L’ancien ministre du Commerce est décidé, coûte que coûte, à briguer l’investiture du PDCI à la présidentielle d’octobre 2025. Dans les sphères politiques et économiques, il s’appuie sur d’influents soutiens.
Dans les rangs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), l’unité tant prônée par Henri Konan Bédié est mise à rude épreuve. Pour la première fois de sa carrière, Jean–Louis Billon, bientôt 60 ans, s’active pour représenter la formation à la présidentielle d’octobre 2025, laquelle a déjà un candidat tout désigné : l’ancien financier Tidjane Thiam. Preuve de sa détermination, afin de préparer sa précampagne, l’ex–ministre du Commerce a démissionné de ses fonctions au sein du parti pour redevenir un simple militant.
Le parcours politique de Jean–Louis Billon a débuté en 2001, lorsqu’il a été élu maire de la ville de Dabakala, son fief familial, au centre–nord du pays. Il a alors pris soin de sortir de la gestion opérationnelle de Sifca pour préserver les intérêts du groupe familial, sans cesser pour autant de contribuer à l’élaboration de sa stratégie. Ses fonctions lui ont permis de se construire un solide réseau à l’international, sur lequel il s’appuie dans le cadre de son nouveau projet. Il organisera d’ailleurs son premier meeting parisien le 21 décembre.
Présidentielle en Côte d’Ivoire : Jean–Louis Billon et Tidjane Thiam, le duel des frères ennemis
Alors président de la Chambre de commerce et d’industrie, il avait, au cours des années 2000, négocié avec Laurence Parisot, à l’époque présidente du Medef (organisation patronale française), le retour des investisseurs français en Côte d’Ivoire. L’homme d’affaires, qui a affiché ses ambitions depuis plusieurs années, compte par ailleurs sur des caciques du parti, des membres du bureau politique ou des vice–présidents, afin de remporter l’étape des primaires lors de la convention prévue en 2025.
Laurent Gbagbo
L’ex–chef d’État, qui a dirigé le pays de 2000 à 2011, fait partie des mentors politiques de Jean–Louis Billon qui fut, en août 2000, le porte–parole du secteur privé lors de son investiture en tant que candidat du Front populaire ivoirien (FPI). Après l’élection de Laurent Gbagbo face au général putschiste Robert Gueï, Jean–Louis Billon lui a proposé de créer un think tank afin de faire du lobbying pour dynamiser les relations franco–ivoiriennes.
En Côte d’Ivoire, Tidjane Thiam face à un trouble–fête nommé Jean–Louis Billon
Mais le président élu lui a plutôt conseillé de s’intéresser à la présidence de la Chambre de commerce et d’industrie. Il lui a également recommandé son ami d’enfance, l’homme d’affaires Guy Roland Boni, qui sera
son directeur de campagne pour les élections à la présidence de la Chambre de commerce. Jean–Louis Billon s’est finalement brouillé avec Laurent Gbagbo après la concession du terminal à conteneurs 1 du Port d’Abidjan au groupe Bolloré, plutôt qu’à la Société ivoirienne des opérations maritimes (Sivom), appartenant à sa famille.
Ally Coulibaly
Ce très proche d’Alassane Ouattara a, lui aussi, parrainé Jean–Louis Billon. En 2013, lors des élections régionales,
il était parvenu à imposer dans le Hambol son ami comme candidat du parti présidentiel, le Rassemblement des républicains (RDR), l’ancêtre de l’actuel Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
Billon a été écarté par le gouvernement de son poste de président de région en 2017. Ally Coulibaly appelle
affectueusement ce dernier << mon neveu ». Tous deux sont issus de Dabakala, le fief des Billon. Le grand chancelier de l’Ordre national a également bien connu son père, Pierre Billon.
Le réseau politique français
Jean–Pierre Camoin L’ancien sénateur gaulliste, qui fut proche de Jacques Chirac, fait lui aussi partie de l’entourage de Jean–Louis
Billon. Ce dernier s’est appuyé sur son carnet d’adresses dans les sphères politiques françaises de l’époque. Jean- Pierre Camoin a fondé en 2004, au Sénat français, le Cercle d’amitié et de soutien au renouveau franco- ivoirien, un groupement qui veille sur les affaires économiques des deux pays.
Bruno Joubert
L’ancien Monsieur Afrique de Nicolas Sarkozy fut, lui aussi, proche de Jean–Louis Billon à qui il a facilité des accès dans les milieux politiques et économiques français. Les deux personnalités se rencontraient assez souvent après la brouille de l’ancien président de la Chambre de commerce avec Laurent Gbagbo, et se rendaient des services mutuels. Depuis sa retraite, après une carrière riche dans la diplomatie française, Joubert n’a pas totalement coupé les ponts avec Billon.
