Un document confidentiel de la diplomatie française révèle que la Cour pénale internationale a demandé en avril 2011 de garder prisonnier le président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. Seulement à cette époque, il n’existait ni mandat d’arrêt ni enquête de la CPI. Révélations sur une opération aux airs de Françafrique.
Le 11 avril 2011, à Abidjan (Côte d’Ivoire), une trentaine de chars français se positionne devant les ruines fumantes de la résidence officielle du chef de l’État, bombardée par des hélicoptères français. Laurent Gbagbo se trouve à l’intérieur, avec plus d’une centaine de personnes. Des combattants armés au service de son adversaire politique, Alassane Ouattara, pénètrent dans ce qui reste du bâtiment, grâce à une brèche ouverte dans le mur d’enceinte par l’un des blindés français. Gbagbo se présente à eux : il est désormais leur prisonnier.
Mediapart révèle des preuves d’un montage du procès de Laurent Gbagbo devant la CPI
Conflits d’intérêts, mélange des genre, rémunérations cachées… François Bonnet et Fabrice Arfi ont révélé les pratiques douteuses de la Cour pénale internationale dans une enquête explosive tout juste diffusée par Mediapart. Principale cible visée par cette série, intitulée « Les Secrets de la Cour », conçue en collaboration avec huit autres médias internationaux membres de l’European Investigative Collaborations : l’ancien procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo.
L’Argentin, qui avait particulièrement soigné son image d’incorruptible lorsqu’il était à la tête de la Cour entre 2003 et 2012, voit celle-ci sensiblement écornée. En l’espace de quelques années, le pourchasseur de Mouammar Kadhafi s’est transformé en « consultant juridique » du milliardaire libyen politisé Hassan Tatanaki, accrochant des casseroles judiciaires et suscitant des sanctions diplomatiques. Luis Moreno Ocampo aurait bénéficié de juteuses rétributions de la part de certains acteurs politiques libyens. Selon Mediapart, il détiendrait aussi des comptes et des sociétés dans des paradis fiscaux au Panama ou encore aux îles Vierges et nuirait depuis son départ à la confidentialité des dossiers.
Le nom du procureur apparaît également dans le procès de l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo. Le site accuse la Cour de “montage” et affirme détenir les preuves. Médiapart exhibe ainsi dans son article un courriel envoyé à des responsables français du ministère des Affaires étrangères dans lequel il est demandé de maintenir Laurent Gbagbo en prison sur ordre de Luis Moreno-Ocampo (procureur de la CPI à l’époque). Ce courrier a été envoyé le jour de l’arrestation de l’ancien président ivoirien par les hommes d’Alassane Ouattara alors même que la Cour n’avait pas été saisie par la Côte d’Ivoire.
Le mail demandait de faire pression pour le garder en prison le temps qu’un pays africain demande son transfert à la CPI.
Le journal Afrique de TV5 MONDE recevait ce jeudi 5 octobre 2017 Fabrice Arfi, responsable des enquêtes à Mediapart, qui accuse la CPI dans le « dossier Gbagbo » : « On voit que la justice internationale, qui se doit d’être indépendante et impartiale, était en quelque sorte l’instrument juridique, le bras armé judiciaire consentant d’une opération qui a des airs de Françafrique ».
L’enquête après l’enquête
Les allégations publiées par les médias ont contribué à l’ouverture d’une enquête juridique contre deux membres du bureau du procureur de la Cour pénale internationale.
« J’ai rendu compte des allégations concernant deux membres de mon bureau au Mécanisme de contrôle indépendant (MCI) dont dispose la Cour dans son cadre juridique. Le MCI a indiqué que cette affaire ferait l’objet d’une enquête complète », a déclaré Fatou Bensouda, l’actuel procureur de la CPI, successeur de Luis Moreno Ocampo.
L’ouverture de cette enquête fait suite à de « récentes allégations publiées dans les médias quant au comportement répréhensible de l’ancien procureur et de certains membres anciens et actuels du bureau », a-t-elle poursuivi, sans toutefois préciser la nature de ces allégations « fâcheuses ».
« En ma qualité de procureur, l’inquiétude me gagne et je prends ces allégations très au sérieux », a affirmé Fatou Bensouda, tout en appelant à « s’abstenir de toute spéculation » et à « respecter la procédure ».
Depuis vendredi dernier, des articles parus dans certains médias visent l’ancien procureur de la CPI en se fondant « sur 40.000 documents, y compris des courriels privés » et s’intéressent à des « transactions financières privées » de M. Ocampo selon la Cour, qui dit « ne pas être au fait » de cela.
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