Tidjane Thiam a beau tenir fermement les rênes du PDCI, les ambitions de Jean–Louis Billon n’en sont pas moins intactes. Vont–ils se disputer l’investiture du parti pour la présidentielle de 2025 ?
Depuis décembre 2023, date à laquelle Tidjane Thiam a été élu à la tête du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), les sourdes tensions qui opposent le nouveau dirigeant à Jean–Louis Billon ne cessent de croître. L’ancien ministre du Commerce se positionne en effet chaque jour un peu plus dans la perspective de la présidentielle de 2025. Ses partisans affirment – sans plus de précisions – qu‘«< il dispose de soutiens importants >>. S’il n’est pas désigné comme le candidat de sa formation politique claquera–t–il la porte pour faire cavalier seul ?<<< Ne comptez pas sur lui pour diviser le parti, dit un proche. Jean–Louis Billon est au PDCI et il y restera >>>.
De son côté, et les obsèques d’Henri Konan Bédié étant terminées, Tidjane Thiam consolide son pouvoir et renforce sa mainmise sur le parti. Le 14 juin, il a été élevé à la dignité de grand maître de l’Ordre du Bélier, ce qui lui confère le privilège exclusif de présider aux destinées du PDCI. Une distinction qu’avant lui seuls Félix
Houphouët–Boigny et Henri Konan Bédié avaient reçue.
Fronde anti–Thiam ?
Le 22 juin, Tidjane Thiam a entamé une tournée du pays, à partir de la ville de Soubré. Objectif: rencontrer les militants et, plus largement, convaincre les Ivoiriens de le rejoindre. Il souhaite que la refonte des listes électorales. aboutisse et que le nombre des électeurs inscrits passe de 8 à 12 millions (sur une population de 30 millions d’habitants).
Jean–Louis Billon ne baisse pas les armes pour autant. Au contraire, il communique à tout–va, et son portrait s’étale
sur des affiches quasi électorales, qui ont été diffusées au début de juin, quelques jours seulement après
l’inhumation du Sphinx de Daoukro. << Pour tout
candidat, il est parfaitement normal de s’activer à
l’approche de la convention du parti », justifie l’un de ses alliés, qui réfute l’idée d’une fronde anti–Thiam.
Officiellement, le PDCI est décrit comme un parti démocratique, au sein duquel les ambitions personnelles
s’expriment librement. «Jean–Louis Billon peut être candidat, ce sont les militants qui choisiront», commente l’un de ses membres.
Si les proches de Thiam ne prennent pas les aspirations de Billon très au sérieux, les sorties médiatiques de l’ex- ministre du Commerce ne les font pas moins grincer des
dents. <<Je confirme ma détermination à maintenir ma candidature à l’élection de 2025. Mon engagement envers vous et notre vision pour un avenir meilleur restent intacts. Ensemble, construisons un avenir plus fort et plus inclusif pour notre communauté, » a ainsi déclaré l’intéressé. «<< Quand on est membre d’un parti, on a un chef. Dire que, quelle que soit la situation, on est prêt à prendre son héritage, ce n’est pas la bonne formule», persifle Soumaïla Bredoumy, porte–parole du PDCI.
Le bras de fer qui oppose Thiam à Billon ravive les
crispations au sein d’un parti déjà marqué par des luttes intestines et sur lequel l’ombre d’Henri Konan Bédié, disparu en août 2023, continue de planer. «< Bédié avait su
maintenir un certain équilibre, confie un ancien cadre. Aujourd’hui, le PDCI risque de s’enfermer dans une guerre des chefs qui le fragiliserait durablement >>. << Le problème n’est pas Jean–Louis Billon, note un autre responsable. Dans nombre de délégations, des conflits
subsistent, qui mettent à mal le travail entamé par le président [Thiam]. »
Et si cela faisait le jeu du RHDP ?
Ces divisions internes ont poussé Tidjane Thiam à
prendre ses premières sanctions. Il a ainsi démis Me Zehouri Paul–Arnaud Bertin de son poste de haut représentant du district du Goh–Djiboua (nommé il y a à peine trois mois, le notaire était à couteaux tirés avec certains délégués de la région), et l’a remplacé par Bagrou Goli Simon, le maire de Diegonéfla. D’autres frictions sont également apparues à Cocody, entre Jean–Marc Yacé et Yapo Calice, l’un des vice–présidents du PDCI.
En coulisses, des médiations sont en cours. Car ces rivalités font le jeu du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti au pouvoir. Certains cadres historiques du PDCI, comme Romain Porquet, qui fut le directeur du protocole de Bédié, relativisent. << Il n’y a pas de guéguerre entre Thiam et Billon, précise–t–il. Il faut toujours avoir un plan A et un plan B. Si Thiam ne pouvait pas se présenter
et était éliminé, comment ferait–on ? >>
Entre Alassane Ouattara et Tidjane Thiam, coulisses d’un premier rendez–vous
Pour un membre du bureau politique, « la candidature de Billon est légitime, car il a toujours fait partie de la maison et a toujours exprimé cette volonté. Mais ce sera très difficile, car Thiam tient l’appareil du parti. De plus, la dynamique qui l’a porté à sa tête ne s’est pas essoufflée. Difficile ne veut cependant pas dire impossible. Si la clause de résidence [était] réactivée pour invalider [la
candidature de] Thiam, Jean–Louis Billon [devrait se tenir] prêt. >>
En avril 2002, six mois après son retour d’exil, Henri Konan Bédié avait dû affronter Laurent Dona Fologo (qui était son secrétaire général depuis dix ans) et Lamine
Fadika, un contre–amiral à la retraite. En 2013, c’est Alphonse Djédjé Mady, alors secrétaire général, qui s’était présenté contre le Sphinx de Daoukro. Ce n’est pas donné, la première fois dans l’histoire du parti que celui qui le dirige est ainsi défié. Le PDCI s’en est toujours relevé.
Jean Moliere source: JA
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