Dans les sphères économiques
Parfait Kouassi
L’actuel président de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) – le marché financier sous–régional et militant du PDCI est un proche de Billon, dont il fut
un collaborateur. En effet, Parfait Kouassi fut son vice- président à la Chambre de commerce et d’industrie.
Il lui a par ailleurs succédé à la présidence du Comité national de supporters des Éléphants (CNSE), l’équipe nationale de football.
Éric Djibo
Le PDG de la Polyclinique internationale Sainte–Anne- Marie (Pisam) connaît bien Jean–Louis Billon, qu’il fréquente depuis l’enfance. Quand Éric Djibo a succédé à son père à la tête de la Pisam, au début de 2010, Jean- Louis Billon lui a apporté son soutien lors de la bataille qui a opposé son ami aux actionnaires de l’établissement.
Jean–Louis Billon et Tidjane Thiam : la mission de médiation d’élus du PDCI
Thierry Tanoh
Passé par la Société financière internationale (SFI) et Ecobank, l’ancien ministre de l’Énergie et du Pétrole, qui fut aussi le secrétaire général adjoint de la présidence de
la République, sont des intimes. Et pour cause, leurs épouses, Henriette et Sylvie, sont sœurs.
Mais, au–delà de leurs liens familiaux, Thierry Tanoh est un soutien politique de Jean–Louis Billon. Tous deux membres des instances du PDCI, ils ont dénoncé le passage en force de Tidjane Thiam à la présidence du parti, estimant que sa candidature ne respectait pas certains textes. Depuis que l’ancien banquier a succédé à Henri Konan Bédié, Thierry Tanoh a pris ses distances avec la direction du parti, tout comme Jean–Louis Billon. À la suite de sa convocation devant le conseil de discipline du PDCI le 4 décembre – à laquelle il ne s’est pas rendu –,
ce dernier a sollicité les services de Me Soualiho Lassomann Diomandé (Lex Ways), qui fut l’avocat de Thierry Tanoh dans le litige qui l’a opposé à son ancien employeur, Ecobank.
Tony Elumelu
Le PDG nigérian de United Bank for Africa (UBA) connaît bien Jean–Louis Billon. Ce dernier l’a aidé à implanter une filiale de UBA en Côte d’Ivoire à la fin de 2000, dont il fut d’ailleurs l’un des présidents. Les deux hommes sont aujourd’hui toujours en contact.
Au sein du groupe familial Sifca
Alassane Doumbia
Celui qui faisait office de directeur financier chargé des projets et des investissements du groupe familial Sifca a gravi les échelons, puisqu’il est aujourd’hui président du groupe. Fils adoptif d’Yves Lambelin, l’un des actionnaires de référence assassiné lors de la crise postélectorale de 2011, il est un proche de Jean–Louis Billon sans pour autant militer au PDCI. Il se tient éloigné de la politique et reste concentré sur les activités du groupe.
Jean–Louis Billon est également resté très proche de l’ancien secrétaire général de Sifca, Nazaire Gounongbe, qui est l’un de ses plus grands soutiens en perspective de l’élection présidentielle. Ce dernier a été de tous ses combats, depuis la Chambre de commerce et d’industrie au ministère du Commerce, où il fut d’ailleurs son directeur de cabinet.
Côte d’Ivoire : Alassane Doumbia, Pierre et David Billon… Au cœur de la galaxie Sifca
Tous deux se sont rencontrés en 1999, lors d’un entretien d’embauche chez Sifca. Nazaire Gounongbe est aujourd’hui directeur général de Trafule, une société spécialisée dans la transformation de fruits et de légumes basée à N’Douci (Sud), et dont Alassane Doumbia est le président du conseil d’administration.
L’allié au PDCI
Maurice Kakou Guikahué
Sans afficher un soutien indéfectible à Jean–Louis Billon, l’ancien secrétaire exécutif du PDCI milite pour des primaires au sein du parti afin de choisir le candidat à la présidentielle. Il a ainsi pris de court certains membres de la direction.
Côte d’Ivoire : Maurice Kakou Guikahué favorable à une primaire au PDCI
Maurice Kakou Guikahué, qui fut le bras droit d’Henri Konan Bédié, est l’une des mémoires du PDCI. Il en a été écarté de l’élection à la présidence au profit de Tidjane Thiam car il était sous contrôle judiciaire. Depuis, plusieurs de ses proches ont rejoint Jean–Louis Billon. Ce médecin cardiologue de formation est aussi le vice- président du groupe parlementaire PDCI à l’Assemblée nationale.
Jean Moliere /JA