent dans le combat et fustigent l’autorité territoriale comorienne considérée, selon elles, comme la principale responsable de l’état d’abandon dans lequel se trouve l’île.

« Les femmes, on ne pouvait pas les corrompre. Elles n’étaient pas fonctionnaires, on ne pouvait pas les acheter. »

Charles Novou, militant des mouvements populaires mahorais

dans le documentaire

A la tête du mouvement insurrectionnel féminin qui sera à l’origine du plus grand mouvement politique de Mayotte : Zéna M’Déré(Nouvelle fenêtre)« On l’appelle ‘la mère de Mayotte’, raconte Estelle Youssouffa, députée mahoraise. Une figure tutélaire extrêmement importante parce que c’était une femme instruite (…) qui avait de la voix, ce qui est important, car nous sommes une tradition orale. Elle s’imposait aux élus en leur rappelant leurs engagements. »

 Une manière de protester pacifiquement

Ces femmes, que l’on appelle « Sorodas », ce qui signifie soldat, se refusent à utiliser la violence pour se faire entendre. « Personne ne nous a appris à nous battre, explique Salama Alloui, ancienne membre du mouvement(Nouvelle fenêtre). Nous l’avons fait, car nous vivions dans une période où l’on nous faisait souffrir. C’était notre seul moyen de survie, notre seul moyen de subsistance. » Ces militantesoptent pour une arme pour le moins singulière pour lutter et interpeller les responsables comoriens en visite à Mayotte : les chatouilles.

« Les chatouilleuses faisaient subir ces supplices, c’est-à-dire de chatouiller les ennemis de Mayotte française au lieu de les bastonner, les chatouiller physiquement jusqu’à ce qu’ils meurent, en quelque sorte, de rire. »

Charles Novou, militant du Mouvement populaire mahorais

dans le documentaire

Cette façon de manifester son mécontentement et de faire entendre son désir de rester français, afin de forcer les politiques comoriens à s’aligner sur leurs positions ou à quitter l’île, accompagne les actions du Mouvement populaire mahorais, dirigé par Marcel Henry(Nouvelle fenêtre). A force de pression, un référendum pour l’autodétermination des Comores a lieu le 22 décembre 1974. Le résultat, île par île, confirme le souhait de Mayotte de rester attachée à la République française, à une majorité de 63,8% des suffrages exprimés, contre 94,6% voix en faveur de l’indépendance dans les trois autres îles comoriennes.

« Cette consultation a été le premier acte de reconnaissance de Mayotte française, car ça nous a permis de nous exprimer en nous distinguant des Comoriens », se remémore Charles Novou. Mais, pour les instances internationales, seul le résultat du référendum pour l’ensemble des Comores compte, ce qui fait le jeu des autorités comoriennes qui proclament unilatéralement l’indépendance de tout l’archipel sans l’accord des élus mahorais le 6 juillet 1975. La France organise alors à nouveau deux consultations à Mayotte en 1976 : 99,4% des électeurs votent pour le maintien de Mayotte au sein de la République française. Mayotte devient à l’époque une collectivité territoriale, puis une collectivité départementale en 2001. Et c’est en 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, que ce petit archipel deviendra le 101e département français.

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