Le pays est le troisième producteur africain de cette fibre végétale.
Dans le contexte du réchauffement climatique, comment aider les agriculteurs africains à s’adapter ? La start-up toulousaine Weather Force a mis au point une application permettant de mieux connaître et d’anticiper les évolutions de la météo. Financée notamment par la Banque mondiale, elle travaille en Côte d’Ivoire avec la Sodexam (service météo ivoirien), en lien avec des producteurs de la filière coton. L’enquête de franceinfo Afrique.
En Côte d’Ivoire, le réchauffement du climat se fait déjà sentir dans l’agriculture, activité essentielle qui représente environ le quart du PIB du pays et fait travailler plus de la moitié de sa population active. « Le phénomène a un impact négatif sur les activités agricoles. Les changements de saison sont de plus en plus imprévisibles. Et l’on observe des inondations en milieu urbain et rural », observe Jean-Louis Moulot, directeur général de la Sodexam, entité publique qui gère notamment les services météorologiques et les infrastructures aéroportuaires. Dans ce contexte, « les producteurs cherchent à anticiper et à prévenir les évolutions de la météo », souligne Pascal Venzac, directeur général de Weather Force.
La start-up a été sélectionnée dans le cadre d’un appel d’offres pour un projet pilote du programme Africa Hydromet de la Banque mondiale en raison de « la qualité de ses services et son savoir-faire avéré », explique Jean-Louis Moulot. « La Sodexam produit déjà des données à partir de ses 30 stations météo, mais nous ne ciblons pas forcément les utilisateurs finaux. Nous avons donc besoin que l’on nous aide à affiner ces données en fonction des besoins de nos clients, donc à développer une approche commerciale », précise-t-il.
Une aide que peut fournir Weather Force, start-up fondée en 2016 par Pascal Venzac et Christine David, présidente de la société. Deux dirigeants qui sont deux anciens de Météo France. Weather Force, qui compte aujourd’hui une vingtaine de salariés, réalise 30 à 40% de son chiffre d’affaires (509 000 euros en 2019) en Afrique. Le CA double tous les ans, ce qui montre le dynamisme de la start-up, mais aussi que son offre de service correspond à des besoins importants. Signe de son internationalisation : son site internet n’est rédigé qu’en anglais…
« Descente d’échelle »
Dans le cadre d’Hydromet, la Banque mondiale a donc alloué à Weather Force 50 000 dollars pour intervenir en Côte d’Ivoire auprès de la filière coton, « réformée et soutenue par l’Etat » et aujourd’hui « en pleine renaissance » (Jeune Afrique). Le pays est le 3e producteur africain derrière le Bénin et le Mali. Pour 2019-2020, la profession s’attend à une saison record de 510 000 tonnes.
« La Sodexam fournit des données et une expertise locale », observe Christine David. De son côté, Weather Force, qui a accès aux bases des grands centres mondiaux de météo, analyse et transforme les éléments météorologiques et climatiques, couplés à des modèles pour les cultures. « Nous pratiquons ensuite une descente d’échelle. Nous affinons les données. Nous les simplifions et les traduisons pour les rendre cohérentes et pour qu’elles soient le plus proche possible des besoins des utilisateurs finaux potentiels », poursuit la présidente. Les utilisateurs finaux, c’est-à-dire les quelques centaines de milliers de petits producteurs de coton, qui sont souvent aussi des producteurs de noix de cajou en fonction des saisons.
Pour atteindre cet objectif, la start-up est en train de mettre au point un « démonstrateur de services agro-météorologiques ». En clair : une application mobile d’aide à la prise de décision.
Cette application doit permettre de fournir aux utilisateurs des données indispensables pour leur activité, notamment des indicateurs de températures et de pluviométrie, qui soient faciles à utiliser. Il s’agit aussi de fournir des éléments sur les impacts de ces indicateurs sur les végétaux
Pascal Venzac, directeur général de Weather Force
Ces impacts sont visualisés pour la culture spécifique du coton : risques de maladies et de nuisibles, prévision de la date de récolte optimale, anticipation de besoins d’irrigation… D’une manière générale, le dispositif a recours à des technologies très actuelles, notamment l’intelligence artificielle et les capteurs connectés.
Pour atteindre les producteurs, Weather Force passe par le réseau des conseillers de l’Agence nationale d’appui au développement rural (Anader), un effectif de 274 personnes qui interviennent dans toutes les régions du pays. Ces conseillers sont chargés de tester le démonstrateur qui doit être mis en place d’ici quelques mois. Dans le même temps, pour que les informations soient diffusées au public le plus large, il faut réfléchir à la langue d’utilisation, qui peut changer d’une région à l’autre, même si dans un premier temps, ce devrait être le français. « Il faut également trouver le meilleur média de diffusion. Tout le monde n’a pas de smartphone », note Christine David. Les messages pourraient donc aussi passer par la radio.
L’utilisation de ce démonstrateur ne risque-t-elle pas de renforcer le rôle de l’agriculture intensive ? « Nous veillons à rester dans l’agriculture traditionnelle d’autant que la Côte d’Ivoire mise aujourd’hui sur la polyculture », répond Christine David.
En donnant des informations plus précises aux producteurs, on aide à diminuer les apports en eau et en intrants pour améliorer les rendements dans le cadre d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement
Christine David, présidente de Weather Force
Et le cacao dans tout ça ?
Pourquoi cette expérience n’a-t-elle pas été lancée dans le secteur du cacao, dont la Côte d’Ivoire est, depuis 40 ans, le premier producteur mondial (40% de la production de la planète) ? « Cette filière, plus ancienne que celle du coton, est plus difficile d’accès pour une entreprise comme la nôtre. A la différence de celle du riz« , répond Pascal Venzac. Par contre, elle intéresse des entreprises intervenant dans le secteur, notamment des chocolatiers, sur le nom desquels Weather Force reste discret.
Car au-delà de l’expérience, ce qui intéresse les partenaires, c’est « la capacité de développer un modèle économique« , soulignent les responsables de la start-up. Il s’agit de faire du démonstrateur un dispositif apte à dégager des bénéfices pour ses concepteurs, donc pouvant être utilisé par des industriels : fabricants de graines, d’intrants.… Le but étant de trouver d’autres sources de financement pour que les agriculteurs ivoiriens n’aient pas à payer pour ces nouveaux services. Au-delà, il s’agit aussi, dans l’esprit de la Banque mondiale, de faciliter une plus grande interaction entre les opérateurs publics de météo et le secteur privé.
De son côté, la Sodexam « réfléchit à une extension de ce type de services vers d’autres activités concernées par le réchauffement climatique : BTP, assurances, transports, promotion immobilière, génie civile… », souligne le directeur général de la météo ivoirienne. Quant à Weather Force, la start-up espère ne pas en rester à la Côte d’Ivoire. Et pouvoir travailler aussi sur le sujet avec le Burkina Faso et le Mali, notamment.
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